Lorsque la joyeuse fête du Nourouz fut arrivée, Guiv sentit le besoin de consulter la coupe fortunée.
Le vieux Pehlewan, tout courbé par ses inquiétudes sur le sort de son fils, se rendit au palais le cœur plein d’espérance.
Quand Khosrou vit les joues hâves de Guiv, quand il vit que la douleur dévorait son cœur, il se hâta de revêtir sa tunique de Roum et sortit pour aller se présenter devant Dieu.
Il éleva la voix devant le Créateur du monde, il invoqua longtemps ses grâces sur la coupe brillante ; il demanda secours à Dieu le secourable, il demanda justice contre Ahriman le méchant.
Ensuite, il revint dans son palais, couvrit sa tête du diadème fortuné, prit dans sa main la coupe et regarda dedans.
Il y vit les sept Kischwers ; il y vit révélés les actions et les desseins du ciel sublime et leur nature, leurs motifs et leur étendue ; il y vit réfléchie l’image du monde entier, depuis le signe des Poissons jusqu’à celui du Bélier ; il y vit Saturne et Mars, Jupiter et le Lion, Vénus et Mercure en haut et la lune au-dessous.
C’est ainsi que le maître du monde, à l’aide de son art magique, observa dans la coupe tout l’avenir.
Il regarda les sept Kischwers, mais il ne trouva pas de trace de Bijen.
À la fin il arriva au pays des Kerguesars et par la grâce de Dieu il y vit Bijen dans la fosse, lié de lourdes chaînes et désirant la mort pour échapper à la rigueur de son sort.
Auprès de la prison se tenait, ceinte comme une servante, une jeune fille de race royale.
Khosrou se tourna alors vers Guiv avec un sourire qui illumina le trône et lui dit :
Il vit, réjouis-toi, bannis tous ces soucis qui t’ont accablé.
Ne te laisse pas affliger de ce qu’il est en prison et dans les fers, puisque sa vie est sauve.
Bijen est enchaîné dans le Touran et une jeune fille d’illustre naissance le sert.
Les soucis, les douleurs et la sollicitude que j’ai éprouvés pour lui m’avaient rempli de tristesse.
Le sort l’a frappé si cruellement qu’il ne cesse de verser des larmes amères ; il désespère de revoir sa famille et ses alliés, il se consume, il tremble comme une branche de saule, ses deux yeux sont remplis de sang, son cœur est plein de douleur et sa langue ne cesse d’invoquer Khosrou ; il verse des larmes comme un nuage printanier et dans sa prison il ne désire que la mort.
Maintenant qui est-ce qui se mettra à l’œuvre pour remédier à ce malheur ?
Qui est-ce qui se lèvera prêt à agir ?
Qui osera nous promettre, dans notre détresse, de le délivrer de sa misère ?
Il n’y a que Rustem à la main prompte qui puisse le faire, Rustem qui arrache le crocodile des abîmes de la mer.
Ceins-toi donc, pars pour le Nimrouz et ne t’arrête sur le chemin ni jour ni nuit.
Porte à Rustem une lettre de moi et garde-toi de parler en route de ces affaires.
Je vais mander ici Rustem et lui dire ce qui s’est passé ; je vais mettre fin à tes angoisses, ô Guiv.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021