Ayant donné cet ordre, le chef de l’armée partit et mena ses troupes de cette frontière jusque dans le Roum.
Il donna à Darab l’avant-garde, qui avait des lances fraîchement aiguisées et marcha contre les Roumis.
Le commandant de cette frontière s’avança de son côté, les troupes des deux royaumes se rencontrèrent et la poussière du combat s’éleva à l’instant.
Il y eut une mêlée générale et l’on versa des torrents de sang.
Darab, voyant cette grande armée, s’élança comme un loup et tua tant d’hommes de l’armée de Roum qu’on aurait dit que le ciel tenait en main une épée.
Il continua à frapper comme un lion, un crocodile dans la main, un dragon sous lui, jusqu’à ce qu’il eût pénétré dans le camp des Roumis, semblable à un lion furieux, couvrant la terre d’une mer de sang ennemi et ne suivant, dans son ambition, d’autre guide que son épée.
Il revint victorieux auprès du chef de l’armée qui portait haut la tête et fut couvert de bénédictions par Reschnewad, qui lui dit :
Puisse l’armée de la reine n’être jamais privée de toi !
Quand nous reviendrons de cette guerre contre le Roum et que l’armée rentrera dans notre pays, tu recevras de la reine de grandes récompenses en chevaux et en trésors, en trônes et en casques.
L’armée passa toute la nuit à se préparer au combat et à fourbir les armures des cavaliers.
Lorsque le soleil avança la tête au-dessus des sombres hauteurs et que la terre fut devenue comme un flambeau brillant, les deux armées s’avancèrent, la poussière obscurcit le soleil lumineux ; Darab s’élança et attaqua l’ennemi, en abandonnant les rênes à son cheval ardent ; il ne laissa en vie aucun de ceux qui sortaient des rangs des Roumis ; il laissa en vie peu de braves qui frappaient avec l’épée ; il pénétra dans le centre de l’ennemi comme un loup et dispersa cette grande armée ; ensuite il se tourna vers l’aile droite et en rapporta beaucoup d’armures et de butin ; il rompit tous les rangs des Roumis et aucun de leurs héros ne retrouvait son ancien courage.
Les braves de l’Iran se précipitèrent vaillamment, comme des lions, sur ses traces et ils tuèrent tant de Roumis, que le sang convertit en boue la poussière du champ de bataille.
Darab tua, parmi les héros, quarante évêques et revint tenant en main une croix qu’il avait prise.
Reschnewad vit ces hauts faits étonnants et le cœur du Pehlewan bondit de joie ; il le bénit, lui fit de grandes louanges et le couvrit de marques d’amitié encore plus que de bénédictions.
La nuit arriva, le monde devint couleur de bitume et ils renoncèrent tous à continuer le combat.
Le Sipehbed se reposa dans le camp des Roumis et déboutonna son armure ; il distribua pendant la nuit beaucoup de choses précieuses et son armée en fut toute parée.
Il envoya quelqu’un auprès de Darab avec ce message :
Ô homme au cœur de lion, toujours secourable, vois ce qui te plaît et ce qui peut t’être utile parmi ces trésors ; garde ce que tu en désires et distribue le reste selon l’impulsion de ton cœur ; distribue tout ce qui ne te convient pas, ô toi qui es plus illustre que n’était le maître de Raksch !
Darab fut heureux de ce message ; il choisit une lance, à cause de l’honneur et renvoya tout le reste à Reschnewad en lui faisant dire :
Puisses-tu être content et victorieux !
Lorsque la face du soleil eut fait place aux ténèbres du côté du couchant, que le ciel eut revêtu sa robe de brocart noir et qu’une garde de la nuit sombre fut passée, Reschnewad fit traverser par des rondes toute la plaine ; les cris des sentinelles éclataient comme des tremblements de terre et les lions qui rôdaient s’enfuirent devant ce bruit.
Lorsque le soleil eut relevé son bouclier d’or, la tête des guerriers sortit du sommeil, les braves de l’Iran se revêtirent de leur armure et s’élancèrent sur les traces des Roumis.
Ils rallumèrent le feu du combat avec leur épée tranchante et brûlèrent toutes les villes ; Roum et les Roumis furent anéantis et jamais personne ne parla plus de ce pays.
Il s’éleva un cri de détresse parmi les Roumis quittant cette contrée qui charmait les âmes ; cette guerre rendit le monde étroit pour le Kaïsar et la joue de ses grands pâlit.
Un envoyé arriva auprès de Reschnewad, disant :
Puisse la reine, qui aime la justice, ne pas s’écarter de ce qui est juste !
Ceux qui avaient désiré la guerre sont las des combats ; la fortune du Roum a baissé.
Si vous demandez un tribut, nous obéirons, nous ferons avec vous un traité nouveau.
Le Kaïsar envoya des offrandes de tous genres, des caisses remplies d’or et beaucoup d’esclaves et le Sipehbed accepta tout, l’or et les pierreries non travaillées.
Dernière mise à jour : 1 janv. 2022