Lorsque ces événements furent connus à Kaboul, la tête du gardien des frontières se remplit de colère.
Il en perdit la raison, appela devant lui Sindokht et exhala devant elle toute sa colère contre Roudabeh, disant :
Maintenant il n’y a plus d’autre moyen, je ne peux tenir contre le roi du monde, je te mènerai devant lui avec ta fille au corps impur et je vous tuerai ignominieusement devant le roi du peuple.
Peut-être qu’alors le roi d’Iran apaisera sa colère et son désir de vengeance et qu’il rendra la paix au monde ; car qui, dans le Kaboul, voudra combattre Sam ?
Qui osera s’exposer aux coups de sa massue ?
Sindokht l’écouta, elle s’assit devant lui et médita dans son esprit fertile en ressources.
Elle s’avisa dans son cœur d’un moyen, car elle était ingénieuse en plans et en conseils, puis elle courut auprès du roi, qui ressemblait au soleil, croisa ses mains sur son sein et lui dit :
Écoute une parole de moi ; si tu veux faire autre chose, tu le feras.
Si tu as des trésors pour sauver ta vie, donne-les et sache que cette nuit enfantera quelque chose.
Quelque longue que soit une nuit, son obscurité ne dure pas longtemps ; le jour paraîtra, quand le soleil commencera à briller et le monde ressemblera à un sceau de rubis de Badakhschan.
Mihrab répondit :
Ne conte pas au milieu des hommes de guerre de vieux contes ; dis ce que tu sais, lutte pour ta vie ou résigne-toi à te revêtir d’une robe sanglante.
Sindokht lui dit :
Ô puissant roi !
Il se peut que tu n’aies pas besoin de mon sang.
Il faut que j’aille auprès de Sam, il faut que je tire cette épée du fourreau ; je lui dirai ce qu’il convient de dire et l’esprit assaisonnera mes paroles crues.
Je fournirai les ruses, tu fourniras les présents et tu m’abandonneras les trésors que tu as accumulés.
Mihrab lui répondit :
Voici la clef : il ne faut jamais ménager ses richesses ; prépare des esclaves et des chevaux, un trône et une couronne et prends-les avec toi.
Il se peut qu’alors Sam ne brûle pas le pays de Kaboul à cause de nous et que son cœur de même qu’il a été desséché à notre égard, brille de nouveau pour nous.
Sindokht lui dit :
Si tu tiens à ta vie, prodigue tes richesses.
Mais il ne faut pas que tu traites durement Roudabeh, pendant que je cherche un remède à nos maux.
Je n’ai dans ce monde qu’un seul bien en partage, c’est sa vie ; tu m’en réponds aujourd’hui.
Je n’ai aucun souci de moi-même, c’est pour elle que je suis ainsi en peine et en angoisse.
Elle lui fit jurer un grand serment, puis elle se prépara courageusement à son entreprise.
Elle se vêtit de brocart et d’or et couvrit son sein de perles et de rubis précieux ; elle prit dans le trésor de Mihrab trois cent mille pièces d’or pour les présenter à Sam ; on amena deux fois trente chevaux arabes et persans aux caparaçons d’argent et soixante esclaves avec des colliers d’or, tenant chacun en main une coupe d’or pleine de musc et de camphre, de rubis et d’or, de turquoises et de pierreries de toute espèce ; puis cent dromadaires femelles au poil roux et cent dromadaires de charge bons coureurs.
Puis on apporta une couronne digne d’un roi, ornée de pierres fines et des bracelets, des colliers, des boucles d’oreilles et un trône d’or semblable au firmament, incrusté de pierreries de toute espèce, large de vingt palmes royales et de la hauteur d’un homme à cheval qui tient haut la tête.
Enfin on amena quatre éléphants indiens, que l’on chargea d’étoiles et de tapis.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021