Homaï

Homaï place Darab sur le trône

...

La reine baissa le rideau de sa salle d’audience et pendant une semaine personne n’y fut admis.

La maîtresse du monde prépara une estrade d’or, deux trônes incrustés de turquoises et de lapis-lazuli, une couronne couverte de pierreries dignes d’un roi, deux bracelets, un collier orné de pierres fines et une robe royale de brocart d’or, brodée de pierreries de toute espèce.

Un astrologue était assis devant la reine, cherchant dans les astres un jour propice.

Le matin du quatrième jour du mois Bahman, la reine du monde reçut Darab.

Elle remplit une coupe de grenats et une autre de topazes ; lorsque Darab fut arrivé près de la salle d’audience, elle s’avança de loin, lui rendit des hommages royaux et versa sur lui ces joyaux dignes d’un roi.

Des larmes de sang coulèrent sur son sein, elle serra le jeune homme dans ses bras, le baisa et passa sa main sur son visage.

Elle le ramena, le fit asseoir sur un trône d’or et ses yeux restèrent attachés à ses traits.

Lorsque Darab fut assis sur le trône d’or, sa mère s’avança, la couronne royale dans la main, la plaça sur la tête de son fils et annonça au monde son droit au diadème.

La splendeur que répandait la couronne sur Darab saisit Homaï et elle se mit à lui demander pardon, disant :

Tout ce qui s’est passé, sache que cela s’est passé parce que tous les vents soufflaient sur moi, la jeunesse, les trésors et d’autres idées de femme ; ton père était mort et la reine dépourvue de conseillers.

Si elle veut encore faire du mal, ne t’y prête pas.

Puisses-tu n’avoir d’autre place que le trône !

Le jeune homme répondit à sa mère :

Tu étais de la race des Pehlewans ; il ne faut donc pas s’étonner si ton cœur a bouillonné d’ambition.

Ne te lamente pas tant d’une seule mauvaise action.

Puisse le Créateur t’accorder ses grâces !

Puisse le cœur de tes ennemis être rempli d’angoisses !

Ce qui s’est passé sera ma gloire dans le monde, qui ne disparaîtra jamais des tablettes de l’histoire.

La fortunée Homaï invoqua les grâces de Dieu sur lui, s’écriant :

Puisses-tu vivre aussi longtemps qu’il y a un monde !

Alors elle ordonna que le grand Mobed appelât tous les sages de toutes les provinces et tous les hommes illustres de l’armée, ceux qui portaient haut la tête, les lions qui frappaient de l’épée et leur fit rendre les hommages royaux à cet illustre maître du monde.

Ils invoquèrent la grâce de Dieu sur la couronne du roi et versèrent des pierreries sur ce trône nouveau et Homaï raconta ce qu’elle avait fait en secret et tout ce que ce méfait lui avait valu de douleurs, ajoutant :

Sachez que c’est le seul héritier du roi Bahman dans le monde.

Il faut que tous lui obéissent, car il est le pâtre et les braves sont le troupeau.

La puissance, le diadème et la royauté sont à lui, il doit être le soutien de tous.

À ces paroles, un cri joyeux s’éleva du palais, car ils virent une nouvelle branche fortunée du tronc royal et ils versèrent en offrandes tant de joyaux sur le roi qu’il disparut sous ces trésors.

Le monde se rajeunit par la joie et l’espérance de justice et personne ne pensa aux soucis et aux peines.

Homaï dit alors aux Mobeds :

Ô illustres sages !

Je lui ai remis ce qui m’a occupé péniblement pendant trente-deux ans, le trône de la royauté et mon trésor.

Soyez heureux et obéissez-lui ; ne soyez pas un seul instant sans suivre ses volontés !

Darab étant ainsi installé sur le trône, à sa grande joie, plaça tranquillement le diadème sur sa tête.

La femme du blanchisseur et son mari s’avançaient, disant :

Ô jeune roi, puisse le trône des Keïanides te porter bonheur !

Puissent les ennemis devenir les esclaves !

Darab fit apporter dix caisses remplies d’or et beaucoup de joyaux précieux et les leur donna ; il fit apporter cinq assortiments de toute espèce de linge et les remit à ceux qui s’étaient donné tant de peine pour lui, ajoutant :

Va et redeviens blanchisseur ; applique-toi à ton métier, peut-être tu trouveras dans l’eau une autre boite contenant un enfant comme moi.

Ils sortirent du palais du roi d’Iran, le bénissant d’une commune voix.

Mais là finit la bonne chance du blanchisseur ; il se rendit à son lavoir et continua à porter le linge dans la campagne.

Dernière mise à jour : 2 janv. 2022