Lorsque Minoutchehr eut atteint deux fois soixante ans, il se prépara à quitter ce monde.
Des astrologues se tenaient devant lui et interrogeaient les étoiles ; ils voyaient que ses jours ne pouvaient plus se prolonger et qu’il lui fallait quitter le monde.
Ils lui annoncèrent le jour amer où la majesté du roi des rois devait s’obscurcir.
Ils lui dirent :
Le temps est venu où il faut aller dans l’autre monde ; espérons que tu auras devant Dieu une place meilleure.
Pense maintenant à ce que tu auras à faire, car il ne faut pas que la mort te surprenne, il ne faut pas que tu partes sans avoir fait les préparatifs du voyage et que tu te laisses ainsi ensevelir dans la terre.
Le roi ayant entendu les paroles des sages, fit préparer le palais d’une manière nouvelle.
Il appela devant lui tous les Mobeds et tous les grands et leur dévoila les secrets de son cœur.
Il ordonna que Newder vînt auprès de lui et lui donna des conseils sans nombre, disant :
Ce trône de la royauté est un vent et une illusion, il ne faut pas y mettre son cœur pour toujours.
Cent vingt ans ont passé sur ma tête, j’ai beaucoup travaillé et beaucoup souffert, j’ai éprouvé beaucoup de joies et souvent les désirs de mon cœur ont été satisfaits ; j’ai provoqué au combat mes ennemis, me suis ceint de la majesté de Feridoun et ses conseils m’ont toujours porté bonheur.
J’ai vengé sur Tour et sur le cruel Selm mon grand-père le puissant Iredj ; j’ai délivré le monde de ses fléaux, j’ai fondé beaucoup de villes et bâti beaucoup de forteresses ; et maintenant je suis dans un tel état, que tu dirais que je n’ai pas vécu et le nombre des années passées est effacé de mon souvenir.
Quand un arbre ne porte que des fruits et des feuilles amers, sa mort vaut mieux que sa vie.
Maintenant que j’ai supporté beaucoup de soucis et de peines, je te donne le trône de la royauté et le trésor ; je te le transmets tel que Feridoun me l’a donné, ce trône qui a vu beaucoup de rois.
Sache que quand tu en auras joui et qu’il aura cessé d’être à toi, il te faudra passer dans un monde meilleur.
Mais la trace que tu laisseras après toi durera un long temps et il ne faut pas qu’elle soit autre chose que des bénédictions, car un homme de naissance pure doit professer une religion pure.
Garde-toi de t’éloigner de la foi de Dieu, car elle inspire les bons conseils.
Bientôt, il y aura dans le monde de nouvelles discussions, quand paraîtra un Mobed avec une mission de prophète ; il viendra du pays d’occident ; prends garde de le persécuter.
Crois en lui : car c’est là la religion de Dieu ; considère quels sont les engagements que tu auras contractés d’abord.
Ne quitte jamais la voie de Dieu, car c’est de lui que vient tout bien et tout mal.
Après ce temps arrivera une armée de Turcs qui placeront leur couronne sur le trône d’Iran.
Tu as devant toi de longs travaux à exécuter ; il te faudra être tantôt loup, tantôt brebis.
Ton malheur viendra du fils de Pescheng, ce sera du Touran que viendront les afflictions qui te mettront à l’étroit.
Ô mon fils !
Quand il y aura une guerre, recherche l’aide de Zal et de Sam et de ce nouveau rejeton qui est sorti de Zal et qui pousse des branches.
Par lui le pays de Touran sera rendu impuissant ; et quand il faudra te venger, c’est lui qui sera ton vengeur.
Il parla ainsi, les larmes inondèrent ses joues et Newder pleura sur lui avec amertume.
Quoiqu’il n’eût pas de maladie et qu’aucune douleur ne l’affligeât, Minoutchehr ferma ses deux yeux de Keïanide, faiblit et poussa un soupir froid.
Ainsi mourut ce roi illustre et plein de vertus et il ne resta d’autre souvenir de lui dans le monde que les discours des hommes.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021