Kesra Nouschirwan

Cinquième fête que donne Nouschirwan à Buzurdjmihr et aux Mobeds

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Une autre semaine se passa et le huitième jour, au moment où le soleil qui illumine le monde commença à briller, rejetant le voile sombre de la nuit et parant le monde d’une robe de brocart jaune, le roi des rois s’assit en présence des Mobeds, des vieillards intelligents et sachant bien parler, d’Ardeschir, chef des Mobeds et des grands, de Schapour et de Yezdeguerd, le scribe.

Buzurdjmihr, le jeune homme éloquent, se présenta aussi devant Nouschirwan.

Le roi du monde dit à cette assemblée de savants :

Qui parmi vous a dans son âme assez de sagesse pour être le soutien de la religion de Dieu et pour préserver de tout mal le trône de la royauté ? »

Lorsque le Grand Mobed entendit ces paroles, il commença à parler au milieu des nobles, en réponse au roi :

C’est la justice de Nouschirwan qui fait briller la majesté royale, le diadème et le trône. -Puisqu’il ouvre son trésor selon de mérite des hommes, son nom restera grand après la mort ; car c’est la générosité qui donne le grand renom et les trésors sont faits pour être répandus.

Ensuite, il restera glorieux, parce que sa langue est pure de tout mensonge et .qu’il ne cherche pas à acquérir de l’honneur dans. le monde par des moyens frau-duleux ; ensuite parce qu’il est juste et généreux et que sa couronne embellit notre époque ; puis parce que la tête du roi illustre ne s’émeut pas des fautes que commettent les sujets ; ensuite parce qu’il sait parler de telle façon que son nom ne peut jamais vieillir dans le monde ; en toute chose. grande et petite, il dit la vérité et dans aucun cas il ne s’écarte des règles de la dignité.

Ensuite, il aime les serviteurs de son trône autant que sa fortune ; puis, si savant que.soit son discours,sa langue sait lui donner de l’éloquence ; son esprit ne se relâche pas à apprendre et à consumer le cerveau dans ses pensées.

L’intelligence rend libre tout homme, quand même il a beaucoup à se plaindre de son étoile.

Ne fais jamais, ô roi, de divorce entre ton cœur et ton intelligence ; c’est elle qui conduit à la gloire et à une lin heureuse.

C’est un esprit pauvre et de peu de sagesse qui a pu dire : C’est à moi que personne n’est égal en savorr. »

Yezdeguerd, le scribe, dit :

Ô roi sage et qui ac- !

Cueilles la sagesse !

Il est honteux pour un roi de verser du sang et, de se mettre en colère pour peu de chose ; s’il est léger, s’il agit avant d’avoir réfléchi, il se trouve en opposition avec l’homme intelligent et s’aigrit par suite de sa propre ignorance ; si le cœur du roi du monde s’abandonne aux passions, c’est que le Div s’est fait le compagnon de son esprit ; or, si l’esprit du juge est âpre, ses paroles ne rendront pas faciles les affaires.

Un homme de guerre qui, au moment du combat, a pour pour sa vie et ne craint pas la honte et un riche, qui a le cœur étroit et avare, il vaut mieux qu’ils disparaissent dans la tombe.

Le pouvoir ne sied pas à un pauvre, car le pauvre n’est pas propre au com--mandement.

Un vieillard fourbe se rend odieux, et, après sa mort, son âme ira au feu ; si un jeune homme est paresseux dans l’action, le monde en sera dégoûté et son esprit ne restera pas sain et vigoureux ; maudit soit son esprit, maudite sa langue ! »

’ Lorsque Buzurdjmihr eut entendu ces beaux discours et rempli son cerveau de sagesse, il dit :

Ô roi au visage de soleil, puisse le ciel étoilé être toujours propice à tes désirs !

Fais de manière que tout homme qui a de l’intelligence cultive son esprit par le savoir.

Le cœur des pierres et des rochers pleure sur l’homme ignorant, et, à cause de son ignorance, personne ne le respecte ; il ne comprend

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ni le commencement des choses ni leur but ; il ne distingue pas ce qui est honteux de ce qui est honorable.

Sont méprisés par la foule qui travaille, plus méprisés encore par les sages, d’abord : le juge de mauvaise foi, à qui le sage n’accorde pas son estime ; ensuite le chef de l’armée qui n’a soin que de ses trésors, le soldat qui se refuse a la fatigue, le savant qui ne recule pas devant le crime quand il s’agit de quelque chose qui flatte ses goûts, le médecin qui est malade lui-même, car comment déli-vrerait-il le malade de son mal ?

Puis le pauvre qui s’enorgueillit de richesses qui ne valent pas une obole quand on les nomme ; ou l’avare qui envie aux autres le repos et le sommeil, l’eau claire à la rivière et qui s’en fait un mérite quand un vent favorable souffle sur toi ; ou l’homme intelligent qui se met en colère et attache les yeux de la convoitise sur le bien des autres ; enfin celui qui favorise l’ignorant et livre le pouvoir au paresseux.

Un homme sans talent, mais qui a de la raison, se re-

I pent quand il a fait mal ; mais le cœur d’un homme sans raison s’enflamme par ses désirs comme le feu qui trouve pour aliment du soufre on que propage un champ de roseaux.

Que le cœur du roi reste vaillant, que les chefs de la terre soient ses serviteurs ! »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021