Quittant le lieu de ses dévotions, Nouschirwan monta sur le trône et son armée s’apprêta à partir.
Les trompettes et les timbales d’airain résonnèrent à la porte du palais ; le roi invoqua Dieu, de qui vient tout bonheur, les troupes montèrent à cheval et l’on apprêta les bagages, l’or, les brocarts, les couronnes, les ceintures, le trésor d’argent et le trésor de pierreries, les chevaux, les femmes voilées, les couronnes, la litière de turquoises et le trône d’ivoire.
Les servantes qui charmaient les cœurs et les serviteurs de toute espèce montèrentà cheval, et, tout étant prêt, les montures et leurs charges, le roi les envoya a Thisifoun, précédés par la Chinoise idolâtre.
Ils partirent à une heure propice et l’esprit serein, la reine entourée des eunuques.
Mihran Sitad, le Grand Mobed, accompagna la reine, fille du Khakan ; le trésor et les bagages se dirigèrent vers Thisifoun et aucun des héros ne resta en arrière.
Tous les vaillants amis du roi, tous les Perses partirent pour Ader Abadgan ; une foule venue de tous les pays se rassembla ; les hommes du Ghilan et de Deïlem, des montagnes des Beloutchis, du désert de Seroudj et les gens du Coutch, qui frappent de l’épée, arrivèrent tous devant l’enceinte des tentes du roi, chargés de présents et d’offrandes.
Le grand roi fut heureux de voir que les griffes des loups n’atteignaient plus les brebis.
Depuis que le monde existait, il n’y avait pas en un seul homme du Coutch qui n’eût été une source de maux et d’angoisses pour le pays d’alentour ; mais, par l’iull uence de la majesté de Kesra, le maître de la terre, le monde avait changé et était devenu respectueux et doux.
Dans le pays que traversait l’armée, les cultivateurs n’avaient rien à souffrir, personne n’exigeait du pain et de l’eau et la nuit l’armée campait sur la route.
C’est ainsi que le roi fit le tour du monde, observant partout l’état des campagnes et des plaines ; il vit partout dans le monde des terres ensemencées, des vallées et des plaines remplies de bœufs et de moutons ; il regarda des pays qui n’avaient jamais été cultivés, où l’on n’avait jamais vu de semences et de moissons et les trouva pleins de fruits de la terre et toutes les maisons remplies d’enfants ; les branches des arbres pliaient sous les, fruits par la grâce du maître du monde sur lequel veillait la fortune.
Lorsque le ciel et la lune eurent tourné pendant quelque temps, un envoyé du Kaîsar arriva, chargé de présents, de vêtements, d’argent et d’or, de brocarts roumis et de pierreries du Roum, des offrandes telles que la surface de la terre en était couverte et un tribut tel que jamais le Roum n’en avait fourni de pareil.
Le Kaîsar envoya dix peaux de bœuf remplies de pièces d’or, comme tribut et redevance de trois années et une lettre au roi accompagnée d’une offrande d’or.
On fit asseoir l’envoyé devant Kesra, qui écouta attentivement la lecture de cette lettre, contenant des souhaits chaleureux, énumérant ce qu’on envoyait et annonçant de nouveaux présents, ce qu’on apportait n’étant que le tribut auquel il fallait ajouter des couronnes.
Le roi accepta ce qui avait été réuni avec peine et remit tout à son trésorier ; puis il se leva de son trône, monta à cheval et se rendit au temple d’Aderguschasp.
Lorsqu’il aper- çut de loin le lieu du culte, ses joues s’inondèrent de larmes ; il mit pied à terre, prit du barsom dans sa main, murmura une prière, s’avança en silence et respectueusement devant le feu et commença à prier et à rendre grâce au Créateur du monde.
Il remit au trésorier du temple tout l’or et les joyaux dont il avait apporté une grande quantité, il distribua aux Mobeds de l’or et de l’argent et leur donna des vêtements brodés de pierreries.
Il enrichit tous les Mobeds ; ils se présentèrent devant le feu pour réciter les prières et murmurèrent des bénédictions sur ce roi du monde, distributeur de la justice.
De là, Nouschirwan alla à Thisifoun et son armée fit ressembler la terre au mont Bisoutoun ; dans chaque ville où cet homme juste passait, il distribuait aux pauvres beaucoup d’or et d’argent et les richesses qu’il répandait remplirent de trésors et d’argent tout ce pays.
De là, il se mit en route vers Madaïn, ou se trouvait la clef de ses trésors et se fit précéder par Mihran Sitad, qui y conduisit son idole chinoise, entourée de quarante servantes, maîtresses dans leur art.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021