Les vizirs se rendirent auprès d’Iskender et lui dirent :
Ô roi comblé de victoires et de joies !
Nous avons surpris et tué ton ennemi et le trône et la couronne des rois l’ont abandonné. »
À ces paroles de Djanousipar, Iskender dit à Mahiar :
Où est maintenant l’ennemi que vous avez tué ?
Il faut me mon-
-trer le chemin le plus direct. »
Tous les deux se mirent à marcher devant le roi des Roumis, dont le cœur était rempli de douleur et les yeux pleins de larmes de sang.
Arrivé près de Dara, il le regarda et vit que sa poitrine était inondée de sang et son visage pâle comme la fleur du fenugrec.
Il donna llordre d’éloigner les chevauxiet de bien garder les deux Destours.
Rapide comme le vent, il descendit de cheval et plaça la tête du blessé sur sa cuisse ; il observa si Dara était en état de parler et lui frotta des deux mains le visage, lui ôta de la tête son dia. dème royal, défit la cuirasse de Pehlewaniqui couvrait sa poitrine et versa beaucoup de larmes en voyant qu’il n’y avait pas de médecin auprès du blessé.
Il dit :
Puisses-tu trouver du soulagement et que le cœur de tes ennemis tremble !
Relèvectoi. assieds-toi sur un coussin de tissu d’or, et, si tu en as la force, monte à cheval.
Je t’amèiuerai des métr deeins de l’Inde et du Roum, je pleurerai des larmes de sang sur ton malheur.
Je te rendrai l’empire et le trône et aussitôt que tu seras mieux, nous partirons.
Je ferai sur-le-champ pendre au gibet tes assassins, la tête en bas.
Quand hier soir des vieillards m’ont dit ce qui était arrivé, mon cœur s’est w gonflé de sang, mes lèvres ont poussé des cris.
Nous sommes de la même branche, de la même racine, de la même famille ; pourquoi détruirions-nous notre race par notre ambition ? »
, a Dural’écoute et dit d’une voix faible :
Puisse la raison être toujours ta compagne !
Je crois que Dieu le juste, le saint, te récompensera de ces paroles.
D’abord tu as dit que l’Iran est à moi, à moi le trône et la couronne des braves ; mais je suis plus près de la mort que du trône, car’le trône quitte a ceux dont la fortune succombe.Le trône du peuvoir ne produit qu’une chose, ses joies sontdés peines, ses gains sont des pertes.
Garde-toide dire dans l’orgueil de ta, valeur :
C’est moi qui si vaincu cette illustre armée.
Sache que le bonheur et le malheur viennent de Dieu, BlaxSQifi reconnaissant envers lui 8i longtemps. que tu vivras.
Je suis un grand exemple de ce que je dis et mon histoire est au avertissement pour tous.
J’ai possédé tant, de puisr a sauce, tant de royaumes et de trésors et personne -rn’a souffert par mon fait !
J’ai eu tant d’armes et d’armées, tant de nobles chevaux, tant de couronnes et de trônes, tant d’enfants et d’alliés, que dis-je, des alliés !
Tant de cœurs qui portaient ma marque sur eux !
Le monde et l’époque étaient des esclaves : à mes pieds et cela a duré aussi longtemps que la fortune était à moi.
Et maintenant me voici dépouillé de tout ce bonheur et tombé entre les mains des assassins.
Je désespère de mes enfants et de ma lamine ; le monde est devenu noir et mes yeux ne voient plus.
Aucun des miens ne vient à mon se-
’-arcure et tout mdn espoir est en Dieu, qui a soin
de toute créature.
Me voici blessé et couché sur le sol et le monde m’a pris dans le filet de la destruction.
Telle est la coutume du ciel qui tourne ; que tu sois roi, que tu sois Pehlewan ; toute puisa sance finit par passer ; elle est la proie que poursuit la mort. »
Iskender versa une pluie de larmes de sang sur le roi blessé et étendu sur le sol et Dura, voyant cette douleur qui venait du cœur et ce torrent de larmes qui coulaient sur ses joues pâles,.lui dit :
Ne pleure pas, cela ne remédie à rien et ma part dans le feu n’est plus que la fumée.
Voilà le sort que m’ont fait Dieu, qui m’avait tant favorisé et la fortune qui m’avait entouré de splendeur.
Écoute mes dernières volontés du commencement à la fin, reçoisles favorablement et exécute-les sagement.
Iskender répondit :
C’est à toi de donner des ordres ; dis ce que tu veux, car tu as ma parole. »
Alors Dara se mit à parler rapidement et à énoncer ses dernières volontés, point par point, disant d’abord :
Ô prince illustre !
Crains le Maître, l’auteur du monde, quia créé le ciel et la terre et le temps, qui a créées qui est fort et ce qui est faible.
Aie soin de mes enfants, de mes alliés et de mes femmes aux visages voilés, pleines de sagesse.
Demande-moi en mariage ma fille au corps pur et donne-lui le bonheur sur le trône ; sa mère l’a nommée Rouschenek et a rendu par elle le”m0nde heureux et-
content.
Mon enfant ne tD’attireAra paDs de mAauv.aise7s 3 paroles et même nos pires ennemis ne la calomnieront pas.
Elle est fille de rois, elle sera par sa
. sagesse le diadème sur le front des femmes illustres.
J’espère qu’elle te donnera un fils glorieux qui fera revivre le nom d’Isfendiar, fera briller le ’feu de Zerdouscht, prendra dans sa main le Zendavesta, observera les augures, la fête de Sedeh et celle du nouvel au, honorera les temples de feu, Qrmuzd, la lune, le soleil et Mihr, purifiera son âme et son visage avec l’eau de la sagesse, rétablira les coutomes de Lohrasp et le culte des Keïanides qu’a suivi Guschtasp, traitera en grands les grands et les petits en petits, fera fleurir la religion et sera fortuné. »
Iskender répondit :
Ô roi au cœur bon, à la parole droite, j’accepte tes conseils et tes dors mères volontés et ne resterai dans ce pays que pour les accomplir.
J’exécuterai ces bons desseins et mon âme les prendra pour guides. »
Le maître du monde saisit la main d’Iskender et se lamenta douloureusement.
Il plaça la paume de la main d’Iskender sur ses lèvres et lui dit :
Que Dieu soit ton refuge !
Je t’abandonne le trône et je rentre dans la poussière ; je remets mon âme à Dieu, le tout saint. »
Il prononça ces paroles et son âme quitta son corps ; toute l’assemblée versa des larmes amères ; Iskender déchira ses vêtements et versa de la poussière sur la couronne des Keïanides.
Il construisit un 7b tembeau à la manière des Perses, digne du rang de Data et selon les règles de son culte.
On lava avec de l’eau de rose ce corps sanglant, puisque le temps du sommeil éternel était venu pour lui ; on l’habilla en brocart de Roum, brodé en pierreries et en or par ; ou couvrit son corps de camphre et depuis ce moment personne ne vitplus le visage de Dam.
Isa kender plaça dans le tombeau une estrade d’or et sur la tête du roi une couronne de musc ; il coucha Dura dans un cercueil d’or et versa sur lui un torrent de larmes.
Lorsqu’on enleva le cercueil, tous les grands le portèrent tour à tour ; Iskender marchait devant, à pied, suivi des grands, dont les yeux étaient inondés de sang ; il marcha ainsi jusqu’au tombeau de Dura ; on aurait dit que sa peau se fendait de dou-leur.
Il plaça le cercueil du roi sur l’estrade et suivit en tout les coutumes des Keïanides.
Ayant terminé ce tombeau magnifique, Iskender fit planter enlace des gibets élevés, dont l’un portait le nom de Djanousipar et l’autre celui de Mahiar et y fit attacher tout vivants ces deux malheureux ; il fit attacher ces meurtriers de roi la tête en bas.
Les soldats sortirent du camp, chacun une pierre dans la main et les tuèrent sur les gibets, misérablement et honteusement.
Maudit soit qui tue un roi !
Lorsque les Iraniens virent ce qu’Iskender avait fait pour venger la mort du roi du peuple libre, tous lui offrirent leur hommage et le proclamèrent roi de la terre.
Dernière mise à jour : 28 déc. 2021