Keï Khosrou

Les Irmaniens demandent protection à Khosrou

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Au nom du maître du ciel qui tourne, du maître de Mercure et du soleil.

Lorsque Keï Khosrou eut tiré vengeance des Touraniens, il ordonna les affaires du monde sur un nouveau plan.

La gloire et l’honneur avaient été ravis au pays de Touran et le trône du roi de l’Iran s’élevait plus haut que le soleil ;

Le ciel était ligué avec lui et répandait ses faveurs sur les nobles Iraniens.

Le monde était rétabli dans sa beauté première et purifié par l’eau de la loyauté ;

Mais le sage ne choisit pas pour gîte un lieu où a déjà coulé un torrent.

Deux tiers du monde étaient soumis à Khosrou le vengeur de Siawusch et un jour il s’assit joyeusement, buvant du vin à la santé des braves de son armée ;

Le palais impérial était orné de brocarts, le roi avait mis sur sa tête un diadème de pierres précieuses ;

Il tenait en main une coupe de rubis remplie de vin et abandonnait son âme et ses oreilles aux sons du luth.

Les grands étaient assis, écoutant la musique ;

Feribourz fils de Kaous, Gustehem, Gouderz fils de Keschwad, Ferhad, Guiv, Gourguin fils de Milad, le vaillant Schapour, Thous le chef des princes issus de Newder le destructeur des armées, Rehham et Bijen le guerrier, tous ces Pehlewans, serviteurs de Khosrou, étaient assis, buvant du vin royal, du vin qui ressemblait dans les coupes à la cornaline du Yemen ;

Ils étaient assis au milieu de tulipes et de narcisses.

Devant Khosrou se tenaient des esclaves à visage de Péri, dont les boucles noires comme le musc pendaient jusque sur leurs joues de jasmin.

La salle du festin était pleine de parfums, de belles couleurs et de peintures et le grand maître du palais s’y tenait debout prêt à servir le roi.

Un chambellan qui gardait le rideau de l’entrée s’approcha tout doucement du grand maître du palais, lui annonçant que des Irmaniens venus de la frontière du Touran et de l’Iran et qui avaient fait cette longue route pour réclamer protection, étaient devant la porte et demandaient à voir le roi.

Le prudent maître du palais l’écouta, puis s’approchant du trône de Khosrou, répéta ce qu’il avait entendu et demanda des ordres.

Ensuite, il amena les Irmaniens selon le cérémonial et ils s’approchèrent tous avec la permission du roi, en poussant des cris de détresse, en pleurant et en demandant secours ;

Ils se traînèrent vers lui, les bras croisés, le visage contre terre et se lamentant :

Ô roi, puisses-tu être toujours victorieux !

Puisses-tu vivre à jamais !

Nous venons de loin pour demander justice ;

Nous venons d’un pays qui se trouve entre le Touran et l’Iran ;

On l’appelle Khan-i-Irman ; les Irmaniens sont sujets de Khosrou.

Puisses-tu vivre toujours heureux, ô roi et être le protecteur de tous les pays contre les méchants !

Tu es le roi des sept Kischwers et tu dois secourir tout pays frappé d’un malheur.

Notre ville touche à la frontière du Touran et les Touraniens nous font souffrir des maux continuels.

Or il y a du côté de l’Iran une forêt qui cause tous nos chagrins ;

Nous y avions des champs ensemencés en grand nombre et des arbres tous chargés de fruits ;

Nous y faisions paître nos troupeaux et la fortune de notre ville était fondée sur cette forêt.

Ô roi de l’Iran, protège-nous car il est venu des sangliers innombrables qui se sont emparés de la forêt et des bords du fleuve ;

Leurs défenses sont comme des dents d’éléphant,

Leurs corps comme des montagnes et ils ont réduit à la dernière détresse la ville d’Irman.

Que de tort n’ont-ils pas fait à nos troupeaux et à nos semences !

Et c’est un jeu pour eux de couper en deux, avec leurs défenses auxquelles aucune pierre ne résisterait, des arbres plantés de temps immémorial et nous craignons que la fortune ne nous ait abandonnés tout à coup.

Le roi écouta ces hommes qui imploraient son secours ;

Il se tordit dans la douleur de son cœur ;

Il eut pitié d’eux et dit aux héros qui portaient haut la tête :

Ô hommes illustres, ô mes braves, si quelqu’un d’entre vous veut acquérir un nom au-dessus du nom de ses compagnons, qu’il se rende dans cette forêt dévastée par les sangliers et qu’il leur tranche la tête avec son épée, en prononçant le nom puissant de Dieu et en combattant glorieusement et je ne serai pas avare envers lui de mes trésors et de mes joyaux.

Il fit apporter un large plat d’or, que le trésorier posa devant le trône et dans lequel on versa des pierreries de toute espèce en les mêlant ensemble ;

On amena dix chevaux portant des brides d’or marquées du nom de Kaous et couverts de brocarts de Roum et l’on fit un appel aux membres illustres de l’assemblée.

Le roi de la terre dit :

Ô glorieux Pehlewans, qui veut se hasarder à faire ce que je demande et acquérir la possession de mes trésors ?

Personne dans l’assemblée ne répondit, excepté Bijen fils de Guiv, de noble naissance.

Il sortit des rangs des héros, invoqua sur le roi le nom de Dieu et dit :

Bénis soient ton trône et ton palais et que ta volonté forme la loi du monde !

J’ai entendu tes ordres et ta promesse de protection qui s’étend sur la terre entière.

Je partirai selon ton désir pour aller tenter cette entreprise ;

Car je n’existe, corps et âme, que pour te servir.

À ces paroles de Bijen, Guiv le regarda avec inquiétude de l’autre bout de la salle ;

Il prononça des bénédictions sur le roi et se mit à donner des conseils à son fils, disant :

D’où te vient ce courage étourdi ?

D’où vient cette confiance dans tes forces ?

Un jeune homme, si instruit et de si bonne naissance qu’il soit, ne peut faire de grandes choses avant d’avoir de l’expérience ;

Il faut qu’il ait éprouvé la bonne et la mauvaise fortune sous toutes ses faces, qu’il ait goûté toutes les amertumes de la vie.

Ne prends pas une route que tes pieds n’ont jamais foulée et ne prétends pas follement à la gloire devant le roi.

L’intelligent jeune homme, sur qui veillait la fortune, fut indigné des paroles de son père et dit :

Ô roi victorieux, ne crains pas que je sois si faible !

Accepte mes offres ;

Je suis jeune d’années, mais vieux de prudence.

Je couperai les têtes des sangliers ;

je suis Bijen fils de Guiv le destructeur des armées.

Le roi se réjouit de ces paroles de Bijen ;

Il le bénit et lui donna la permission qu’il demandait, disant :

Ô héros qui nous sers toujours de bouclier contre tout mal, un roi qui a un sujet comme toi aurait l’âme bien faible s’il craignait un ennemi.

Ensuite, il dit à Gourguin fils de Milad :

Bijen est jeune et il ne connaît pas la route ;

Va avec lui jusqu’à la rivière de Band ;

Sers-lui de guide et d’ami.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021