À ces paroles, le cœur du Khakan se calma et la princesse au visage de soleil sourit, et, l’esprit délivré de soucis, ils firent asseoir devant eux l’envoyé et dirent ce qu’il était convenable de dire d’une fille de princesse qui avait été cachée à tous les yeux.
Mihran l’accepta du père au nom du victorieux roi des rois ; l’intermédiaire accepta et le Khakan donna la fille unique de la princesse.
Des serviteurs arrivèrent avec l’offrande destinée au. rai ; ils arrivèrent joyeusement devant leur maître, ensuite on apporta tout un trésor préparé, contenant des choses précieuses de toute espèce : des pièces d’or, des joyaux, des colliers, des trônes, une litière en turquoises, un trône en ivoire et un autre en bois d’aloès indien ornementé d’or et incrusté de pierreries variées et tous les deux accompagnés de diadèmes royaux.
Un mon cent chevaux hridés et cent chameaux de bât ; les chameaux étaient chargés de brocarts de Chine, les chevaux portaient des selles ornées ; il y avait quarante pièces de brocart tissées d’or et brodées sur l’or de chrysoprase.
Le Khakan fit charger de tapis cent chameaux, appela trois cents servantes et attendit qu’elles fussent toutes montées à cheval, chacune un drapeau en main, selon la mode de Chine.
Le prince à la fortune victorieuse fit placer sur le dos d’un éléphant le trône de turquoises incrusté de fils d’or et d’argent qui encadraient des pierres fines non travaillées et un étendard brillant en brocart de Chine, sous lequel disparaissait le sol ; il fit prendre ce trône par cent hommes et le fit élever de la terre jusqu’au ciel.
Il fit couvrir de brocart une litière en or, dans laquelle se trouvait une perle inestimable, safillc et les trois cents servantes partirent joyeusement et rapidement avec cette fille au visage de lune.
C’est ainsi qu’il envoya son enfant au roi, accompagnésI
2 d’une escorte et précédée de quarante eunuques qui marchaient devant elle le cœur en joie.
I Lorsque le Khakan fut délivré de ce soin, un scribe arriva, apportant du musc, de l’eau de rose et une pièce de soie et le roi lui fit écrire une lettre à Kesra, couverte d’ornements et belle de toute manière.
Il commença par les louanges du Créateur, le maître du monde, toujours éveillé, voyant tout, qui, chaque fois qu’il a prédestiné quelque chose, dirige les mouvements de ses serviteurs vers œ but.
Le roi du monde est le diadème sur ma tête et ce n’est pas à cause de ma fille que j’ai recherché son alliance ; car, depuis que les sages, les grands et les Mobeds à l’esprit vigilant m’ont parlé de la grandeur, du pouvoir et de la gloire du roi, j’ai cherché un moyen de me lier avec lui.
C’est lui qui dispense la justice au monde entier et jamais roi n’a porté la ceinture du pouvoir comme lui, ne lui est comparable en bravoure, en victoires, en puissance, en majesté, en taille, n’a eu un trône et un diadème comme lui ; Dieu, le tout-saint, l’a nourri de jus- . tics, de sagesse, de foi et d’intelligence.
J’envoie ma fille chérie au roi Kesra, avec les formes que nous observons.
Je lui ai ordonné de se tenir comme une esclave quand elle sera entrée dans l’appartement des femmes du roi, de se former l’esprit d’après la grandeur et la sagesse du roi, d’apprendre ses coutumes et ses usages.
Puissent la fortune et la raison être tes guides et la puissance et le savoir tes soutiens ! »
On trempa le sceau dans du musc chinois et on l’applique à la lettre, que le roi remit à l’envoyé en le bénissant.
Puis, il prépara pour Mibmn Sitad un présent tel que personne n’avait souvenir qu’un des rois du monde en eût donné un semblable à un envoyé en public ou en secret.
Il fit de même des présents aux compagnons de l’envoyé et leur donna beaucoup d’or et de musc.
Il partit avec sa fille et ses trésors, aves les cavaliers et les éléphants parés et marcha jusqu’au bord du Djihoun.
Des larmes de sang tombaient de ses cils et il resta ainsi jusqu’à ce que le cortège eût passé le fleuve et atteint la terre sur l’autre rive.
Puis, il quitta la rive du Djihoun, le cœur gonflé de sang et livré à la douleur d’avoir perdu sa fille.
Quand on apprit que Mihran Sitad arrivait, chacun offrit aux arrivants des présents et des récompenses, tous prononcèrent des bénédictions sur le roi de l’Iran et le maître de la Chine ; tous, dans la joie de leurs cœurs, apportaient des présents et des offrandes et voulaient montrer leur hospitalité et leur amitié.
Dans chaque ville et sur toute la route on dressait des pavillons de bienvenue et l’on répandait de l’argent sur cette fille de roi.
A Amont, sur la route du désert et à Merv, le monde était paré comme le plumage de la perdrix.
Quand l’escorte
Arriva à Bestham et à Gourgan, on aurait dit que la terre ne voyait plus le ciel, tant il y avait de pavillons et de coupoles dans les villes et les campagnes, sur toutela route que parcourait le cortège.
Les enfants, les hommes et les femmes du palais étaient rassemblés sur la route de cette idole de la Chine ; on jetait du haut des balcons des pièces d’argent, on tamisait sur elle du musc et de l’ambre ; on mettait sur des plateaux des aromates mêlés, le monde était rempli du son des timbales et des clairons, les crinières des chevaux étaient trempées de musc et de vin et l’on répandait sous leurs pieds du sucre et de l’argent ; le bruit des flûtes, des harpes et des rebecs était tel qu’il n’y avait pas un lieu où se reposer et dormir.
Lorsque l’idole fut entrée dans l’appartement des femmes du roi, Kesra regarda dans la litière et vit un cyprès surmonté du disque de la lune portant un diadème d’ambre et au-dessous de celui-ci un autre diadème de boucles noires tombant en anneaux entrelacés comme des chaînes, liées sur le haut de la tête et entremêlées et tressées avec art ; ces boudas formaient comme un anneau en civette placé sur une rose et recouvrant un visage brillant comme Jupiter.
Le roi Nouschirwan en resta dans l’étonnement et prononça sur elle à plusieurs reprises le nom de Dieu.
Il choisit un appartement digne d’elle et l’on prépara un trône pour cette lune.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021