Bijen s’arma pour le départ ;
Il serra sa ceinture et mit un casque sur sa tête ;
Il emmena Gourguin fils de Milad, comme un aide qui était son égal en bravoure et en force.
Il partit de la cour avec des guépards et des faucons, pour chasser sur sa longue route ;
Il partit comme un éléphant qui écume, tranchant partout la tête aux onagres et aux gazelles.
Tous les argalis qui peuplaient le désert eurent la poitrine déchirée par les griffes des guépards et le cœur frappé de terreur ;
Les têtes de tous les onagres furent prises dans le nœud du lacet ;
On aurait pu se demander si c’était Bijen, ou Tahhmouras le vainqueur des Divs.
Les faisans, saisis par les serres des faucons, versaient du haut des nues des gouttes de sang sur les feuilles du jasmin.
C’est ainsi que les deux guerriers poursuivirent leur route et tout le désert leur paraissait être un jardin.
À la fin Bijen aperçut la forêt et son sang bouillonna d’impatience ;
Les sangliers y couraient sans savoir que Bijen avait sellé son destrier.
Les deux Iraniens avancèrent et mirent pied à terre sur la lisière du bois ;
Ils allumèrent un grand feu, s’assirent auprès et l’entretinrent avec des troncs d’arbres.
Ils avaient une outre remplie de vin ; ils prirent une grasse femelle d’onagre, la découpèrent et en firent rôtir les morceaux devant le feu ;
Ils mangèrent et ensuite pensèrent à boire ;
Ils portèrent la main à l’outre et se mirent tous deux en gaieté.
Quand leur visage commença à montrer les traces de la boisson, Gourguin voulut chercher un lieu de repos, mais Bijen lui dit :
Je n’ai pas sommeil !
Ne te couche pas encore, mon frère et reste debout pour que nous puissions mieux exécuter ce dont nous sommes chargés et délivrer, par cet effort, le cœur du roi de ses soucis.
Va auprès de cet étang, pendant que j’attaquerai les sangliers avec mes flèches.
Quand tu entendras du bruit dans la forêt, tu prendras ta massue, tu feras attention ;
Et si un sanglier échappe à ma main, tu lui abattras la tête d’un seul coup.
Mais le vaillant Gourguin lui répondit :
Ce n’est pas de cela que je suis convenu avec le jeune roi ;
C’est toi qui as pris les joyaux, l’argent et l’or, c’est toi qui t’es chargé de ce combat : ne me demande donc pas d’autre aide que de t’avoir montré le chemin.
Bijen écouta ces paroles avec étonnement ;
Tu aurais dit que le monde devenait noir devant ses yeux.
Mais il entra bravement dans la forêt comme un lion et l’arc bandé ;
Et poussant des cris semblables au tonnerre du printemps, il faisait tomber les feuilles des arbres comme une pluie.
Il suivit les traces des sangliers comme un éléphant en rut, une épée brillante en main.
Ils accoururent tous pour l’attaquer, en jetant en l’air de la terre avec leurs défenses dont sortaient des étincelles ;
On eût dit qu’ils allaient brûler le monde.
Un sanglier semblable à un Ahriman se jeta sur Bijen et lui déchira sa cotte de mailles ;
Il aiguisait ses défenses contre les arbres comme on aiguise une lame d’acier sur une pierre dure.
Ils attisèrent ainsi le feu du combat et la fumée qui en sortait s’élevait de la forêt.
À la fin Bijen frappa le sanglier au front avec son épée et lui fendit la tête, qui était grosse comme celle d’un éléphant.
Alors ces courageuses bêtes fauves s’enfuirent comme des renards, le corps blessé par l’épée, le cœur fatigué du combat.
Bijen tranchait leurs têtes avec l’épée et les pendait à la courroie de la selle de son puissant cheval Schebreng ;
Car il voulait apporter au roi les défenses et prendre avec lui les têtes détachées des troncs, pour prouver aux braves de l’Iran qu’il était venu à bout de couper la tête à ces terribles sangliers.
Il les suspendit donc au cou de son cheval ;
Chacune était grande comme une montagne et un buffle se serait fatigué à la traîner.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021