Lohrasp

Zerir ramène Guschtasp

...

Cependant Guschtasp continuait sa route les yeux en larmes, le cœur rempli de haine, de colère et de passion ; il marcha jusqu’à ce qu’il fut près de Kaboul.

Il vit des arbres chargés de roses, une prairie et de l’eau et lui et les siens s’arrêtèrent dans ce lieu agréable et s’y reposèrent un jour.

Toute la montagne lui offrait le plaisir de la chasse et dans le ruisseau coulait une eau délicieuse comme du vin ou du lait.

Dans la nuit sombre, il demanda du vin à son échanson et l’on porta des flambeaux sur le bord du ruisseau.

Lorsque le soleil qui éclaire le monde fut sorti brillant des montagnes, ils quittèrent leur bosquet avec des guépards et des faucons ; d’autres de ces cavaliers vaillants laissaient errer librement leurs chevaux et beaucoup d’entre eux se mirent à dormir sur le bord de l’eau.

Pendant ce temps Zerir avait lancé son cheval sur les traces de Guschtasp et ne s’arrêta nulle part longtemps.

Lorsqu’on entendit un bruit de chevaux sur la route, les héros qui accompagnaient Guschtasp sortirent de leur campement ; Guschtasp écouta attentivement et dit aux grands :

Ceci ne peut être que le hennissement du cheval de Zerir, qui a la voix d’un lion et si c’est Zerir qui vient, il n’arrive pas seul, mais il est accompagné d’une armée avide de combats.

Dans ce moment apparurent sur la route une poussière violette et un drapeau à figure d’éléphant et l’on vit le Sipehbed Zerir courant devant ses troupes avec la rapidité du vent.

Quand il aperçut Guschtasp, il s’avança à pied, tout seul, les yeux fixés sur lui, courant, rendant grâce au Créateur du monde et saluant son frère.

Ils s’embrassèrent et s’assirent joyeusement sur la prairie.

Guschtasp, le vaillant prince, appela tous ceux qui étaient des chefs dans l’armée ; on les appela et ils s’assirent et les paroles volèrent de tous les côtés.

Un des chefs les plus illustres dit à Guschtasp :

Ô héros à la ceinture d’or !

Les astrologues du peuple d’ Iran, tous ceux que nous savons avoir approfondi la science, prononcent sur ton horoscope que tu es un Keï Khosrou, que tu seras assis comme roi sur le trône du pouvoir ; mais maintenant que tu vas devenir sujet du roi de l’ Inde, nous ne t’approuvons pas.

Il n’y a pas parmi les siens un adorateur de Dieu et jamais ils ne s’entendront avec toi.

Prends garde que ce que tu veux faire soit conforme à la raison.

Ton père te traite toujours avec bonté et je ne sais ce qui a pu t’affliger.

Guschtasp lui répondit :

Ô toi qui cherches un grand renom !

je ne suis pas respecté par mon père, il ne veut du bien qu’à la famille de Kaous, c’est à elle qu’il destine le pouvoir et la couronne des rois.

Ni moi ni toi n’avons notre place auprès de lui ; il ne veut que nous réduire à la servitude.

Je vais m’en retourner à cause de loi, mais mon cœur se gonfle de sang quand je pense à Lohrasp.

S’il me donne le trône de l’ Iran, je l’adorerai comme le Schamane adore ses idoles ; sinon je ne resterai pas à sa cour, mon cœur ne se calmera pas sous les rayons de sa lune, j’irai où l’on ne me découvrira pas et je laisserai à Lohrasp l’empire et tout le reste.

Il dit, quitta cette prairie et se rendit auprès du roi illustre.

Quand Lohrasp et ses grands eurent nouvelle de son approche, ils allèrent au-devant de lui avec un grand cortège.

En revoyant son père, l’ambitieux jeune homme descendit de cheval et l’adora.

Lohrasp le serra sur sa poitrine et le repentir de son fils lui rendit la tranquillité ; il dit :

Puisse ta couronne être brillante comme la couronne de la lune !

puisses-tu vaincre le Div, car il t’enseignerait sans cesse les voies du mal, comme un méchant Destour auprès d’un méchant roi !

Je ne suis maître de la couronne et du trône que de nom, c’est à toi qu’appartiennent l’amour des sujets, le commandement, les alliances et la fortune.

Guschtasp répondit :

Ô roi, je me tiens devant ta porte comme un serviteur et quand même tu diminuerais mes honneurs, je t’obéirai et ma vie sera le gage de ma fidélité.

Les grands partirent avec lui en marchant pompeusement et en caracolant jusqu’au palais du roi, qui fit parer la salle d’audience incrustée de pierreries, placer des tables et apporter du vin bon pour la santé.

On célébra un banquet tel que les étoiles du cercle de la lune pleuvaient sur la salle et les grands furent ivres à ce point que chacun plaçait sur sa tête une couronne de roses.

Lohrasp montra beaucoup de faveur à la famille de Kaous et ne cessa de parler de Keï Khosrou.

Guschtasp versait de dépit des larmes de sang et tint à son confident des discours de toute sorte, disant :

J’ai beau lutter avec ma raison, je ne puis trouver un moyen de supporter ceci ; si je pars avec des cavaliers, comme il convient à un prince, mon père enverra encore quelqu’un avec une armée, pour me ramener par tous les moyens et il m’accablera de demandes et de conseils et si je pars seul, j’en aurai de la honte et j’en voudrai à Lohrasp.

Son âme est dévouée à la famille de Kaous et sa tendresse n’est jamais pour ses enfants.

Eh bien, si je pars seul, comment, en me questionnant, saura-t-on que j’ai été prince ?

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021