Zohak

Feridoun se met en marche pour combattre Zohak

...

Feridoun leva sa tête jusqu’au soleil et se ceignit étroitement pour venger son père.

Il se mit en marche, plein de joie, au jour Khordad, sous une bonne étoile et avec des augures qui remplissaient le monde de lumière.

L’armée s’assemble devant son trône et son trône toucha les nues ; les buffles et les éléphants qui portaient haut la tête, chargés de bagages, devançaient l’armée.

Kejanousch et Purmajeh se tenaient aux côtés du roi, comme s’ils avaient été ses jeunes frères rendant hommage à leur aîné.

Il alla de station en station, prompt comme le vent, la tête remplie du désir de la vengeance, le cœur plein de l’amour de la justice.

Montés sur de rapides chevaux arabes, ils arrivèrent à un endroit, où ils trouvèrent des adorateurs de Dieu.

Feridoun descendit dans ce lieu de saints et leur envoya son salut.

Lorsque la nuit fut profonde, un être bienveillant s’avança de ce lieu vers lui ; ses cheveux, noirs comme le musc, descendaient jusqu’à terre, sa figure ressemblait à celles des houris du paradis.

C’était un ange, venu du paradis pour annoncer à Feridoun la bonne et la mauvaise fortune.

Il s’approcha du roi, semblable à un Péri et lui enseigna en secret l’art de la magie, afin qu’il possédât la clef de ce qui est fermé, afin qu’il pût découvrir par son art ce qui est caché.

Feridoun comprit que cela lui venait de Dieu, que ce n’était pas l’œuvre d’Ahriman, ni celle d’un méchant.

Sa joue en rougit de joie, il se vit jeune de vie et de domination.

Ses cuisiniers lui préparèrent sa nourriture et placèrent devant le prince une table digne des grands.

Lorsqu’il eut achevé de boire, il se hâta de se coucher, car il sentait sa tête lourde et il avait envie de dormir.

Mais ses frères, ayant vu le départ de l’homme de Dieu, la conduite de Feridoun et sa bonne fortune, s’élevèrent aussitôt tous les deux contre lui et se préparèrent à le faire périr.

Sur une haute montagne s’élevait un rocher ; les deux frères s’éloignèrent en secret de la foule ; étant allés pendant la longue nuit au pied de cette montagne, où le roi se livrait à un doux sommeil, ces deux méchants montèrent sur la hauteur sans que personne les aperçût ; mais quand ils eurent détaché le rocher de la montagne pour écraser subitement la tête de leur frère et qu’ayant fait rouler la pierre du haut de la montagne, ils croyaient déjà avoir tué le roi endormi, par l’ordre de Dieu, Feridoun s’éveilla de son sommeil au bruit de la pierre, il l’arrêta par son art magique à la place où elle se trouvait et elle ne roula plus l’espace d’un atome.

Ses frères reconnurent que c’était l’œuvre de Dieu et que le plan du méchant et les bras du pervers y étaient impuissants.

Feridoun prit ses armes sans rien dire et sans leur parler de ce qui s’était passé ; il s’avança, Kaweh précédant son armée ; il s’éloigna rapidement de ce lieu, déployant l’étendard Kawejaneh, le noble étendard royal.

Il s’avança vers la rivière d’Arwend, comme un homme qui ambitionne un diadème.

Le noble roi fit sa seconde station sur les bords du Tigre et dans la ville de Bagdad.

Arrivé sur le fleuve Arwend, il envoya son salut au gardien du passage :

Envoyez sur-le-champ des canots et des barques de ce côté du fleuve.

Le roi victorieux fit dire aux Arabes encore une fois :

Amenez-moi des barques et transportez-moi avec mon armée, à l’autre rive ; ne laissez personne de ce côté.

Le gardien du fleuve n’envoya pas de barques et ne vint pas comme Feridoun lui avait ordonné ; il répondit :

Le roi m’a donné en secret l’ordre de ne laisser passer aucun canot sans avoir reçu auparavant une permission scellée de son sceau.

Feridoun l’entendit avec colère ; le fleuve furieux ne lui inspira aucune crainte, il serra étroitement sa ceinture royale, s’assit sur son cheval de guerre au cœur de lion et la tête remplie du désir de vengeance et de combat, il lança son cheval couleur de rose dans le fleuve.

Tous ses compagnons serrèrent leurs ceintures, tous se précipitèrent ensemble dans le fleuve sur leurs chevaux aux pieds de vent ; ils enfonçaient dans l’eau jusqu’au-dessus des selles et les têtes de ces fiers guerriers furent saisies de vertige lorsque leurs chevaux plongèrent dans les flots ; du milieu du fleuve, ils levèrent leurs corps et leurs bras comme des têtes de spectres dans une nuit sombre.

Ils atteignirent la terre, avides de vengeance et se dirigèrent vers Beit-ul-Mukaddes. (Quand on parlait pehlevi, on l’appelait Gangui-Dizhoukht ; aujourd’hui en arabe, nommez-la la maison sainte.) Sache que c’était le palais élevé de Zohak.

En sortant du désert, ils s’approchèrent de la ville dont ils cherchaient la possession ; de la distance d’un mille, Feridoun jeta un regard sur cette ville royale et y vit un palais dont les murs s’élevaient plus haut que Saturne : on aurait dit qu’il était construit pour arracher les étoiles du ciel.

Il brillait comme Jupiter dans la sphère céleste ; c’était un lieu de joie, de repos et de plaisir.

Feridoun reconnut que c’était le palais du dragon, car c’était un lieu vaste et plein de magnificence.

Il dit à ses compagnons :

Je crains celui qui a pu construire avec cette poussière obscure et faire sortir du fond de la terre un palais si élevé, je crains qu’il n’y ait un concert secret entre la fortune et lui ; mais il vaut mieux nous précipiter tout d’abord sur le lieu du combat que de perdre du temps.

Il dit, il porta sa main sur sa lourde massue et abandonna les rênes à son cheval fougueux ; tu aurais dit que c’état une flamme qui s’élançait devant les gardiens du palais.

Il détacha sa lourde massue de la selle ; tu aurais dit qu’il repliait la terre sous lui.

Le jeune homme sans expérience, mais plein de courage, entra à cheval dans le palais immense ; aucun des gardiens n’osa rester à la porte : Feridoun en rendit grâce au Créateur du monde.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021