Je vais raconter, selon les paroles du Dihkan, une histoire tirée des récits des anciens.
Voici la tradition telle qu’un Mobed nous l’a transmise.
Rustem se leva un matin le cœur en souci ; il se prépara pour la chasse, revêtit sa ceinture et remplit de flèches son carquois.
Il sortit, monta sur Raksch et lança ce cheval semblable à un éléphant.
Il se dirigea vers la frontière du Touran, comme un lion qui, dans sa colère, désire le combat.
Arrivé près de la ville de Semengan, il trouva une plaine remplie d’onagres sauvages ; la joue du distributeur des couronnes se colora comme la rose ; il sourit, fit bondir Raksch et tua un grand nombre de bêtes avec la flèche et l’arc, avec la massue et le lacet.
Ensuite, il alluma un grand feu de broussailles, d’épines et de branches d’arbres ; et lorsque le feu eut bien pris, il choisit un arbre pour lui servir de broche et en perça le corps d’un onagre mâle qui ne pesait pas dans sa main ce que pèse une plume d’oiseau.
Quand l’onagre fut rôti, il le dépeça, en mangea et brisa les os qui contenaient la moelle ; puis il s’endormit et se reposa des fatigues de la journée, pendant que Raksch paissait dans la plaine.
Or il arriva que sept ou huit cavaliers turcs passèrent par le lieu de la chasse ; ils aperçurent dans la prairie les traces des pieds de Raksch qui errait le long des bords de la rivière ; à la fin ils le rencontrèrent dans la plaine et coururent pour s’en emparer.
Ils fondirent sur lui de tous côtés et lancèrent contre lui un lacet royal.
Quand Raksch vit le lacet des cavaliers, il s’élança contre eux comme un lion indomptable, en tua deux en les frappant de ses pieds et arracha avec les dents la tête à un autre.
Trois de la troupe étaient morts et le courageux Raksch n’était pas encore lié ; mais ils jetèrent sur lui leurs lacets de tous côtés et prirent sa tête dedans ; ils le saisirent et le menèrent en courant à la ville, où chacun voulait tirer parti de lui.
Quand Rustem se réveilla de son doux sommeil, il eut besoin de sa monture ; il regarda dans la prairie ; mais nulle part, il n’aperçut de cheval.
Il fut courroucé lorsqu’il se vit privé de cheval et prit, tout confus, le chemin de Semengan, disant :
Maintenant qu’il me faut marcher, comment pourrai-je avancer, accablé de honte, portant mon carquois et ma massue, armé de ce casque pesant, de cette épée et de cette cuirasse ?
Comment traverserai-je le désert ?
Comment me défendrai-je contre ceux qui m’attaqueront ?
Les Turcs diront : Qui a donc emmené son cheval ?
Rustem s’est endormi et il est mort.
Il faut maintenant que je parte dans cet embarras, que je laisse aller entièrement mon cœur à cette douleur ; il faut que je mette ma ceinture et que je me charge de mes armes, peut-être arriverai-je à un endroit où je trouverai des traces de Raksch.
C’est ainsi qu’il partit le cœur plein de trouble et de soucis, le corps dans la souffrance, l’esprit à la torture.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021