Ensuite ils firent leurs bagages pour quitter le Touran, emportant des armes précieuses, de l’or et des trônes, car Rustem avait cherché et trouvé bien des trésors.
Il se mit en marche en toute hâte vers l’Iran avec son armée et il s’était emparé de tant de chameaux et de chevaux que ses troupes ne pouvaient se plaindre du manque de bêtes de somme.
On entendait le bruit des hommes, le son des trompettes et le tintement des cloches et des clochettes indiennes et c’est ainsi que se dirigeait vers l’Iran cette armée comblée de richesses.
Lorsque le roi eut nouvelle de l’approche de Rustem, la ville et le palais retentirent de cris, le son des tambours s’éleva du pays d’Iran jusqu’aux nues, parce que le maître de la massue et du Bebr arrivait.
Il y eut une joie immense dans le monde, parmi les grands et parmi les petits ;
Le cœur du roi ressemblait au sublime paradis et il offrit au Créateur des actions de grâces.
Ensuite, il ordonna qu’on fît avancer les éléphants ;
Il quitta son palais ; tout le peuple préparait des fêtes et l’on fit venir du vin, de la musique et des chanteurs.
Le son des tambours et des trompettes se fit partout entendre lorsque le roi du monde sortit du palais ;
Les éléphants étaient entièrement inondés de vin mêlé avec du musc et du safran ;
Leurs conducteurs portaient des diadèmes sur leurs têtes et à leurs oreilles pendaient des anneaux.
On jeta sur la foule de l’argent, du vin et du safran ;
On pétrit ensemble le musc et l’ambre ;
Le pays entier résonnait des accents des musiciens stationnés partout d’une frontière à l’autre.
Lorsque Tehemten aperçut la couronne du roi qui portait haut la tête, lorsqu’il entendit les clameurs qui remplissaient le monde, il mit pied à terre et adora Khosrou.
Le roi du monde lui adressa des questions sur la longue route qu’il avait faite, le serra dans ses bras et le tint longtemps embrassé ;
Ensuite, il bénit l’illustre Pehlewan au cœur de lion, lui ordonna de remonter à cheval et garda durant toute la marche la main de Rustem dans la sienne.
Il lui dit :
Pourquoi es-tu resté absent si longtemps et as-tu versé sur ma tête le feu de l’inquiétude ?
Rustem répondit :
Nous n’avons pas été heureux un seul instant pendant que nous ne te voyions pas.
Thous, Feribourz, Gouderz, Guiv, Rehham, Schidousch et le vaillant Gourguin suivirent le roi de l’Iran et l’on versa des pierres fines sur leurs têtes.
Ils s’avancèrent ainsi sur la route jusqu’au palais du roi, jusqu’à la résidence glorieuse de Khosrou.
Le roi s’assit sur son trône, ayant à côté de lui Rustem le héros illustre.
Feribourz, Gouderz, Rehham et Guiv prirent place parmi les grands pleins de valeur.
Keï Khosrou leur adressa des questions sur les batailles livrées aux Touraniens et sur les fatigues de cette guerre.
Gouderz lui répondit :
Ô roi, c’est un long récit que celui de ces combats ;
Il nous faut auparavant des coupes et du repos, ensuite tu nous feras des questions tant que tu voudras.
On dressa des tables et le roi dit en souriant :
Il paraît que la route t’a altéré.
Il fit apporter du vin sur les tables et appeler des musiciens.
Ensuite, il se remit à les questionner sur tout, depuis le commencement jusqu’à la fin ; sur Afrasiab, sur Pouladwend et la lutte de Rustem et le lacet roulé de ce héros ; sur le Khakan, Kamous, Aschkebous et sur cette grande armée pourvue d’éléphants et de timbales.
Gouderz lui dit :
Ô roi, jamais mère ne mettra au monde un cavalier comme Rustem.
Que ce soit un Div, ou un lion, ou un dragon qui s’avancent contre lui, ils n’échappent pas à sa main puissante.
Que mille fois béni soit le roi et autant de fois cet illustre Pehlewan !
Le maître de la couronne fut si content de ces paroles que tu aurais dit qu’il élevait sa tête au-dessus de Saturne ; il répondit :
Ô Pehlewan, tu es le lion qui veille sur nous avec ton esprit lucide.
Quiconque prend la raison pour maître, doit réfléchir sur ce qui est arrivé.
Puisse le mauvais œil ne jamais frapper le Pehlewan !
Puisse toute sa vie se passer en fêtes !
Pendant un mois Rustem demeura auprès de Khosrou, la coupe en main, réjouissant par sa présence le trône et le palais du roi ;
Et l’on récitait ses hauts faits dans des chants héroïques, accompagnés du son des flûtes et des instruments à cordes.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021