Lohrasp

Guschtasp tue le Dragon

Ahren, partit et apporta tout ce que Guschtasp avait demandé et quand tout fut préparé, celui-ci monta à cheval sur le bord de la mer et ses amis partirent avec lui.

Lorsque Heischoui aperçut le mont Sekila, il le lui montra du doigt et se retira.

Lui et Ahren s’en retournèrent ;

Mais le héros, qui ambitionnait la possession du monde, arriva, au moment où le soleil commençait à lancer ses rayons, devant la montagne où était la demeure de cet affreux serpent.

Quand le dragon vit sa haute stature, il essaya de l’attirer vers lui avec sa queue ; mais le jeune homme suspendit son carquois au crochet de la selle et fit pleuvoir une grêle de traits.

Le dragon s’approcha plus près, alors le héros rassembla toutes ses forces et lui enfonça le khandjar dans la gueule, en invoquant le nom de Dieu, le distributeur de la justice et de tout bien.

Le dragon serra ses dents aiguës sur le khandjar, mais l’arme entra tout entière dan son palais ; il versa du venin jusqu’à ce qu’il fût épuisé, la montagne fut inondée de ce venin et de son sang.

Alors Guschtasp, le lion, saisit son épée et en frappa un coup sur la tête du vaillant dragon, dont la cervelle jaillit sur tout ce grand rocher.

Le héros, à qui la fortune était favorable, descendit de cheval, arracha sur-le-champ deux dents de la gueule du dragon, puis alla se laver la tête et le corps.

Il se prosterna, le front contre la terre et en poussant des cris, devant le Créateur, le maître de la victoire, qui lui avait accordé ce grand triomphe sur le dragon et sur le vieux loup.

Il s’écria :

Lohrasp et le noble Zerir étaient fatigués de Guschtasp, corps et âme et pourtant mon esprit brillant, mon cœur pur et la force de mon bras ont suffi pour abattre un pareil dragon ;

mais le sort ne m’a apporté que des soucis et de la misère et m’a versé du poison au lieu de Thériaque.

Puisse Dieu m’accorder de la vie jusqu’à ce que j’aie revu pour une seule fois les traits du roi !

Je lui dirais :

À quoi m’a servi la recherche du trône ?

Je l’ai poursuivie, mais la fortune m’a abandonné.

Ensuite, il monta sur son destrier, la joue inondée de larmes et son khandjar brillant en main ;

Arrivé près de Heischoui et d’Ahren, il leur raconta ce qui lui était arrivé de merveilleux.

Il dit à Ahren :

Ce khandjar tranchant a détruit le dragon.

Vous avez eu peur de l’haleine du puissant dragon et du combat contre le loup ; mais moi je crains bien davantage la lutte avec des chefs vaillants, fiers et armés de lourdes massues, que le combat avec un crocodile qui sort des profondeurs de l’eau, armé de ses griffes.

J’ai vu bien des dragons comme celui-ci et ne me suis pas refusé à les combattre.

Heischoui et Ahren écoutèrent ce jeune héros, dont les paroles et la sagesse étaient dignes d’un vieillard et ces deux hommes, qui portaient haut la tête, le saluèrent humblement lorsqu’ils eurent entendu son discours et lui dirent :

Ô vaillant lion, jamais une mère ne mettra au monde un héros comme toi.

Ahren lui offrit beaucoup de choses précieuses et des chevaux magnifiques, couverts de parures ; mais il n’accepta qu’une épée, un cheval noir, un arc, des flèches à triple bois et un lacet et donna à Heischoui tout l’or et les pièces d’étoffe.

Guschtasp dit alors à ses deux puissants amis :

Il ne faut pas que qui que ce soit apprenne rien de ceci, ni que j’ai vu ce vaillant dragon, ni que j’ai entendu le cri du loup.

Ensuite, il partit, heureux et content et se rendit en toute hâte auprès de Kitaboun.

Ahren partit, amena des bœufs et des chariots et livra le corps du dragon à ses serviteurs, disant :

Conduisez-le au palais du Kaisar, mettez-le devant les yeux des chefs de l’armée.

Lui-même devança les bœufs et les chariots et courut auprès du Kaisar.

On apprit alors à Roum ce qui s’était passé et les hommes qui avaient de l’expérience se hatèrent de venir et ils virent ce puissant dragon que le vaillant héros avait abattu.

Lorsque les bœufs sortirent de la montagne et arrivèrent dans la plaine, la foule poussa un cri immense à l’aspect de la blessure qu’avait reçue ce terrible dragon, qui faisait une lourde charge pour les bœufs et les chariots.

La voix de la multitude montait jusqu’au ciel et l’on aurait dit que les bœufs succomberaient sous le poids.

Quiconque voyait la blessure faite par le coup d’épée et entendait le bruit des bœufs et des chariots disait :

C’est un coup donné par Ahriman, quoique l’épée qui a frappé soit celle d’Ahren.

Cependant le Kaisar sortit de son palais, rassembla les grands et les sages et célébra par un festin la mort du dragon, depuis l’aube du jour jusqu’à ce que le monde fût couvert de ténèbres.

Aussitôt que le soleil sur son trône eut posé la couronne sur sa tête et que les feuilles des platanes furent dorées par ses rayons, le Kaisar fit chercher le Destour, demanda des nouvelles de sa santé et le fit asseoir sur le trône d’or ; tous les patriciens et tous les docteurs de la ville qui avaient un nom honoré se réunirent devant l’évêque avec le Kaisar et ses conseillers et l’on donna à Ahren la fille du Kaisar, du consentement de sa mère pleine de tendresse.

Aussitôt que cette foule eut quitté la salle d’audience, le cœur du Kaisar illustre s’épanouit et il dit :

Ce jour est mon grand jour et le puissant ciel remplit mon âme de joie, car personne dans le monde, parmi les grands et parmi les petits, n’a jamais eu deux gendres comme moi.

Il fit écrire une lettre à tous les princes qui possédaient un trône ou un diadème, pour leur dire que le vaillant dragon et le fier loup étaient tombés sous les coups de deux héros.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021