Le lendemain, lorsque le soleil eut montré sa couronne et que ses flammes s’élancèrent de la voûte du ciel, le roi fit appeler l’envoyé et le fit placer devant son glorieux trône d’ivoire.
Il entra un vieillard qui connaissait le monde, sage. éloquent, savant et observateur ; les mains croisées sur la poitrine, il s’incline profondément et s’assit sur ses talons devant le trône royal.
Bahram lui adressa les questions d’usage, le reçut gracieusement. le fit asseoir au-devant et tout près du trône et lui dit :
Tu es resté longtemps ici, n’es-tu pas las de la vue de ce pays ?
La lutte contre le Khakan m’a tenu loin de toi, elle s’est attachée à moi comme une compagne li inseymrable ; maintenant mes jours sont rajeunis, grâce à toi ; mais ton séjour s’est prolongé outre mesure ; je répondrai à tout ce que tu me diras, je tirerai de les paroles des conseils qui portent bonbeur. »
Le vieillard prononça des bénédictions sur lui, disant :
Puissent l’époque et le monde n’être jamais sans toi !
Tu es un roi intelligent qui trouve : plaisir aux paroles des hommes de sens.
L’homme intelligent est plus près de Dieu et le jour de ses ennemis est obscurci.
Tu es le plus grand des grands du monde, car tu es grand, tu es roi, tu es bon ; la langue est une balance et tes paroles sont des perles et personne ne pèse des perles contre de l’or.
Tu as du savoir, du jugement, de la prudence et de la majesté plus que n’en. ont en les rois les plus victorieux.
Tu as de l’intelligence et des intentions pures ; tu es le maître des hommes de sens.
Quoique je sois l’envoyé du Kaïsar, je suis de même le serviteur des serviteurs du roi.
Je porte les salutations du Kaïsar à Bahram ; puissent cette tête, cette couronne et ce trône être éternels !
Ensuite, il m’a ordonné de l’aire à tes savants sept questions. »
Le roi lui dit :
Parle, rien ne donne plus de gloire que la paroles Il fit appeler le Grand Mobed avec les sages les plus illustres.
Les lèvres du roi étaient pendant un instant remplies de soupirs, tant il était inquiet de ce que pouvaient être les sept questions mystérieuses : 3 que le Roumi allait faire.
Le Mobed et les sages qui étaient versés dans toute science arrivèrent et l’élo-’quent envoyé dévoila son secret et répéta au Mobed les paroles du Kaïsar, disant :
Ô guide ver : la sagesse !
Qu’est-ce que tu appelles le dedans ?
Ensuite quelle est la chose que tu appelles le dehors et pour laquelle tu n’as pas d’autre nom ?
Qu’est le dessus, ô mon maître et qu’est le dessous ?
Qu’est-ce qui n’a pas de limites et qu’est-ce qui est vil ?
Qu’est-ce qui a beaucoup de noms et est partout le maître ? »
Le Mobed répondit au savant :
Ne te hâle pas et ne te détourne pas de la voie de la sagesse. »
Puis, il dit :
Ô homme de sens ! écoute mes réponses l’une après l’autre.
Il n’y a qu’une réponse à donner à tes paroles.
La question sur le dehors et le dedans est peu de chose ; le dehors est le ciel, le dedans est l’air ; au-dessus est la splendeur de Dieu, le tout-puissant, qui n’est pas contenu dans les limites du monde et c’est un crime de se laisser détourner de lui par la science.
Le dessus est le paradis et le dessous est l’enfer pour les méchants qui se révoltent contre Dieu.
Quant à la chose qui a beau-coup de noms et qui fait sentir son action en tout lieu, sache, ô vieillard, que la raison porte bien des noms et qu’elle fait parvenir l’homme pur au but de ses désirs.
L’un l’appelle clémence, l’autre bonne foi, car, la raison absente. il ne reste que il x
douleur et oppression ; l’homme éloquent l’appelle droiture, l’homme à l’étoile puissante croit qu’elle est l’adresse.
Tantôt on l’appelle la patiente, tantôt la gardienne des secrets, parce que les paroles ne se perdent pas chez elle.
Voilà ce que comprend ce mot de raison, dont la gloire dépasse toute mesure.
Sache que rien n’est au-dessus de la raison : elle est le premier de tous les biens.
Elle cherche à se rendre compte des secrets que cache le monde et dont notre œil ne pénètre pas le mystère.
Enfin ce que l’homme de sens méprise le plus parmi tout ce que l’on sait sur les œuvres du Créateur, ce sont les astres qui brillent à la voûte sublime et dont celui qui les regarde ne peut dire le nombre.
Ne tiens aucun compte du nombre des étoiles de ce ciel sublime qui n’a pas de bornes et auquel personne ne peut atteindre, ni de la rotation qu’il imprime au monde.
Le sage s’étonne que quelqu’un ait confiance dans les rayons de Mercure, Toi qui es plein d’expérience, y a-t-il quelque chose de plus méprisable que l’astrologie ?
Voilà ce que je sais et si ta question comporte une autre réponse, c’est que les secrets du Créateur sont infinis. »
Le sage messager du Kaïsar écouta cette réponse, baisa la terre et se déclara vaincu ; il dit àBahram :
Ô roi maître du monde !
Ne demande pas à Dieu !
Plus que tu n’as.
La terre entière est sous tes ordres, les têtes les plus fières te sont soumises ; tu es l’objet de l’admiration des grands de naissance illustre et le monde n’a pas souvenir d’un roi tel que toi.
Ensuite ton Destour dépasse en savoir tous les Mobeds et tous les sages ; tous les philosophes sont ses esclaves et baissent la tête devant sa science. »
Bahram ne put pas cacher le plaisir que lui faisaient ces paroles et il se sentit plus glorieux dans son âme.
Il donna au Mobed dix caisses de dirhems, des vêtements, des chevaux et beaucoup d’autres choses et l’envoyé du Kaïsar illustre s’en retourna de la cour du roi à son palais.
Dernière mise à jour : 28 déc. 2021