Le roi de la terre écrivit une lettre au roi de l’occident et au roi de la Chine.
À la tête de la lettre, il mit une invocation à Dieu le vivant, l’éternel.
Il dit :
Cette lettre de bon conseil est écrite aux deux soleils puissants, aux deux sages, aux deux braves, aux rois de la terre, au maître de l’occident et au maître de la Chine, de la part de celui qui a vu ce monde de toute manière, qui a découvert tout ce qui était caché, qui a pesé dans sa main l’épée et la lourde massue, qui a entouré de splendeur les couronnes illustres, qui peut convertir en nuit le jour brillant, qui peut ouvrir les trésors de l’espoir ou de la terreur, lui qui a allégé toutes les peines, lui par qui a paru toute splendeur.
Je ne demande pour moi ni vos diadèmes, ni vos trésors amassés, ni vos couronnes, ni vos trônes ; je demande que mes trois fils vivent paisibles et heureux par le fruit de mes longues peines.
Votre frère, contre lequel votre cœur était irrité, quoiqu’il n’ait fait de mal à personne, accourt au-devant de vous à cause de votre affliction ; et dans son désir de vous voir, il a jeté sa couronne, il vous a préférés à elle, comme il convient à un homme noble.
Il est descendu de son trône, il est monté à cheval et s’est ceint d’obéissance.
Puisqu’il est le plus jeune de vous, puisqu’il est digne de tendresse et d’amour, respectez-le, soyez bons pour lui, formez son âme comme j’ai formé son corps ; et quand il aura passé auprès de vous quelques jours, renvoyez-le-moi plein de vertus.
On apposa le sceau du roi sur la lettre et Iredj quitta le palais de son père pour chercher son chemin.
Il prit avec lui quelques vieillards et quelques jeunes gens, comme on en a besoin pour faire un voyage.
Quand il fut près de ses frères, il n’avait aucun soupçon de leur noire intention.
Ils vinrent au-devant de lui selon la coutume ; ils déployèrent devant lui toute leur armée.
Lorsqu’ils virent la face de leur frère pleine de tendresse, leurs regards devinrent plus sombres ; lui était plein d’affection, eux étaient pleins de mauvais vouloir et ils se mirent à le questionner d’une manière qui ne répondait pas à ses désirs.
Eux étaient remplis de haine, lui n’était point agité et tous les trois entrèrent ainsi dans le pavillon.
Les yeux de toute l’armée étaient dirigés vers Iredj, car il était digne du trône et du diadème.
Leurs cœurs n’avaient plus de repos, tant ils lui portaient de l'amour ; leurs âmes étaient pleines de tendresse, leurs yeux pleins de son image.
Les rangs étant dissous, les braves se réunirent deux par deux, chacun célébrant en secret le nom d’Iredj et disant :
Lui seul est digne de l’empire, puisse le diadème du pouvoir n’appartenir qu’à lui !
Selm observa l’armée en secret et sa tête se troubla de cette disposition des braves.
Il rentra dans la tente le cœur plein de colère, le foie plein de sang, les sourcils pleins de rides.
Il renvoya tout le monde de la tente ; lui et Tour s’assirent avec leurs conseillers.
Ils discoururent en tous sens sur leur état, sur l’empire et sur les couronnes de tous les pays.
Selm dit à Tour au milieu de cet entretien :
Pourquoi nos braves se groupent-ils tout à coup deux à deux ?
N’as-tu pas vu, pendant que nous revenions, comment, de tous ceux qui passaient sur le chemin, nul ne détournait son regard d’Iredj ?
Autres étaient les armées des deux rois quand elles sont sorties et autres quand elles sont rentrées.
Mon cœur est devenu sombre à cause d’Iredj et pensées sur pensées se sont élevées dans mon esprit.
En observant les armées de nos deux pays, j’ai vu qu’elles ne voudront plus saluer d’autre roi que lui.
Si tu ne l’arraches pas par la racine, tu tomberas du haut du trône puissant sous les pieds d’Iredj.
Puis ils se levèrent et s’occupèrent pendant toute la nuit à disposer leur plan.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021