Lorsque Thous eut enterré Firoud, il quitta le château et s’arrêta pendant trois jours à Djerem ;
Le quatrième jour on entendit le son des clairons d’airain, le Sipehdar mit l’armée en marche, les trompettes et les timbales résonnèrent et une poussière noire s’éleva sur la plaine, d’une montagne à l’autre.
Quand Thous rencontrait un Touranien, il le tuait et le jetait dans un fossé ;
Il dévasta toute la frontière et marcha ainsi jusqu’aux bords du Kasehroud, où il fit camper son armée dont les tentes couvraient la terre.
On apprit dans le Touran qu’une armée d’Iraniens était arrivée aux bords du Kasehroud et Palaschan, un jeune Pehlewan turc, plein de bravoure et de prudence, se mit en route pour observer cette armée et pour compter les drapeaux et les tentes des chefs.
Or il y avait au milieu du camp une haute colline, sur un côté de laquelle Anbouh était situé et Guiv et Bijen étaient assis au sommet, causant de toute chose, lorsqu’ils aperçurent sur la route du Touran le drapeau de Palaschan.
Le vaillant Guiv, aussitôt qu’il le vit de loin, tira son épée en disant :
Voici le lion Palaschan qui arrive, c’est un brave et illustre cavalier et je vais à sa rencontre pour lui trancher la tête ou l’amener prisonnier devant l’assemblée des grands.
Bijen lui dit :
Puisque le roi m’a fait un présent pour que je livre ce combat, il faut que j’obéisse à ses ordres et que j’attaque le vaillant Palaschan.
Guiv lui répondit :
Ne te hâte pas de lutter contre ce lion ;
Il ne faut pas le combattre, car cette entreprise détruirait mon bonheur.
Palaschan est comme un lion des champs, il ne cherche d’autre proie que des hommes de guerre.
Bijen lui dit :
Ne me couvre donc pas de honte devant le roi du monde dans cette affaire.
Prête-moi, pour ce combat, l’armure de Siawusch et tu verras un léopard saisir sa proie.
Guiv lui remit la cotte de mailles qu’il demandait et Bijen en ferma soigneusement les boucles ;
Il monta un cheval ardent et s’avança dans la plaine, une lance en main.
Palaschan avait tué une antilope et en faisait rôtir des morceaux devant le feu ;
Il tenait son lacet suspendu à son bras pendant qu’il était assis pour manger.
Son cheval, qui errait en paissant, aperçut de loin le cheval de Bijen, poussa un cri et accourut vers son maître, lequel conclut qu’il arrivait un cavalier et s’avança tout revêtu de ses armes.
Il s’adressa à Bijen, en criant d’une voix forte :
Je suis le destructeur des lions, le vainqueur des Divs !
Dis-moi ton nom, car ton étoile aura à te pleurer.
Le héros lui répondit :
Je suis Bijen et dans le combat un éléphant au corps d’airain ;
Mon grand-père est un lion plein de bravoure, mon père est le vaillant Guiv et tu vas éprouver la force de mon bras ;
Car tu n’es pour moi, au jour de la bataille et au moment du combat, que comme un loup de la montagne qui se repaît de cadavres.
Tu t’es nourri de fumée, de cendres et de sang ;
Mais comment se fait-il que tu oses mener ton armée sur ce champ de bataille ?
Palaschan, sans lui répondre, lança son cheval pareil à un éléphant de guerre.
Les deux cavaliers s’attaquèrent avec fureur et soulevèrent la poussière noire ;
Les pointes de leurs lances se brisèrent ; ils saisirent leurs épées, qui bientôt tombèrent par morceaux, tant ils frappaient fort ;
Ils tremblaient tous les deux comme les feuilles du tremble ; leurs chevaux étaient inondés de sueur et leur tête était étourdie.
Ces deux fiers lions, ces deux combattants ardents, saisirent leurs lourdes massues ;
Ils luttèrent ainsi jusqu’à ce que Bijen poussa un grand cri, leva sur son épaule sa pesante massue, en donna un coup à Palaschan au milieu du corps, lui fracassa l’épine du dos et le fit tomber de cheval, le corps, le casque et la cuirasse brisés.
Bijen descendit de cheval rapidement comme un tourbillon de poussière et trancha la tête à ce brave.
Il emporta l’armure et la tête de l’illustre héros, emmena son cheval et s’en retourna auprès de son père.
Cependant Guiv était rempli d’inquiétude sur ce combat et sur la manière dont le vent du sort allait faire tourner cette journée.
Il poussait des cris, il bouillonnait assis sur la colline et regardait s’il ne verrait pas paraître sur la route la poussière que soulèverait Bijen en revenant.
À la fin son jeune fils parut avec la tête, la cuirasse et le cheval du Pehlewan et les plaça devant son père, qui s’écria :
Ô mon fils !
Puisses-tu être toujours victorieux !
Ils se levèrent joyeusement et rentrèrent au camp, où Bijen remit au Sipehdar la tête, la cuirasse, le casque et le cheval de son ennemi.
Thous fut si rempli de joie, que tu aurais dit qu’il versait son âme sur Bijen, en disant :
Palaschan était le soutien de leur armée, le chef de leurs braves, le diadème du roi.
Puisses-tu être toujours heureux !
Puisses-tu toujours réussir !
Puissent tes ennemis être impuissants à te faire du mal !
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021