Deux semaines s’étant passées, le roi se débarrassa un jour des affaires publiques et ordonna aux Mobeds et aux nobles de venir au palais avec les sages ; il leur fit des questions sur le corps et la naissance, sur l’ardeur et le repos, sur l’intelligence et la justice, sur la royauté, le trône et le pouvoir, sur le commencement et la fin de la fortune.
Il questionna ces Mobeds sur ces sujets et les interrogea sur tout œ qu’il voulait.
Chacun parlait selon la mesure de ses connaissances ; mais le roi n’était pas satisfait et dit à Buzurdjmihr :
Tire de sa cachette le brillant joyau. »
Buzurdjmihr lui rendit ses hommages, disant :
Ô roi au cœur serein et plein de
2re DES sors. tendresse !
Sache que jamais roi comparable à toi en justice, en savoir, en gloire du trône et de la couronne, en beauté, en sagesse et en haute for--tune, n’a mis le diadème sur sa tête.
Quand un roi est vertueux, quel bonheur pour le monde que la vertu d’un maître de la couronne, qui craint Dieu quand il a à juger, qui n’est pas avide du pouvoir et de montrer qu’il est le maître, qui domine ses passions par la raison, même dans un moment de colère !
Il faut qu’un roi n’ait jamais une pensée que désapprouverait le Créateur ; il doit reconnaître que le bonheur et le malheur viennent de Dieu et rechercher le paradis en récompense de la vertu.
Être véridique et conciliant est le devoir constant du maître du monde et de l’homme d’honneur.
Il n’y a rien de meilleur que la véracité et le maître de la terre ne possède pas un plus beau joyau.
Un roi doit être éloquent, d’une âme sereine, rendre justice à tous et traiter les petits comme tels et les grands comme tels.
Aucun sujet du roi ne doit jamais être privé de sa place légitime.
La couronne sera puissante aussi longtemps que le roi tiendra en honneur les sages et la majesté royale sera sauve aussi longtemps que le maître du monde acceptera l’avis de tout homme qui sait.
Il faut observer ce qui se passe à la cour et sévèrement réprimer les convoitises des méchants.
Il .ne faut pas qu’un seul homme passe la nuit dans la peine, car il pourrait en arriver malheur au roi.
Le roi éloignera tout homme qui a mérité une punition, qui est de mauvaise race et de mauvaise nature, pour que les hommes inoffensifs n’aient rien à craindre de lui.
À quiconque se trouve dans les prisons du roi, qu’il soit coupable ou innocent, il faut ouvrir la porte selon l’ordre de Dieu, qu’il a fait connaître dans le Zend-Avesta.
Mais si c’est un être malfaisant, impudent et dépravé, il faut en débarrasser la face du pays, pour qu’il n’ait pas un retour de fortune qui lui permettrait de porter la désolation dans les demeures des hommes.
Il faut que le maître du monde soit attaché à la foi et à la justice tant qu’il sera roi ; il faut qu’il travaille en public et en secret à délivrer le monde avec son épée du mal que font les Divs.
S’il ordonna son armée sagement, les hommes qui ont besoin de son aide cesseront de souffrir.
Si tu es prudemment sur les gardes contre tes ennemis, le cœur manquera à ceux qui ont de mauvais desseins contre toi.
Emploie des hommes pour réparer, avant que le temps des combats arrive, toutes les brèches dans l’empire.
Tout reproche que l’on fait au roi retombe sur la couronne et sur le trône.
Chéris autant que tu peux ton fils, car il est comme ton image réfléchie dans l’eau ; il faut espérer que son cœur sera éclairé par l’instruction et par l’en rseignement de la science.
Tu dois lui ouvrir la porte
de ton trésor, pour qu’il n’ait pas à se plaindre de sa gêne.
Il ne faut pas briser le cœur du fils du roi, quand il commet une injustice ; ramène-le dans le bon chemin par la bonté et restreins son pouvoir dès le commencement ; si tu trouves dans son cœur une trace d’inimitié, c’est une mauvaise herbe qu’il faut arracher de son jardin ; car si on la laisse subsister, elle prendra de la force et remplira de ronces le jardin du roi.
Un roi qui veut se conduire avec dignité et avec prudence ne doit pas prêter l’oreille aux paroles des médisants :
un Destour de mauvaise nature et adonné à parler mal des autres causera la perte du trône et de la royauté.
N’écoute pas les discours des ignorants ; quand ils parlent mal de quelqu’un, garde-toi par esprit de justice de prononcer un arrêt.
Il faut tout faire avec droiture et éloigner son cœur de toute perversité.
Il ne sied au maître du monde quela droiture ; c’est le Div qui amène la perdition.
L’homme pur qui entend ces paroles fera de la raison la reine de son cœur, le diadème bénira le roi et le trône se raffermira par lui ; la couronne des rois et le trône seront fiers de lui, ses ennemis perdront confiance en leur fortune et cette roue du ciel a beau tourner, un nom glorieux restera comme souvenir de lui.
Puisse la grande âme de Nouschirwan rester jeune aussi longtemps qu’il y aura des jours ! »
L’assemblée fut confondue des paroles de Buzurdjmihr et l’intelligence des sages paraissait obscure à côté de la sienne.
Nouschirwan, quand il (eut entendu ces paroles, doubla son traitement, lui remplit la bouche de perles de belle eau et ces conseils remplirent de larmes ses yeux.
L’assemblée quitta la salle d’audience du roi de la terre, les lèvres pleines de bénédictions.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021