Ensuite la vie et la fortune abandonnèrent Feridoun, les feuilles de l’arbre des Keïanides se desséchèrent.
Il préféra la solitude à la couronne et au trône, plaça devant lui les têtes de ses trois fils et le vieux héros pleurait avec amertume et supportait la vie avec peine.
Il se lamentait sans cesse dans sa douleur en parlant à son fils glorieux en ces termes :
Mes jours sont passés ; ma vie s’est assombrie par l’œuvre de ces trois fils, qui faisaient les délices et les tourments de mon cœur et qui ont péri misérablement devant moi par la vengeance, comme le désiraient mes ennemis.
C’est ainsi que les mauvais penchants et les crimes attirent le malheur sur la jeunesse.
Ils n’ont pas voulu obéir à mes ordres et alors le monde est devenu noir pour ces trois enfants.
Il resta ainsi, le cœur plein de sang, les deux joues baignées de larmes, jusqu’à ce que sa vie s’éteignît.
Il mourut, mais son nom restera ; et quoiqu’un si long temps ait passé sur lui, sa bonne renommée lui est demeurée tout entière, ô mon fils, car il a tiré profit du malheur.
Minoutchehr se mit sur la tête la couronne des Keïanides et ceignit ses reins d’une ceinture couleur de sang.
Il fit construire selon la coutume des rois un tombeau, partie en or rouge, partie en lapis-lazuli.
On y plaça un trône d’ivoire et au-dessus du trône on suspendit une couronne.
Puis les grands allèrent prendre congé de Feridoun, comme l’exigent la coutume et la loi.
Ensuite ils fermèrent sur le roi la porte du tombeau ; cet homme d’une âme si noble sortit du monde accablé de tristesse.
Minoutchehr resta sept jours plongé dans sa douleur, les yeux pleins de larmes et les joues pâles.
Il resta une semaine dans son angoisse et la ville et les bazars partageaient son deuil.
O monde !
Tu n’es que tromperie et vent, le sage ne met pas en toi sa joie.
Tu élèves les hommes avec douceur, les uns pour une courte, les autres pour une longue vie.
Mais quand tu veux reprendre tes dons, qu’importe que ce soit un morceau de terre ou une perle !
Et toi, que tu sois roi ou esclave, quand le monde a éteint le souffle de ta vie, toutes les peines et tous les plaisirs s’évanouissent pour toi comme un songe ; ne nourris donc pas ton âme de l’espoir de vivre toujours.
Heureux celui qui laisse une mémoire bénie, que ce soit un roi, que ce soit un esclave.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021