Le sage se retira dans l’intérieur de sa maison, !
Plaça devant lui une table et un compas et s’enfonça tellement dans ses réflexions que son esprit en devint comme un fourré.
Il voulait inventer quelque chose de nouveau, un autre noble jeu qui étonnerait les savants et qu’ils ne pourraient pas deviner.
Il avait cherché un lieu très-sombre pour pouvoir concentrer ses pensées ; il y réfléchit sur les échecs et l’invention des Indiens et son esprit s’y appliqua jusqu’à se fatiguer ; en joignant son intelligence à son cœur serein, il établit le jeu du nard à force d’invention et de réflexion.
Il fit faire deux dés en ivoire, avec les chiffres marqués sur l’ivoire en couleur d’ébène, puis il forma une armée comme aux échecs, la plaçant des deux côtés en ordre de bataille et en distribuant en huit cases les troupes toutes prêtes pour le combat et pour l’assaut de la ville.
Le champ était noir, le champ de bataille carré et il y avait deux rois puissauts et de bonne disposition qui devaient marcher tous les deux, mais sans jamais se faire de mal.
Ils avaient chacun de son côté une armée àleurs ordres, accumulée au hautdu champ et prête pour le combat.
Les deux rois s’avançaient sur le champ de bataille, leurs troupes circulant de tout côté autour d’eux, l’un tâchant de dépasser l’autre et l’on se battait tantôt sur les hauteurs, tantôt dans la plaine ; quand deux de l’autre côté avaient surpris un homme isolé. celui-ciétait perdu pourles siens et les deux armées restaient ainsi en présence jusqu’à ce que l’on vît laquelle était battue.
Il arrangea comme j’ai dit le jeu du nard, puis il se présenta au roi et lui expliqua tout, s’étendant sur le pouvoir des rois et sur les combats que se li-’ 3là vraient. les armées et montrant tout à Kesra.
Le roi de l’Iran en fut confondu et son esprit fut plongé dans ses réflexions ; tantôt il louait, tantôt il blâmait les mouvements de ces rois au cœur fier ; à la fin il dit :
Ô homme à l’esprit brillant !
Puisses-tu rester jeune et jeune ta fortune ! »
Il ordonna que le chef des chameliers lui amenât deux mille chameaux ; on tira des trésors du roi de quoi les charger avec le produit des tributs du Roum et de la Chine, des pays de Heïtal, du Mekran et de l’Iran et la caravane partit de la cour du roi.
Quand les chameaux furent chargés et le roi débarrassé de ce souci, il fit appeler l’envoyé du Radja, lui parla longuement de la vertu du savoir et écrivit une lettre au Radja, pleine de sagesse, d’enjouement, de sens et de raison.
Il commença sa lettre par bénir le prince qui cherche en Dieu un refuge contre les attaques du méchant Div, puis il dit :
Ô illustre roi de l’Inde depuis la mer du Kanoudj jusqu’aux frontières du Sindl Ton messager intelligent est arrivé avec le parasol, les éléphants et tout son cortège, avec ’échiquier et ton message ; nous l’avons écouté et nous avons fait ce que nous prescrivait le Radja.
Nous avons demandé du temps au sage indien, nous avons appelé le savoir à l’aide de notre esprit ; un Mobed, notre conseiller, dont les avis sont bons à suivre, a fait beaucoup de recherches et a découvert la marche du jeu.
Maince tenant ce Mobed intelligent portera dans le Kanoudj au puissant Badja deux mille lourdes charges de chameaux, composées de choses acceptables comme souvenirs.
J’envoie, à la place des échecs, le jeu du nard pour voir si l’on veut relever ce défi de ce jeux.
Il y a beaucoup de Brahmanes de bon conseil qui, par leur savoir, pourront trouver la marche de ce jeu.
Le Radja enverra dans son trésor toutes les R richesses que mon messager lui apportera avec beau-coup de fatigue ; mais si lui et ses conseillers essayent de découvrir le jeu du nard et ne réussissent pas, il faut que le Radja du Kanoudj fasse préparer, conformément à notre traité, le même nombre
(r de charges de chameaux et qu’il me les envoie, en me rendant en même temps ce que je lui ai expédié.
Tels sont notre convention et notre marché. »
Lorsque le soleil commença à briller du haut du ciel, Buzurdjmihr quitta la cour du roi avec les chameaux chargés, avec la lettre et le jeu du nard et ila tête remplie de plans de triomphes et de luttes.
Arrivé de l’Iran chez le Radja, avec le Brahmane, son joyeux guide, il se présenta devant le trône du prince et aperçut son visage, son diadème et sa fortune ; il le salua longuement en pehlevi, lui remit la lettre et lui répéta le message du roi des rois.
La joue du Badja de l’Inde s’épanouit comme une fleur et le guide indien raconta tout ce qui siérait passé quant aux échecs et à la peine qu’on avait eue à en
3l6 DES BOIS ; trouver la règle.
Ensuite le savant Buzurdjmihr lui expliqua comment il avait découvert le jeu, la marche des pièces et le rôle des rois et des Mobeds des reines) qui les dirigent ; puis il lui remit le nard et ajouta :
Que le roi lise ce qui est dit. dans la lettre. ce et que son esprit ne s’écarte pas de ce qui est justem Ce discours fit pâlir les joues du Badja, lorsqu’il entendit ce que disait Buzurdjmihr des échecs et du nard.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021