Kesra Nouschirwan

Les sages de l'Inde ne découvrent pas la façon de jouer du Nard

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Un seigneur illustre vint et assigna à l’envoyé une demeure convenable : on para gaiement une salle de banquet et l’on fit venir du vin, de la musique et des chanteurs.

Le roi lui demanda un délai de sept jours ; il réunit ses savants les plus glorieux, rassembla du pays entier les lettrés les plus honorés et plaça devant eux le nard.

Pendant une semaine, les plus sagaces de ces hommes illustres, jeunes ou vieux, cherchaient la marche du jeu, animés par l’émulation, par la vanité, par le désir de se faire honneur et de vaincre.

Mais le huitième jour le Grand Mobed dit au Radja :

Personne n’y comprend rien ; il faudrait que la raison elle-même aidât ces et nobles pour tirer un jeu de ces pièces. »

Le cœur du roi fut indigné contre ces Mobeds ; son esprit était chagrin, ses sourcils étaient froncés.

Le neuvième jour, Buzurdjmihr arriva, le cœur plein de passion, le visage plein de rides, disant :

Le roi ne m’a pas autorisé à rester ici longtemps et il ne faut pas que son cœur s’inquiète. »

Les grands personnages savants tous ensemble confessèrent leur ignorance ; Buzurdjmihr, ayant écouté leurs paroles, s’assit et tous les Mobeds devinrent attentifs.

Il étala devant eux une table de nard et leur expliqua toute la marche des pièces ; il leur montra le chef et son armée vaillante, les préparatifs du combat et le commandement du roi.

Le Radja, ses conseillers et cette assemblée des hommes les plus illustres du pays furent affligés, cependant les grands le bénirent et l’appelèrent le Mobed à la foi pure.

Le Radja l’interrogea sur toutes les sciences et il répondit à l’instant à toutes ses questions et les savants, ceux qui voulaient acquérir quelques connaissances, ceux qui savaient lire, s’écrièrent :

Voici un homme éloquent et plein d’un savoir autre que celui des jeux, des échecs et du nard. »

Le Radjn lit amener deux mille chameaux, sur lesquels on chargea tous les tributs du Kanoudj et l’on expédia de cette cour à celle du roi de l’Iran, avec le tribut d’une année, de l’aloès, de l’ambre, du camphre et de l’or, puis des robes, des perles et des pierres fines.

Ensuite le Radja fit apporter de son trésor un diadème et un de ses propres vêtements de la tête aux pieds, les donna à Buzurdjmihr en le n. bénissant et y ajouta de grands présents pour ses compagnons.

Puis, il fit avancer les deux mille chameaux et les lui remit avec le tribut et les présents.

C’était une caravane comme on n’en avait jamais vu et des richesses que rien ne pouvait surpasser.

Buzurdjmihr partit de Kanoudj, élevant la tête jusqu’au ciel qui tourne ; il était heureux d’être porteur de la lettre du roi de l’Inde, écrite en caractères hindous, sur de la soie’ et disant :

Le Badja et ses grands déclarent et ce n’est pas par suite de peur ou par lâcheté, que personne n’a vu ni entendu parler par les Mobeds d’un roi comme Nouschirwan et qu’il n’y a pas d’homme plus savant que son Destour, à qui le ciel sert de gardien des trésors de son savoir.

Je t’ai déjà envoyé une année de tribut et si tu en demandes davantage, je l’enverrai et tout ce que je devais pour le jeu qui a été l’occasion de notre convention a été expédié. »

Lorsque le roi apprit que le sage revenait heureux et ayant atteint son but, il en fut dans la joie et ordonna à tous les hommes notables dans la ville et l’armée de se préparer et des grands sans nombre allèrent à la rencontre de Buzurdjmihr, qui fit son entrée en ville avec tous les honneurs, comme un grand roi victorieux.

Lorsqu’il arriva dans le palais auprès du trône, le roi le couvrit de bénédictions ; le roi, maître du monde, l’embrassa et lui fit des questions sur le Radja et les fatigues du voyage.

Buzurdjmihr raconta ce qui s’était passé et parla de la fortune qui avait veillé sur lui et de la faveur que le ciel lui avait montrée, puis il produisit la lettre du Radja à la fortune victorieuse et la place devant le trône.

Le roi, avide de connaissances, ordonna à son scribe Yezdeguerd de s’approcher du trône, et, à la lecture de la lettre du Radja indien, toute l’assemblée resta confondue du savoir et de l’esprit de Buzurdjmihr et de la fortune du roi au visage de soleil.

Kesra dit :

Grâces soient rendues à Dieu de l’intelligence et de la piété que tu as montrées.

Maintenant les rois sont les serviteurs de mon trône et de ma couronne et leur cœur et leur âme sont remplis de tendresse pour moi. »

Grâce au maître du soleil et de la lune, de qui viennent la victoire et le soutien, j’ai pu composer un récit encore plus étonnant que l’aventure de Buzurdjmihr, à qui Dieu avait accordé tant de sagesse, en racontant l’histoire de Thalhend et de l’invention du jeu d’échecs.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021