Dans ce moment arriva inopinément et comme un vent qui s’échappe d’une crevasse, Afrasiab qui voulait voir ses chevaux.
Il arrivait avec du vin et de la musique et accompagné de grands, pour oublier ses soucis dans ce lieu où le gardien de son haras laissait tous les ans ses troupeaux courir sur la plaine et le long des eaux.
Arrivé près des prairies, il n’aperçut aucune trace des chevaux et des pâtres.
Mais tout à coup un bruit vint de la plaine, on vit les chevaux courant et se devançant les uns les autres et au-dessus de ces chevaux indomptables on distinguait de loin Raksch à travers la poussière que soulevaient ses pieds.
Le pâtre s’approcha du roi du Touran et lui raconta l’aventure étonnante qui lui arrivait et que Rustem enlevait tout seul les chevaux de la plaine ; qu’il avait tué un grand nombre des leurs et puis avait passé outre.
Les Turcs élevèrent une grande clameur, disant :
Ce brave ose venir tout seul au combat !
Il faut nous couvrir de nos armures, car ceci ne se fait que parce qu’on veut se railler de nous.
Sommes-nous donc devenus si méprisables, si vils et si faibles, qu’un homme seul vienne verser notre sang ?
Laisserions-nous enlever ainsi honteusement nos troupeaux ?
Nous ne devons pas laisser impuni un acte pareil.
Le roi, avec son escorte et quatre éléphants, se mit à la poursuite de Rustem ; mais lorsqu’ils l’eurent atteint, celui-ci ôta l’arc de son bras et s’avança vers eux en fureur, les accablant d’une grêle de traits et de coups d’épée.
Après avoir tué soixante braves, pareil à un lion, il fit une attaque avec la massue et en tua quarante autres des plus illustres, de sorte que le maître du monde eut peur et s’enfuit.
Rustem s’empara de ses quatre éléphants blancs et l’armée des Turcs n’eut plus aucun espoir dans le monde.
Rustem les poursuivit pendant deux farsangs, semblable à un nuage printanier, faisant pleuvoir sur eux des coups de massue dru comme la grêle et voler en éclats leurs casques et leurs morions.
À la fin, il s’en revint, emmenant les éléphants, le butin et tous les troupeaux qui lui étaient tombés entre les mains.
Lorsqu’il fut revenu auprès de la source, méditant dans son âme guerrière de nouvelles luttes, le Div Akwan l’accosta de nouveau et lui dit :
N’es-tu pas las de combattre ?
Tu as échappé à la mer et aux attaques des crocodiles ;
Tu t’es précipité sur la plaine comme un léopard rugissant ;
Mais maintenant tu verras venir ta fin et c’est le dernier combat que tu livreras.
Tehemten répondit aux paroles du Div par un mugissement de lion, détacha du crochet son lacet roulé, le lança et prit le Div au milieu du corps.
Tout en chancelant sur la selle, à cause des efforts que faisait le Div, il leva sa lourde massue semblable au marteau du forgeron, en frappa la tête du Div comme un éléphant ivre et lui brisa le crâne d’un seul coup ;
Ensuite, il mit pied à terre, tira son épée damasquinée et trancha cette tête vaillante.
Rustem rendit grâce à Dieu qui lui avait accordé la victoire au jour du combat.
Sache qu’un méchant homme et quiconque n’adore pas Dieu, est un Div ;
Compte aussi parmi les Divs et non parmi les hommes, quiconque manque d’humanité.
Si ta raison refuse de croire ce récit, c’est que sans doute elle n’en a pas saisi le sens profond.
Il faut qu’un héros soit un Pehlewan robuste, redoutable par son bras, haut de stature : alors donne-lui le nom de héros ;
Mais n’appelle pas ainsi le Div Akwan.
Parle toujours de préférence de choses héroïques.
Que dis-tu, ô mon vieux maître, qui as supporté la chaleur et le froid de la vie ?
Qui sait combien de hauts et de bas renferme une longue vie ?
La plus courte dans sa durée use les forces même de l’éléphant furieux.
Qui sait ce que le ciel dans sa rotation rapide lui amènera de fêtes ou de combats ?
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021