Guschtasp

Zoroastre sauve le cheval noir de Guschtasp 1

Guschtasp avait un beau cheval, appelé le cheval noir.

C’était son cheval favori; Il le montait dans les combats, & la victoire suivait ses pas.

Le Grand Écuyer étant venu le matin, selon sa coutume, visiter les chevaux, s’aperçut que le cheval noir n’avait pas de jambes: elles étaient rentrées dans son ventre.

L’ Écuyer effrayé courut promptement apprendre au Roi ce qui était arrivé.

Guschtasp en fut vivement touché.

Il appela ses Médecins & ses Sages, qui avouèrent tous qu’ils n’avaient jamais rien vû de pareil.

Ils eurent beau faire mille remèdes différents, tout fut inutile; & Guschtasp, pénétré de douleur, ne mangea rien de la journée, pensant continuellement à son cheval.

Le bruit de cet accident se répandit dans toute la ville, & y causa une tristesse générale.

Zoroastre dans sa prison ignorait ce qui se passait.

Il fut surpris de voir que le geôlier ne lui apportait pas à manger, & lui demanda le soir pourquoi il l'avait oublié.

Cet homme lui apprit ce qui était arrivé, que tout le monde était dans la tristesse, & que personne n'avait mangé de la journée.

Zoroastre lui dit:

Que le Roi me fasse sortir de prison, je guérirai son cheval & dissiperai son chagrin.

À peine le Soleil était-il levé, que le geôlier courut annoncer à Guschtasp ce que Zoroastre lui avait dit.

Ce Prince ordonna qu'on le fit sortir de prison, & qu’on l'amenât en sa présence.

L' ordre fut sur le champ exécuté.

Zoroastre parut devant Guschtasp, & fit des vœux pour la prospérité de son règne.

Ce Prince l’écouta avec plaisir, le fit asseoir, lui conta l’histoire de son cheval, & ajouta:

Je ne comprends rien à ce que vous me dites: mais si vous êtes vrai Prophète, guérissez mon cheval.

Zoroastre répondit:

Ô Roi, ne croyez pas cette guérison impossible.

Promettez-moi seulement quatre choses, & les quatre jambes de votre cheval paraîtront.

Guschtasp lui répondit:

Apprenez-moi quelles sont ces quatre choses, & je vous promets de les exécuter.

Zoroastre ajouta :

Je les déclarerai au Roi devant le cheval noir.

Ils s’avancèrent en même temps vers l'écurie, suivis de toute la Cour.

Zoroastre parut étonné en voyant l’état dans lequel était le cheval noir, & dit au Roi:

La première chose que je vous demande, c’est de croire fermement que je suis le Prophète du Dieu qui a formé votre visage, & qui y a marqué votre caractère.

Si votre cœur s'accorde avec vos lèvres, vos souhaits seront accomplis;

autrement n’attendez rien de mes prières.

Guschtasp lui promit de ne jamais quitter la Loi, ni la justice, & d’honorer Dieu comme il le lui ordonnerait.

Alors Zoroastre pria celui qui a fait tout ce qui existe, & pleura devant lui.

Le peuple qui avait entendu les paroles du Roi, était attentif à ce qui allait arriver.

Après avoir prié quelque temps, le nouveau Prophète frotta de la main les jambes droites du cheval, commençant par celle de devant; & aussitôt elle sortit.

Guschtasp, témoin de ce miracle ,fut transporté de joie.

Tous ceux qui étaient présents prirent part à cet évènement, & marquèrent leur reconnaissance à Zoroastre.

Ce Législateur dit ensuite à Guschtasp:

Ordonnez au Héros Espendiar de protester devant vous qu'il sera le soutien de la Loi, & me protégera contre mes ennemis.

Espendiar était présent: il consentit à ce que demandait Zoroastre, & promit de le défendre de son corps, de son âme, de son épée, & jura d’ôter la vie à quiconque l’attaquerait.

Zoroastre pleura encore devant Dieu, la jambe droite de derrière sortit, & toute l’assemblée combla de bénédictions le nouveau Prophète.

Il restait encore deux jambes du cheval à guérir.

Zoroastre dit à Guschtasp:

Il faut que quelqu'un me mène dans l'intérieur de votre Palais, pour que votre maison entende ma parole, & suive la Loi pure que j'ai reçue d'Ormuzd.

Guschtasp ordonna à un serviteur de le conduire dans l’intérieur des appartements.

Zoroastre entra donc dans l’enceinte des femmes; & se tenant derrière une toile, qui les séparait de lui, il s'adressa à la mère d’Espendiar, la félicita sur ce qu'elle avait un mari tel que Guschtasp, & un fils tel qu'Espendiar.

Il lui dit également:

Vos désirs seront accomplis dans ce Monde, & votre fin fera heureuse.

Le Dieu du Ciel m'a envoyé au Roi, pour lui annoncer la Loi.

Lui, & fon fils l'ont embrassée;

il faut aussi que vous, fille des filles, vous croyez de cœur & fermement, ce que je vous annonce.

Cette femme pure lui répondit:

Je me soumets à votre parole, & ne suivrai jamais que la voie pure.

Zoroastre la combla de bénédictions, revint à l'écurie, fit une prière en présence du peuple, & la troisième jambe du cheval sortit.

Le nouveau Prophète dit encore au Roi:

Il faut que par votre ordre le portier vienne ici, & découvre celui qui a mis dans cette maison les choses qui m’ont noirci auprès de vous.

S'il dit la vérité, le cheval guérira entièrement.

S’il ment, le mal est sans remède.

Guschtasp fit venir le portier, & l’intimida, en lui disant:

Découvre moi la vérité, Si tu mens, je vais devant le peuple faire séparer ta tête de ton corps.

Cet homme, tremblant comme le roseau agité du vent, se prosterna, demanda grâce, & rapporta ce qui s’était passé, avouant que les Sages & les Philosophes l’avaient corrompu & même menacé.

Il Ajouta:

Comment aurais-je résisté à des gens que vous honoriez de votre confiance?

Mais puisque le Roi me pardonne, qu'ai-je à craindre de cette abominable race?

Cet aveu confirma Guschtasp dans les dispositions où il était à l'égard de Zoroastre.

Il ordonna qu'on empalât les quatre premiers Philosophes.

Zoroastre rendit grâces à Dieu. Il prononça ensuite une autre prière, la quatrième jambe du cheval sortit de fon ventre, & cet animal bondit comme un tigre.

Le Roi transporté de ce qu’il voyait, courut à Zoroastre, & lui donna mille baisers.

Tous ceux qui étaient présents, lui firent compliment, Guschtasp le conduisit vers son Trône, l'y fit asseoir, & le pria d'oublier le chagrin qu'il lui avait causé.


  1. Cet épisode est tiré de la Vie de Zoroastre, traduit, de l'orignal Zend du Zend-Avesta, par Anquetil du Perron en 1760.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021