Il se dirigea du Djihoun yers les Alains, où il trouva un pays désert et sans culture. il dit aux Perses :
C’est une honte que ce qui appartient à l’Iran soit un désert et il ne l’aut pas permettre que nos ennemis puissent nous reprocher des choses pareilles. »
Il choisit dans son armée un envoyé éloquent, sage et tel qu’il le tallait et lui dit :
Pars d’ici de grand matin et dis à ces chefs et à ce peuple en mon nom : J’ai appris par mes espions et par des bruits publics et secrets que vous vous vantez de ne pas craindre Kesra et de ne regarder l’Iran que comme une poignée de poussière.
Nous voici arrivés près de vous ; nous avons dressé l’enceinte de nos tentes, notre trône et notre camp.
Votre désert est vaste et ses montagnes sont hautes, mais notre armée sait se servir de flèches, de massues et du lacet.
Les vallées et les cavernes sont pour vous des lieux d’embûches ; votre pays est tout montagne et lia terre est à vous, pendant que nous sommes des guerriers étrangers et ni l’armée ni le chef ne sont ici chez eux. »
Le messager partit et leur fit ce discours ; il leur dit quel était le but du roi d’Iran.
Le peuple des Mainsse rassembla, les grands, les hommes considérables et ceux qui pouvaient délibérer ; c’était un peuple qui n’avait d’autre occupation que le pillage et qui faisait peu de cas de sentiments généreux ; il remplissait de terreur la frontière de l’Iran et ne laissait à personne ni vêtements, ni or, ni argent, de sorte que les femmes, les hommes, les enfants et le bétail se réfugiaient dans les plaines et n’osaient rester en place.
L’envoyé fit le message du roi du monde et ne cacha rien aux Alains.
Les visages des grands s’assombrirent, leur cœur était troublé par le renom de Nouschirwan ; les grands et les chefs M7 partirent, avec les redevances et le lourd tribut qu’ils devaient et avec des esclaves, des étoffes, de l’or, de l’argent et beaucoup de chevaux de noble race.
Les plus âgés, les plus éloquents et les plus sages allè-rent auprès du roi, pleurant sur leurs méfaits passés ; mais quand la bravoure s’alliehavec la raison, on n’a pas besoin d’être honteux et de demander pLaorsrqud’ilsoarrinvère.nt d’evan’t l’enceinte des tentes du roi avec leurs présents et leurs offrandes, ils poussèrent des cris et se roulèrent dans la poussière, les yeux remplis de larmes, le cœur gonflé de sang.
Le roi à l’esprit éveillé eut pitié d’eux et leur pardonna tOus leurs méfaits passés.
Il leur ordonna de construire en toute hâte dans ce pays, qui était devenu un désert, le repaire des léopards et des tigres, une grande ville dans laquelle serait inclus un terrain pour les semences et les moissons, entouré d’un mur élevé, pour qu’on n’ait à souffrir d’aucun ennemi.
Ils répondirent au roi illustre :
Nous sommes tes esclaves et portons dans les oreilles ton anneau ; nous élèverons, comme le roi l’a ordonné, un mur et une belle résidence. »
’ Le roi emmena son armée de ce pays et alla dans l’Inde, où il resta quelque temps.
Tous les grands obéirent à son ordre de se présenter devant lui ; ils vinrent tous, l’âme remplie du désir d’obtenir son secours.
Depuis Ie bord de l’Indus jusqu’à une distance a
1& de deux milles, tout était couvert de pièces d’argent, de présents, de chevaux et d’éléphants.
Tous les grands se présentèrent devant le roi, le’cœur en joie et pleins de bonne volonté.
Kesra leur adressa les questions d’usage, les reçut bien et leur assigna un rang selon leurs degrés. ’ ll se remit en marche de ce lieu, le cœur heureux ; le monde fut rempli de chevaux, d’éléphants et de troupes ; il continua à marcher et apprit que tout un pays était dépeuplé par les Beloudschi, tant ils avaient tué et pillé, ravagé et tout bouleversé ; que dans le Ghilan la désolation était encore plus grande et que les bénédictions avaient disparu sous les malédictions.
Le cœur du roi en fut affligé et sa joie fut troublée par ces soucis ; il dit aux Iraniens :
Les Alains et les Indiens sont devenus, par peur de nos épées, souples comme le satin, mais nous ne pouvons encore nous en retourner satisfaits ; il faut tâcher de détourner le lion de la brebis. »
Un homme lui dit :
Ô roil la rose dans le jardin porte toujours avec elle l’épine qui blesse et de même ce pays, depuis qu’il a existé, a été un embarras et n’a été fait que pour engloutir des trésors.
Le noble Ardeschir a lutté avec ses vieux conseillers contre les Beloudschi, mais ni les artifices ni les ruses, ni les murs ni les ouvrages, ni les combats ni les guerres n’ont réussi.
Ardeschir se déguisait à luiinême cette défaite, quoiqu’elle fût inévitables Le A
Ml) roi se mit en colère à ces paroles du Dihkan et marcha contre les Beloudschi.
Arrivé près de ces hautes montagnes, il en fit le tour avec une escorte et son armée les cerna de telle sorte que le vent ,ne pouvait pas traverser cette masse d’hommes.
Tout le bas des montagnes, jusqu’à la plaine aride. était occupé par des troupes nom- . breuses comme les fourmis et les sauterelles.
Des hérauts parcoururentl’armée et leur voix retentissait de la montagne et de la plaine, proclamant :
Tous les gens du Coutch que vous trouverez, que ce soient des enfants ou des hommes vaillants et portant une épée, qu’ils soient en grand ou en petit nombre, vous n’en laisserez échapper aucun. »
Lorsque l’armée eut connaissance de cette colère du roi, les cavaliers et les piétons ne laissèrent plus passer personne et il n’en survécut ni beaucoup ni peu, il ne survécut ni femmes, ni hommes de guerre, ni enfants : on les passa tous au fil de l’épée et l’on mit fin aux iniquités des gens du Coutch.
Le monde cessa de craindre le mal qu’ils faisaient et l’on ne vit plus nulle part un Beloudschi ; sur la montagne,les troupeaux restaient sans gardien et en liberté : les moutons n’avaient de pâtres ni dans la plaine ni sur la crête des hauteurs ; on oublia toutes ses peines, on se crut en sémrite’ dans ces vallées et ces montagnes, comme dans sa maison.
Delà, le roi se mit en marche pour le Ghilan, 1’ :
Car on lui avait signalé le mal qui se faisait dans le Ghilan et le Deïlem ; l’armée s’étendit de la mer jusqu’au haut des montagnes ; l’air était rempli de drapeaux et la terre couverte de troupes.
Il dit :
Il ne faut pas qu’il reste ici upe trace de lions ni de loups, ni petits ni grands. »
Il répandit son armée par tout le Ghilan et le soleil et la, lune en furent obscurcis et l’on tuait tant d’hommes dans ce pays que toute la province fut inondée de sang.
Au milieu ’ de ces massacres, de ces pillages et de ces incendies, s’élevèrent des cris et des lamentations d’hommes et de femmes.
Ils se lièrent eux-mêmes les mains, placèrent les femmes derrière eux et les enfants devant et tout ce qu’il y avait d’hommes de guerre dans le Ghilan, d’hommes de sens, de bon conseil et de poids, vint auprès du roi en poussant des cris, la poitrine déchirée et la tête couverte de poussière.
Ils se raSsemblèrent devant la porte du roi, les mains liées, le corps blessé et disant :
Nous avons abandonné notre mauvaise voie, espérant que le roi détournera de nous son mauvais vouloir.
Si le cœur du roi est blessé par les gens du Ghilan, nous couperons nos têtes avec nos propres mains ; peut-être que l’âme du roi sera satisfaite quand il verra un amas de têtes tranchées. »
À ces clameurs qui venaient de la perte, à ces lamentations qu’il entendait, le roi eut pitié d’eux et son cœur oublia le passé.
Il exigea deux cents otages du Ghilan et du !
Deïlem, pour que dorénavant personne ne prît plus la voie du mal, y laissa un Pehlewan, et, ayant tout arrangé à sa satisfaction, partit avec son armée.
Dernière mise à jour : 31 déc. 2021