Bahram ne s’occupait que du jeu de balle sur le Meîdan ; tantôt il jouait de la raquette, tantôt il allait à la chasse.
Or un jour il alla, sans cortège, à la chasse avec la joueuse de luth.
Le nom de cette Roumie était Azadeh, ses joues étaient couleur de corail ; elle charmait son cœur, elle partageait ses goûts et il avait toujours son nom sur les lèvres.
Pour cette b - ’chasse il demanda un dromadaire qu’il lit couvrir d’une housse de brocart ; quatre étriers pendaient du des de ce dromadaire, qui courait dans la montée et dans la descente.
Deux des étriers étaient en or et deux en argent, tous incrustés de pierreries.
Bahram portait sous son carquois une arbalète, car il était habile en toute chose.
Deux paires de gazelles s’approchaient ; le jeune homme dit en riant à Azadeh :
Ô lune !
Quand j’aurai bandémon arc et saisi la flèche avec l’anneau, laquelle des gazelles veux-tu que j’abatte ?
Voici une femelle jeune et un vieux mâle. »
Azadeh répondit :
Ô lion !
Un homme ne combat pas les gazelles.
Convertis avec tes flèches cette femelle en mâle et fais que ce vieux mâle devienne une femelle.
Ensuite pousse le dromadaire quand une gazelle s’enfuira devant toi ; lancelui une balle d’arbalète pour qu’elle couche son oreille sur l’épaule ; la balle lui chatouillera l’oreille sans lui faire du mal, elle lèvera le pied à son épaule et alors tu lui perceras la tête, le pied et l’épaule tous ensemble, si tu veux que je t’appelle la lumière du monde. »
Lorsque Bahram entendit ces paroles, il lui vint en mémoire un vieux dicton ; mais il banda son arc et poussa un cri sur cette plaine silencieuse.
Il avait dans son carquois une flèche à deux pointes, qu’il avait apportée sur la plaine pour s’en servir à la chasse et aussitôt que les gazelles se mirent à fuir il enleva avec cette flèche à deux pointes les cornes sur la tête du mâle et celui-ci devint à l’instant comme une femelle, sa tête ayant perdu ses cornes noires.
La jeune fille resta confondue de son habileté.
Ensuite le chasseur planta sur le front de la femelle deux flèches, qui tenaient par les pointes comme deux cornes sur sa tête, pendant que le sang inonda la poitrine de la gazelle.
Alors Bahram poussa son dromadaire vers l’autre paire et plaça une balle dans le creux de l’arbalète, la lança à l’oreille d’une des gazelleset fut content de son coup, car il avait touché l’endroit qu’il avait choisi.
La gazelle se gratta à l’instant l’oreille ; Bahram plaça une flèche de bois de peuplier sur son arc et cousit ensemble la tête, l’oreille et le pied de l’animal.
Azadeh ont pitié de la gazelle ; Bahram lui dit :
Qu’y a-t-il, ô visage de lune ? »
Azadeh versa de ses yeux un torrent de larmes et dit au roi :
Ceci est inhumain.
Tu n’es pas un homme et ta nature est celle d’un Div. »
Bahram étendit la main et la pré. cipita de la selle sur la terre, poussa son dromadaire sur cette fille au visage de lune et couvrit de sang son sein, sa main et son luth, disant :
Ô joueuse de luth insensée !
Pourquoi avoir usé de ruse contre moi ?
Si mon coup avait manqué, ma famille eût été couverte de honte. »
Azadeh mourut sous les pieds du dromadaire et Bahram n’emmena plus jamais une femme à la chasse.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021