Mais Ardewan n’était jamais content, ni jour ni nuit, s’il ne voyait Gulnar ; il ne levait de son lit de brocart ni épaules ni bras qu’il n’eût aperçu le visage" de la jeune fille comme un augure favorable.
Le temps de se lever et de parer de drap d’or le trône était arrivé ; mais la jeune fille ne venait pas à son chevet et il se mit en colère contre elle, tremblant de rage.
Ses troupes se tenaient à l’entrée du palais, la couronne et le trône étaient préparés et le grand chambellan quitta la porte, entra chez le roi et lui dit :
Les grands et tous les princes du pays se tennant devant la porte. »
Le roi dit à ses serviteurs :
Qu’est-ce qui empêche Gulnar d’enlrer ?
Pourquoi ne vient-elle pas à mon chevet ?
Est-ce qu’elle m’en voudrait pour quelque chose ? »
Dans ce moment le chef des scribes entra, disant :
Hier soir, à une heure indue, Ardeschir est parti, emmenant avec lui le cheval blanc et le cheval noir, qui étaient les a montures favorites du roi illustre et en même temps le roi a perdu sa favorite, car sa trésorière est partie avec Ardeschir. »
P Le cœur du vaillant roi bondit ; il monta sur un cheval bai et emmena avec lui un grand nombre de cavaliers ; on aurait dit qu’il marchait sur du feu pendant tout le trajet.
Il vit sur la route un bourg considérable, rempli d’hommes et de chevaux et demanda à ces gens si après le coucher du soleil ils avaient entendu un bruit de sabots de chevaux, parce que deux personnes devaient avoir passé en toute hâte sur cette route, l’une sur un cheval blanc, l’autre sur un cheval noir.
Un homme répondit :
Deux per-
sonnes et deux chevaux ont passé ici allant vers le désert et à leur suite courait un beau bélier sau-
vage qui faisait volerie poussière comme un cheval. »
Ardewan demanda à son Destour :
Pourquoi donc courait ce bélier sauvageh Le Destour répondit :
C’est un signe de la dignité royale d’Ardeschir et une aile pour atteindre la royauté et la fortune.
Si ce bélier l’accompagne, ne te hâte pas, car alors ce sera une affaire qui nous mènera loin. »
Ardewan descendit dans cet endroit, prit de la nourriture, se reposa et recommença sa course ; c’est ainsi qu’ils poursuivirent Ardeschir, le roi et son vizir en tête de l’escorte. - Cependant, les deux jeunes gens, continuèrent à courir comme le vent sans s’arrêter un instant.
Celui qui a pour ami le ciel sublime ne souffre aucun mal de son ennemi.
Ardeschir fut à la fin fatigué de cette course, et, apercevant du haut d’une colline un réservoir d’eau, il dit, tout en courant, à la jeune fille :
Maintenant que nous sommes accablés de fatigue, nous devrions mettre pied à terre auprès de cette fontaine, car nous et nos chevaux sommes épuisés.
Restons auprès de l’eau, mangeons quelque chose et repartons quand nous serons reposés. »
Lorsqu’ils furent arrivés tous les deux près de l’eau, leurs joues pâles comme le soleil couchant, Ardeschir voulut descendre de cheval ; mais il vit deux jeunes gens auprès dn bassin qui s’empressèrent de lui crier :
Il faut que tu joues des étriers et des rênes.
Tu as échappé à la gueule et à l’haleine du dragon et t’arrêter maintenant ne te portera pas bonheur ; il ne faut pas que tu mettes pied à terre pour boire, ce serait dire adieu à la vie. »
À ces paroles de ses conseillers, Ardeschir dit à Guinar :
Fais attention à ce qu’ils disent,»
Et il appesantit ses étriers, relâcha les rênes et leva jusqu’au ciel la pointe brillante de sa lance.
Ardewan le suivait rapidement comme le vent, courant, se fatiguant et l’âme assombrie.
Lorsque la moitié du jour fut passée et que l’astre qui éclaire le monde eut parcouru le ciel, il arriva à une grande et belle ville et beaucoup d’hommes s’approchèrent de lui.
Le roi illustre demanda aux Mobeds :
Quand est-ce qu’un cavalier armé a passé par ici ? »
Le chef répondit :
Ô roi à l’étoile heureuse et aux intentions pures ! à l’heure où le soleil est devenu pâle et où la nuit sombre a déployé son manteau, deux personnes ont traversé cette ville en toute bâte, couvertes de poussière et la bouche desséchée et un bélier plus beau que tout ce que nous avons vu de peintures dans un palais courait après les cavaliers : il a des ailes comme le Simourgh, une queue comme un paon, une tête, des oreilles et des sabots comme le vaillant Raksch, le poil pourpre et la rapidité d’un ouragan ; personne n’a jamais entendu parler d’un argali pareil. »
Alors le vizir dit à Ar-
E dewan :
Arrête ici, à moins que tu ne veuilles t’en retourner ; prépare une armée, fais amener ce qu’il faut pour une guerre, car maintenant commence une grande lutte.
La fortune a monté en croupe derrière lui et cette poursuite ne te laissera en main que du vent.
Écris une lettre à ton fils, ra conte-lui toute cette affaire ; il se peut qu’il se procure des nouvelles d’Ardeschir ; il ne faut pas laisser ce bélier devenir un lion. »
À ces paroles Ardewan reconnut que sa gloire était sur le déclin ; il s’arrêta dans cette ville et invoqua Dieu, le distributeur de tout bien.
De grand matin, lorsque la nuit eut fait place au jour, Ardewan donna à son escorte l’ordre du retour ; il partit, les deux joues jaunes comme un roseau et rentra à Reï lorsque la nuit fut devenue noire. il écrivit une lettre à son fils, dans laquelle il dit :
La fourberie a levé sa tête jusqu’à ma couronne.
Ardeschir est parti d’anprès de mon chevet plus rapidement que jamais flèche n’est partie de l’arc ; il est allé dans le pays de Fars, cherche-le en secret et ne parle à personne dans le. monde de tout cela. »
Dernière mise à jour : 31 déc. 2021