Feridoun

Réponse du roi du Yemen à Feridoun

...

Il manda devant lui l’envoyé du roi et lui adressa beaucoup de douces paroles :

Je suis inférieur à ton roi et j’obéirai à tout ce qu’il pourra m’ordonner.

Dis-lui que, quelque puissant que tu sois, tes trois enfants te sont très-précieux.

Les fils du roi lui sont chers et il a l’espoir qu’ils seront l’ornement de son trône !

J’approuve tout ce que tu m’as dit et j’en juge d’après ce que je sens pour mes filles.

Si le roi avait demandé mes yeux, ou le désert des braves et le trône du Iemen, je les aurais moins regrettés que mes trois enfants, que je suis destiné à ne plus revoir.

Mais si telle est la volonté du roi, il ne faut penser qu’à lui obéir et mes trois enfants sortiront de ma famille sur ses ordres, quand j’aurai vu les trois princes, l’honneur de son trône et de sa couronne.

Qu’ils viennent chez moi joyeusement, mon triste cœur s’en réjouira, mon âme sera satisfaite de les voir et d’observer leur esprit prudent.

Puis, je leur donnerai, en observant nos coutumes, mes trois yeux brillants ; je connaîtrai combien leur cœur est rempli de justice ; je mettrai ma main dans leur main en signe de notre alliance ; et quand j’en verrai le désir dans leurs yeux, je les renverrai promptement auprès du roi.

Djendil aux douces paroles ayant entendu cette réponse, baisa le trône du roi comme il convenait, et, la bouche pleine de ses louanges, il quitta le palais du roi pour retourner vers le maître du monde.

Arrivé auprès de Feridoun, il lui rapporta ce qu’il avait dit et les réponses qu’il avait reçues.

Le roi appela devant lui ses trois fils et leur dévoila le secret du voyage de Djendil et son dessein ; il mit sans réserve devant leurs yeux toutes les démarches qu’il avait faites et leur dit :

Ce roi du Iemen est le chef d’un peuple nombreux ; c’est un cyprès qui jette au loin son ombre.

Il a trois filles qui sont comme des perles intactes ; il n’a pas de fils et ses filles forment son diadème.

Si le Serosch lui-même trouvait une fiancée comme elles, il baiserait la terre devant toutes les trois.

Je les ai demandées à leur père pour vous ; j’ai fait dire les paroles convenables.

Mais il faut maintenant que vous alliez auprès de lui et que vous soyez prudents en toute chose grande et petite ; soyez doux dans vos propos, pleins de circonspection ; prêtez l’oreille à tout ce qu’il vous dira, répondez avec douceur à toutes ses paroles ; et quand il vous adressera des questions, répondez-y avec circonspection ; car quand on est fils de roi, il faut être croyant, éloquent, avoir le cœur pur, une foi sincère, être prévoyant dans les affaires qui se présentent, avoir une langue toujours prête à dire la vérité et rechercher la raison plus que les trésors.

Écoutez tout ce que j’ai à vous dire, et si vous mettez en œuvre mes paroles, vous en aurez de la joie.

Le roi de Iemen est un homme de grande pénétration, et, dans tout son peuple, il n’y a pas un homme égal à lui.

Il est éloquent, pur de corps et de cœur et digne d’être célébré parmi les hommes ; il a beaucoup de trésors et une armée ; il est savant, prudent et maître d’un diadème.

Il ne faut pas qu’il vous trouve dupes, car le sage sait employer à propos la ruse.

Il ordonnera une fête pour le premier jour, où il vous donnera la place d’honneur.

Il amènera ses trois filles aux joues de soleil, semblables aux jardins du printemps, pleines de parfums, d’attraits et de beauté ; il les placera sur son trône royal, pareilles à des cyprès élancés.

Elles seront égales de taille et d’aspect, telles qu’on aurait peine à les distinguer de la lune.

La plus jeune des trois entrera la première, l’aînée la dernière et entre elles la seconde, semblable à une lune nouvelle.

Il placera la plus jeune à côté de l’aîné d’entre vous, l’aînée à côté du prince le plus jeune, la seconde au milieu.

Remarquez-le, car cette connaissance vous préservera du mal.

Il vous demandera laquelle des trois, si semblables entre elles, vous prenez pour l’aînée, pour la seconde, pour la plus jeune et vous devrez les désigner ainsi : Celle qui est en haut est la plus jeune, l’aînée n’occupe pas la place qui lui convient, la seconde est au milieu comme cela doit être.

Alors vous aurez gagné et la lutte sera terminée.

Les trois princes, de nature généreuse et pure, firent attention aux paroles de leur père.

Ils quittèrent Feridoun pleins d’art et de ruse et pourrait-on attendre de fils qu’un tel père a élevés, autre chose que de la prudence et de la sagesse ?

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021