Le roi appela un scribe et lui parla longuement du Khakan ; il lui ordonna d’écrire une réponse à sa lettre, de l’écrire dans un choix de belles paroles.
Il commença par les louanges du Créateur, maître du monde, victorieux, père nourricier de tout, par l’ordre duquel le monde subsiste, le guide dans le bonheur et le malheur, qui accorde des honneurs à qui il veut et l’élève d’en bas jusqu’au ciel sublime, pendant qu’un autre reste dans le malheur si le Créateur ne le favorise pas.
Je lui fais des actions de grâces pour tout bonheur et tout malheur qui me vient de lui et si je fais du mal, je tremble devant lui.
Que ma vie et mon âme périssent si jamais je cesse de le craindre et d’espérer en lui.
Un illustre envoyé est arrivé, porteur de bonnes paroles du Khakan de la Chine.
J’ai écouté tout ce que tu me dis d’une alliance et des filles pures que tu tiens cachées et je me réjouis de devenir ton allié,v surtout si c’est par un mariage avec une de tes filles voilées.
Je t’envoie un homme de sans, un homme dont mon esprit estime hautement l’âme ; il ira et te dira tout mon secret sur la conclusion de cette alliance et comment je veux la commencer.
Puisse ton âme être toujours pleine de pudeur !
Puisses-tu être heureux et rester toujours amical envers moi ! »
Lorsque le roseau eut fait son cilice, le scribe arrangea le papier et le plia et lorsque l’air eut séché les larmes du roseau, on apposa sur la lettre un sceau de musc.
Le roi remit aux envoyés un présent ah.
. tel que leur cortège en fut étonné ; puis il choisit un vieillard intelligent et noble, dont le nom était Miliran Sitad et cent illustres cavaliers iraniens, des hommes éloquents, ayant de bonnes manières et une bonne renommée.
Il dit à Mihran Sitad :
Pars gaiement et avec confiance, le cœur plein de tendresse et de justice.
Que ton âme t’inspire et ta langue prononce des paroles douces, que la raison te guide, que ton cœur soit plein de bienveillance.
Commence par observer les femmes du Khakan et parte rendre compte de ce qu’il y a de bon et de mauvais parmi elles et ne te laisse pas tromper par le fard des visages, par l’or et les ornements qu’elles porteront.
Le Khakan a derrière le voile une fille, haute de taille et portant un diadème ; mais la fille d’une esclave ne me convient pas, bien que son père soit roi ; enquiers-toi respectueusement et exactement laquelle est, par sa mère, fille de princesse, petitefille du puissant F aght’our de la Chine et fille du Khakan, qui est un prince glorieux.
Si elle est aussi belle que sa naissance est grande, elle rendra heureux le monde et sera heureuse elle-même. »
Mihran Sitad écouta les paroles du roi, prononça bien des bénédictions sur la couronne et le trône et partit de la cour qui rendait brillant le monde, à une heure propice du sixième jour du mais Khordad.
Lorsque le Khakan sut qu’il était en route, il envoya au-devant de lui un cortège.
Mihran arriva ainsi auprès du Khakan de la Chine et baisa la terre devant lui en le saluant.
Aussitôt que le prince l’eut aperçu, il le reçut amicalement et lui fit préparer un logis somptueux ; mais son esprit était troublé de cette affaire et il se rendit dans l’appartement de sa femme, à laquelle il confia ce que Nouschirwan lui faisait dire et lui parla des trésors et de l’armée du roi en ces termes :
Ce roi Nouschirwan est vaillant, il a l’esprit éveillé et sa fortune est jeune ; je veux lui donner une de mes filles, car ma gloire s’en accroîtra.
J’ai derrière le voile une fille qui est le diadème sur la tête de toutes les reines ; il n’y a pas dans le monde une femme aussi belle et maintes fois des rois me l’ont demandée en mariage ; je l’aime pourtant trop pour avoir envie de priver mes yeux de sa vue.
Mais des femmes servantes m’ont donné quatre filles, servantes elles-mêmes et esclaves à l’esprit éveillé.
Je lui en donnerai une et serai libre alors de guerres et de querelles. »
La princesse lui dit :
Personne dans le monde ne te surpasse en sagacité. »
Il se coucha, sur ces paroles et dormit la nuit.
Lorsque le soleil se montra au-dessus des montagnes, Mihran Sitad se présenta à la cour, s’avança jusqu’au trône et remit la lettre de Nouschirwan.
Le Khakan lut la lettre et sourit à ce qu’il y trouvait sur l’alliance et le bon choix qu’il devait faire.
Il donna à Mihran la clef de l’appartement de ses femmes et lui dit :
Va et regarde ce que tu y trouveras caché. »
Quatre serviteurs de confiance du Khakan devaient l’accompagner et lMihran Sitad, lorsqu’il eut entendu ces paroles, prit la clef et partit avec les hommes de confiance.
Il ouvrit la porte des appartements secrets et ils yentrèrent et les serviteurs lui firent des contes, disant :
Les personnes que tu vas rencontrer n’ont jamais été vues par les astres, ou la lune ou le soleil. »
L’appartement des femmes était arrangé comme un paradis, plein de lunes, de soleils et de richesses.
Il y avait cinq jeunes filles aux visages de Péris, assises sur des trônes, ayant toutes des couronnes sur la tête et couvertes de trésors de joyaux, excepte celle qui était la fille de la princesse et qui n’avait ni diadème, ni bracelets, ni collier, ni pierreries ; une simple robe la couvrait et son diadème consistait dans les cheveux noirs que Dieu lui avait donnés ; ses joues n’étaient pas colorées de fard, elle n’avait de parure que celle qu’elle devait au Créateur ; mais c’était un cyprès surmonté d’une lune nouvelle dont le reflet faisait briller un trône nouveau.
Quand Mihran Sitad la regarda, il vit qu’aucune des autres ne lui était comparable et cet homme clairvoyant et à l’âme noble comprit que le Khakan et la princesse s’étaient écartés de la justice.
La jeune fille couvrit ses yeux avec son écharpe et sa main et !
La colère de Mihran s’en accrut.
Il dit au serviteur :
Le roi a bien des bracelets, des couronnes et des trônes.
Je choisis celle qui n’a ni couronne ni panure et qui doit encore grandir.
J’ai supporté ce pénible voyage pour faire un bon choix et non pas pour des brocarts de Chine. »
La princesse lui dit :
Ô vieillard, tu ne dis pas une parole qui soit raisonnable.
Voici des princesses illustres, gracieuses, intelligentes, qui peuvent enflammer les cœurs, d’âge à être mariées, a avec des tailles de cyprès, des joues comme le printemps et qui sauraient être les servantes d’un roi et tu choisis à leur place une enfant qui est trop jeune !
Tu n’es pas un homme de sensu Mihran Sitad répondit :
Si le Khakan veut être juste, il reconnaîtra que le roi, maître du monde, ne m’appellera pas vieillard insensé. le choisis celle qui est là sur son trône de bois de teck, sans aucun ornement, sans collier ni diadème.
Si les maîtres de ce pays n’y consentent pas, je m’en retournerai dès que vous le permettrez. »
Le Khakan réfléchit sur ces paroles, il fut étonné de son sens et de sa décision ; il reconnut que ce vieillard à l’esprit net était un puissant homme et propre aux alliaires délicates.
Le prince intelligent s’assit avec ses conseillers ; il renvoya de sa salle d’audience la foule et quand le lieu de la séance futlihre, les astrologues, tenant en main leurs tables
Roumies, les grands et tous les chefs du pays arrivèrent.
Le Khakan ordonna à tous ceux ’qui auraient de l’amitié pour lui de calculer la position du ciel ; le Mobed observa les astres par rapport à ce que le Khakan allait faire et à l’alliance qu’il allait coutracter avec le roi.
À la fin, il dit :
Ô roi, que ton cœur ne s’inquiète pas de malheurs qui pourraient arriver.
La volonté du ciel sublime, que la rotation favorable des astres indique, est que cette affaire n’ait que des suites heureuses, que tes ennemis ne prévalent pas avec leurs mauvaises intentions, qu’il naisse de l’union de la fille du Khakan avec le roi un prince digne du trône, auquel le pays d’Iran et les vaillants grands de la Chine rendront hommage. »
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021