C’est ainsi que le ciel tourna pendant quelque temps, cachant ses desseins dans son cœur et ne les montrant pas ouvertement.
Ensuite le Kaisar, avide de domination, dit à Guschtasp :
Demande une partie du monde pendant que tu vis.
Réfléchis sur mes paroles dans ton esprit, car c’est par la réflexion qu’il grandit et qu’il jouit.
J’enverrai un messager dans l’Iran, un homme d’expérience, sage et noble et je ferai dire à Lohrasp :
Tu es heureux de posséder la moitié du monde et de disposer des trésors des grands.
Si tu veux me payer tribut pour ton pays, tu pourras jouir de tes richesses et de ta grandeur ; sinon, j’enverrai les cavaliers du Roum, qui feront disparaitre la terre sous les sabots de leurs chevaux.
Guschtasp répondit :
Tu le veux et le monde est sous la plante de ton pied.
Or il y avait un homme illustre du nom de Kalous, un homme prudent, sage, de bon conseil et heureux dans ses entreprises.
Le Kaisar l’appela et lui dit :
Pars, va à la cour du roi et dis-lui :
Si tu veux payer tribut pour l’Iran, obéir à mes ordres et abaisser ta tête, je le laisserai le trône et la couronne de l’Iran, tu seras le maître du monde à la fortune victorieuse ; sinon, j’ai des troupes nombreuses tirées du Roum et du désert des cavaliers armés de lances.
Prends donc garde ; la plaine retentira du bruit des armes et Farrukhzad sera à la tête de mon armée ; je dévasterai ton pays entier, j’en ferai un repaire dallons et de crocodiles
Le messager partit, rapide comme le vent, la tête pleine de sagesse, le cœur rempli de justice.
Quand il fut arrivé près du puissant roi, il vit cette porte sublime et ce palais élevé.
Le grand chambellan eut avis de sa venue, accourut auprès du roi et dit :
Il y a à la porte un vieillard plein d’expérience, qui est sans doute un messager du Kaisar ; il amène beaucoup de cavaliers illustres et demande une audience du roi.
À ces paroles, Lohrasp s’assit sur son trône d’ivoire et posa sur sa tête sa couronne qui réjouissait les cœurs et les grands de l’Iran, aux cœurs joyeux, à la fortune prospère, s’assirent sous son trône.
Il ordonna alors de lever le rideau de la porte et de faire entrer le messager ; celui-ci se présenta devant le trône, rendit hommage au roi et le salua humblement ; ensuite il s’acquitta du message du puissant Kaisar, mais en se conduisant lui-même avec sagesse et modération.
Le roi fut blessé de ses paroles, il fut confondu de cette tournure du sort.
Il fit arranger magnifiquement un appartement et demanda du vin, de la musique et des chanteurs ; il envoya au messager des tapis de brocart, des vêtements et de la nourriture.
C’est ainsi qu’il l’accueillit par des fêtes, comme s’il n’avait pas reçu un message de guerre ; mais dans la nuit, il se coucha, se tordant dans ses soucis ; tu aurais dit que la douleur et le chagrin étaient ses compagnons.
Lorsque le soleil fut monté sur son trône d’or et eut déchiré de ses ongles la joue de la nuit sombre.
Lohrasp fit appeler devant lui Zerir et lui parla longuement de toute chose.
À l’aube du jour, Kalous demanda une audience et on l’admit auprès du roi ; on fit sortir de la salle royale tous les étrangers et l’on fit asseoir le messager devant Lohrasp, qui lui dit :
Ô homme plein de sens !
Puissent les âmes ne jamais nourrir que des pensées prudentes !
Je vais te faire une question, donne-moi une réponse vraie.
Si tu es un homme sensé, tu ne te laisseras pas aller à l’envie de ruser.
Autrefois le Roum n’était pas si vaillant et le Kaisar était humble devant les rois et maintenant il envoie dans tous les pays des messagers chargés de réclamer des tributs, il demande les trônes des autres ;
c’est ainsi qu’Ilias, qui était un héros renommé et belliqueux dans le pays des Khazars, a été saisi par lui et réduit avec son armée en esclavage.
Qui est-ce qui a montré au Kaisar cette route de l’ambition ?
Le messager répondit :
Ô roi plein de prudence !
C'est moi qui fus envoyé dans le pays des Khazars pour réclamer le tribut ;
j’ai eu à supporter bien du mal dans cette ambassade et personne ne m’a adressé des questions comme tu fais ; mais puisque le roi m’a reçu si courtoisement, il ne serait pas juste que je me permisse de le tromper.
Un cavalier est arrivé auprès du Kaisar, un vainqueur de lions qui est sorti des forêts ;
il se rit des plus braves au jour de la bataille et des coupes de vin au temps des festins ;
jamais l’œil de personne n’a vu un cavalier comme lui au combat, au banquet et à la chasse.
Le Kaisar lui a donné la plus belle de ses filles, qui était son plus précieux diadème.
Il est le sujet de tous les contes dans le Roum, car il a tué le terrible dragon ; ensuite il y avait un loup qui ressemblait à un éléphant dans le désert et le Kaisar n’osait pas aller du côté où il se trouvait : le jeune homme l’a abattu, lui a arraché les défenses et en a délivré le pays de Roum.
Lohrasp lui dit :
Ô homme véridique ! à qui ressemble ce héros belliqueux, devant qui a succombé le terrible dragon et qui est devenu l’objet des contes du peuple de Roum ?
Kalous répondit :
On dirait, au premier aspect, qu’il ressemble exactement à Zerir et l’on te répondrait sur-le-champ que c’est le vaillant Zerir avec sa stature et sa mine, sa sagesse et son bon conseil.
À ces paroles, le visage de Lohrasp s’épanouit et il répandit toutes ses grâces sur cet homme du pays de Roum ;
Il lui donna un grand nombre d’esclaves et des caisses remplies d’or et le laissa partir de sa cour, heureux et content, en lui disant :
Rapporte maintenant au Kaisar que je viens avec une armée avide de combats.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021