Ardeschir mourut de sa maladie et le cœur de sa fille, qui charmait les âmes, fut gonflé de sang dans sa douleur ; elle porta le deuil de Bahman et passa bien des jours absorbée par son malheur.
À la fin Homaï se montra, posa la couronne sur sa tête et commença une vie et une manière nouvelles ; elle admit à sa cour toute son armée, elle ouvrit la porte du trésor et distribua de l’or ; elle surpassa son père en sagesse et en équité et par sa justice rendit prospère le monde entier.
Elle disait :
Puisse cette couronne être bénie par le sort, puisse le cœur de mes ennemis être arraché !
Que tout bonheur soit mon œuvre, que personne ne souffre et ne soit en peine à cause de moi !
Je rendrai riches ceux qui sont pauvres et ne peuvent pourvoir à leurs besoins que par le travail de leurs mains et les grands de la terre qui possèdent des trésors n'auront rien à craindre à cause de leurs richesses.
Lorsque le temps de ses couches fut arrivé, elle se cacha de la ville et de l’armée.
Elle aimait le trône de la royauté et se plaisait à être la maîtresse de la terre ; lorsqu’elle mit au monde en secret un fils, elle n’en dit rien et ne regardait sa naissance comme un bonheur que si elle restait inconnue.
Elle, fit amener une nourrice de race libre (persane), une femme sainte, modeste et belle, à qui elle remit en secret son enfant, cette branche verte qui devait porter fruit ; et si quelqu’un lui parlait de son fils, elle répondait que ce noble enfant était mort.
Elle plaça sur sa tête la couronne de la royauté et s’assit sur le trône victorieuse et heureuse ; partout où il y avait un ennemi puissant, elle envoyait une armée et tout ce qui se passait dans le monde de bien et de mal ne restait pas secret pour elle ; elle ne faisait dans le monde que ce qui était juste et bon et elle maintenait dans l’ordre la terre entière ; les hommes avaient confiance dans sa justice et l’on ne parlait que d’elle dans tous les pays.
C’est ainsi que se passèrent huit mois ; son fils commençait à ressembler au roi défunt ; alors Homaï ordonna à un charpentier intelligent de choisir une planche pour un travail délicat ; il fit une belle boîte de ce bois sec et la recouvrit de bitume et de musc ; on en doubla mollement l’intérieur avec du brocart de Roum et l’on appliqua sur le dehors de la glu et de la cire ; ensuite la reine y plaça un matelas rempli de perles de belle eau ; on versa beaucoup d’or rouge dans cette boîte, mêlé à des cornalines et des chrysoprases et l’on attacha un joyau digne d’un roi au bras du petit nourrisson.
Dans un moment où l’enfant était accablé de sommeil, la nourrice aux mains adroites alla, en se lamentant, le placer doucement, bien doucement dans la boîte et l’enveloppe chaudement dans de la soie de Chine.
On calfeutra le couvercle de la boîte étroite avec de la glu, de l’ambre, de la cire et du musc, et, au milieu de la nuit, des hommes l’enlevèrent en observant le plus profond silence ; ils l’emportèrent de chez Homaï et la déposèrent dans l’eau de l’Euphrate.
Ensuite ces deux hommes la suivirent pour voir ce que l’eau ferait de cet enfant qui se nourrissait encore de lait ; la boîte voguait sur l’eau comme une barque et ses gardiens eurent besoin de courir.
Lorsque l’aurore se montra sur les montagnes, la boîte s’arrêta sur le bord du fleuve, à un lavoir où se trouvait une pierre avec laquelle les ouvriers avaient rétréci l’entrée du canal.
Un blanchisseur vit la petite boîte, accourut et la tira du lavoir ; il l’ouvrit, souleva les enveloppes de l’enfant et resta confondu de son aventure.
Il couvrit la botte avec du linge et l’emporte en toute hâte, rempli d’espérance, le cœur joyeux et l’esprit enchanté.
Un des gardiens de l’enfant courut chez la mère et lui raconta l’histoire de la boîte et du blanchisseur.
La prudente reine du monde dit à ce témoin :
Il faut tenir caché tout ce que tu as vu.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021