Lorsque le soleil faisait voir sa couronne du côté du couchant, que son éclat disparaissait et que la couleur du corbeau s’étendait sur la terre, Malikeh
Prit la clef du trésorier et Destour du roi, ouvrit le magasin des vivres, prit des amphores de vin et envoya à tous les grands dans le château, aux vaillants héros, aux chefs éprouvés dans les batailles, de la nourriture et beaucoup de vin, et, comme parfum, des narcisses et du fenugrec.
Elle appela l’échanson et lui parla longuement et doucement, disant :
Cest toi qui sers aujourd’hui le vin ; ne donne à Thaîr que du vin par, ne laisse personne garder dans sa main la coupe sans hom, aie soin qu’ils s’enivrent et se couchent. »
L’échanson répondit :
Je suis ton esclave, je ne vis que par ton ordre. »
Lors donc que le soleil eut pâli dans le couchant et que la nuit sombre lui eut dit de quitter la route, Thaïr demanda du vin royal dans une coupe et commença par boire àrla santé des Ghassaniens.
Quand une veille de la nuit sombre fut passée, Thaïr voulut se reposer du bruit et du tumulte et ils partirent tous pour leurs chambres à coucher.
Malikeh ordonna alors aux serviteurs de ne parler qu’à voix basse et d’ouvrir tout doucement la porte du château.
C’est ce que le roi Schapour avait attendu ; il avait écouté avec impatience les voix des hommes ivres, mais lorsqu’il vit briller la lumière sous la porte du château, il dit :
Maintenant je suis le compagnon de la fortune qui veille sur moi ! »
Il fit donner à la jeune fille au visage de lune un beau logis dans 3A7 l’enceinte de ses tentes, rassembla toute son armée, choisit des guerriers glorieux et vaillants, emmena des troupes à pied et quelques cavaliers, tous propres au combat, entra dans le château et se mit à tuer et à assouvir toutes les vieilles vengeances.
Toute l’armée de Tba’i’r était avec lui dans le fort ; un grand nombre étaient couchés dans leur ivresse, d’autres dormaient, se réveillaient tout étonnés et se mirent à se battre de tous côtés ; aucun d’eux ne tourna lâchement le dos et le roi d’han en tua un grand nombre.
Thaîr tomba entre ses mains prisonnier et s’avança vers lui, la tête nue et marchant contre son gré.
Le château et ce qu’il contenait et beaucoup d’ennemis de haut rang restèrent au pouvoir de Schapour.
Cette nuit passa et le matin, lorsque le soleil montra son diadème d’or, on plaça solennellement dans le château un trône de turquoises et le roi tint sa cour.
Quand le roi fut débarrassé de l’au-dience, Malikeh, la rose du printemps, s’approcha de lui, un diadème de grenats sur la tête, vêtue de brillant brocart chinois ; le roi la fit asseoir vis-à-vis de lui sur un trône d’or et fit aussitôt amener Thaïr enchaîné.
Celui-ci vint, la tête nue ; il vit le visage de sa fille illustre et comprit que cetteruse avait été son œuvre et que le malheur qui le frappait venait de Malikeh.
Il dit à Schapour :
Ô rai des hommes libres !
Réfléchis à ce que mon enfant a fait contre moi ; attends-toi de sa tendresse à quelque chose
de semblable et méfie-toi dorénavant des étrangers. »
Schapour répondit à cet homme au mau- vais renom :
Quand tu as enlevé de l’appartement des femmes la fille de Bahram et déshonoré la famille, tu as rallumé les vengeances assoupies. »
Il ordonna au bourreau de le frapper à la nuque et de brûler son corps, Il fit traîner honteusement la tête de Thaïr dans le sang et la fit jeter dehors.
Il défendit aux Arabes prisonniers de lui parler et leur fit luxer les épaules de leurs deux bras ; le monde restait confondu d’une telle action et les Arabes lui donnèrent le nom de Dhou’l Aktaf (maître des épaules), parce qu’il avait détaché du cou les épaules des Arabes.
De là il s’en retourna dans le Fàrsistan et le monde entier lui offrit ses hommages ; quiconque avait trouvé grâce devant lui avec ses épaules ne manquait pas de lui payer tribut et redevances.
C’est ainsi que le ciel tourna pendant quelque temps, ensuite il montra à Schapour un autre visage.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021