Feridoun

Feridoun envoie Djendil dans le Yemen

...

Après que cinquante ans furent écoulés, trois nobles enfants lui naquirent.

Le sort du roi voulut que ce fût trois fils, trois princes d’une race illustre, dignes de porter la couronne d’or.

Leur stature était celle des cyprès, leurs joues étaient comme le printemps ; en toutes choses, ils étaient semblables au roi.

Deux de ces enfants innocents avaient pour mère Schehrinaz, le plus jeune était fils d’Arnewaz aux belles joues.

Le père, par tendresse, ne leur avait pas encore donné de noms, quand déjà ils devançaient les éléphants à la course.

Puis après cela le roi voyant qu’ils étaient devenus l’ornement de son trône et de son diadème, appela devant lui un des plus nobles parmi ses grands, dont le nom était Djendil le voyageur, qui en toutes choses était dévoué au roi.

Il lui dit :

Fais le tour du monde, choisis trois filles de haute naissance, qui par leur beauté conviennent à mes trois fils, qui soient dignes de mon alliance et à qui leur père, par tendresse, n’ait pas donné de noms, pour qu’elles ne puissent être l’objet des discours des hommes.

Il faut que toutes les trois soient sœurs de père et de mère, à visage de Péri, pures et de famille royale et qu’elles soient semblables de stature et d’aspect, de sorte qu’on ne puisse les distinguer en aucune manière.

Djendil ayant entendu l’ordre du roi, se traça un plan convenable, car il avait une intelligence prompte, un esprit clair, une langue douce et était propre aux entreprises difficiles.

Il quitta le roi et se mit en route avec quelques serviteurs fidèles ; il sortit du pays d’Iran, examinant tout, écoutant tout, parlant à tout le monde ; et, dans chaque pays où un grand avait une fille derrière le voile, il pénétrait leur secret et recherchait leur nom et renom.

Mais il ne trouva dans l’Iran aucun chef illustre avec lequel il aurait convenu à Feridoun de conclure une alliance, jusqu’à ce que le sage au cœur serein, au corps pur, fût arrivé chez Serv, le roi de Iemen.

Il trouva chez lui ce que son maître lui avait indiqué, trois filles telles que Feridoun les cherchait.

Il se présenta plein de joie devant Serv, heureux comme le faisan qui s’approche de la rose ; il baisa la terre, fit des excuses au roi et implora sur lui la bénédiction de Dieu, disant :

Que le roi reste toujours glorieux, illustrant la couronne et le trône !

Le roi de Iemen dit à Djendil :

Que ma bouche soit toujours pleine de tes louanges !

Quel message me portes-tu ?

Quel ordre me donnes-tu ?

Es-tu un ambassadeur ou un noble prince ?

Djendil lui répondit :

Puisses-tu être toujours joyeux !

Puisse la main du malheur ne jamais t’atteindre !

Je suis un Iranien, humble comme une fleur de nénuphar et je porte un message au roi de Iemen ; je te porte le salut de Feridoun le glorieux ; je répondrai à toutes les questions que tu voudras me faire.

Feridoun le héros te présente son salut (et grand doit être celui qui n’est pas petit à ses yeux).

Il m’a ordonné de dire au roi de Iemen :

Puisses-tu rester sur le trône aussi longtemps que le musc répandra son parfum !

Puisse ton corps être toujours libre de douleurs !

Puissent les soucis être éloignés de toi et tes trésors être remplis !

Ô prince des Arabes (que ton étoile te préserve toujours du malheur !), qu’y a-t-il de plus doux que la vie et les enfants ?

Rien ne peut égaler ces biens, rien n’est plus cher aux hommes que leurs enfants et aucun lien n’est doux comme celui qui nous attache à eux.

S’il y a quelqu’un dans le monde qui ait trois yeux, mes trois enfants me tiennent lieu de trois yeux ; et sache qu’ils sont encore plus précieux, car c’est la vue des enfants qui inspire aux yeux la reconnaissance envers Dieu.

Que dit ce sage à l’âme pure quand il parle de tendres alliances : je n’ai jamais formé une alliance avec quelqu’un, si je ne l’estimais plus que moi-même.

L’homme sage et bien avisé cherche pour ami un homme qui lui ressemble.

Quand même l’homme jouirait de la vie la plus douce, un roi ne pourrait être heureux sans une armée !

Je possède un empire florissant, des trésors, du courage et du pouvoir et j’ai trois nobles fils, dignes d’une couronne et d’un trône, pleins d’intelligence, de sagesse et de vertus.

Ils sont au-dessus de toute envie et de tout besoin et leur main peut atteindre tout ce qu’ils désirent.

Il faut à ces trois princes en secret trois épouses, filles de rois et ceux qui connaissent le monde m’ont donné une nouvelle d’après laquelle je me suis hâté d’agir.

Ils m’ont dit, ô prince illustre, que tu as trois filles pures, à la face voilée, dans ton appartement de femmes, dont aucune ne porte encore de nom et mon cœur s’est réjoui à cette nouvelle ; car moi aussi, comme de raison, je n’ai pas donné de noms à mes glorieux fils.

Maintenant, ô roi, il faut mêler ensemble ces deux espèces de nobles joyaux, ces trois princesses à la face voilée, aux trois princes destinés à porter le diadème ; ils sont dignes les uns des autres et personne ne pourra nous en blâmer.

Voilà le message que Feridoun m’a donné et en retour fais-moi connaître tes intentions.

Le roi de Iemen entendant ce message, devint pâle comme le nénuphar qu’on arrache de l’eau.

Il dit en lui-même :

Si mon œil ne voyait plus ces trois lunes devant ma couche, le jour brillant deviendrait pour moi une nuit sombre ; il ne faut donc pas que j’ouvre mes lèvres pour une réponse.

Je raconterai mon secret à mes filles ; elles seront mes confidentes en toute chose.

Il ne faut pas que je me presse de répondre, car j’ai à délibérer avec mes conseillers.

Il choisit une demeure pour le messager, puis se mit à réfléchir ; il se leva et renvoya sa cour et s’assit pensif et en angoisse ; puis il appela devant lui la foule des chefs expérimentés des cavaliers du désert, armés de lances ; il leur dévoila ce qui était caché et leur révéla tout son secret, disant :

Par la faveur du sort et par l’union que j’ai contractée, j’ai devant mes yeux trois astres brillants.

Maintenant Feridoun m’envoie un message et me tend un piège subtil ; il voudrait me séparer de ce qui m’est cher comme mes yeux et je désire en tenir conseil avec vous.

Son envoyé dit que le roi me fait savoir qu’il a trois princes, les ornements de son trône, qui recherchent mon amitié et mon alliance par mes trois filles à la face voilée.

Si je les lui promets sans intention de tenir ma parole, ce serait un mensonge indigne d’un roi ; si je consens à son désir, mon cœur sera rempli de feu et mes yeux seront remplis de larmes et si je refuse de faire sa volonté, mon âme aura à trembler devant les maux dont il m’accablera ; car ce n’est pas un jeu de s’attirer la vengeance de celui qui est le roi du monde.

Les voyageurs ont entendu ce qui est, arrivé par lui à Zohak.

Maintenant dites-moi, l’un après l’autre, quel est votre avis dans ces circonstances.

Les chefs, pleins de cœur et d’expérience, lui firent tous leur réponse :

Nous ne sommes pas d’avis que tu te laisses pousser par tous les vents.

Quand même Feridoun serait un roi tel que tu le dis, nous aussi ne sommes pas des esclaves portant les boucles d’oreilles de la servitude.

Notre coutume est de dire notre avis et d’exercer la générosité ; notre devoir est de manier nos rênes et nos lances.

Par nos épées la terre deviendra rouge comme du vin ; par nos lances l’air deviendra comme un champ de roseaux.

Si tes enfants te sont trop chers pour les donner, ouvre la porte de tes trésors et ferme tes lèvres.

Mais si tu préfères agir par ruse, si tu crains ce roi puissant, fais-lui des demandes si excessives qu’il ne puisse pas y satisfaire.

Le roi entendit ces paroles de ses conseillers, mais il n’en fut point satisfait.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021