Ainsi se passa quelque temps ; le roi eut le cœur»
Plein de chagrin à cause de Gustehem.
Un jour, il dit, dans son trouble, à Guerdouî :
Gustehem a épousé Gordieh ; c’est vers lui que sont dirigées ces grandes masses d’hommes et je crois que c’est
’ elle qui les a conseillées.
Un de mes espions est revenu d’Amol et a dévoilé tout ce qui était secret. »
Il parla ainsi jusqu’à ce qu’il fût nuit et que les yeux du héros ne virent plus clair.
Pendant que les serviteurs préparaient des bougies et du vin et arrangeaient la salle, le roi congédia les étrangers et s’assit sur le trône avec son conseiller.
Guerdouî et Khosrou se mirent à parler ensemble de toute chose grande et petite et le roi dit :
J’ai envoyé à Amol des troupes nombreuses pour livrer bataille ; mais elles sont toutes restées prisonnières, ou revenues battues et pleines de lamentations et de douleur.
Maintenant je n’ai qu’une seule ressource, quoiqu’elle soit faible. quand il s’agit d’un trône et d’une couronne.
Quand Bahram Djoubineh a quitté la bonne voie, Gordieh est toujours restée notre amie et cela me donne aujourd’hui un moyen de salut ; mais n’en parle pas devant la cour.
Il faut écrire à Gordieh une lettre semblable au ruisseau de vin du jardin du paradis et lui dire :
Depuis longtemps tu me témoignes de l’amitié et me rends des services en toute chose et en !
Tout lieu.
Jamais me langue n’a trahi le secret de mon cœur, mais le moment de parler est arrivé, car Guerdouî m’est cher comme mon propre corps.
Réfléchis sur un moyen de faire disparaître Gustehem, cet homme vil et maudit, de lui écraser la tête et de conquérir ainsi mon cœur et ma maison.
Quand tu auras accompli cela, ton armée et tous tes amis dans le monde trouveront de la protection auprès de moi et ne seront plus opprimés en aucun temps ni dans aucun lieu.
Je donnerai des provinces à tous ceux que tu voudras et ils seront placés à la tête de ces pays.
Tu entreras dans les appartements. dorés de mes femmes, tu mettras fin àstoutes mes vengeances.
Je jure de tenir tout cela, j’ajoute de nouveaux serments a mes serments et si jamais je détourne mon cœur de mes engagements, que tous mes alliés m’abandonnent ! »
Guerdouî. répondit :
Puisses-tu être heureux, puisses-tu briller comme la Vierge dans le signe de l’Épil Tu sais que, comparés à ta tête, je con-
sidère comme rien mat vie, mes enfants, mes terres cultivées et mes alliés, si précieux que me soient ces biens.
J’enverrai quelqu’un avec ce message auprès de Gordieh, je remplirai de joie son âme assombrie.
Je demande une lettre avec le sceau du roi et écrite de sa main, une lettre brillante comme la lune ; j’enverrai ma femme auprès de ma sœur et j’écarterai ainsi tous les malveillants, car ce sont des paroles qu’une femme seule doit porter, surtout une femme de bon conseil.
Plus je réfléchis là-dessus, plus je vois qu’il faut confier ton message à ma sœur et alors tout se terminera vite et selon ton gré ; il ne faut faire ni plus ni moins. »
Khosrou fut heureux de ces paroles, tous ses chagrins devinrent pour son cœur légers comme un souffle d’air.
Il demanda à l’instant à son trésorier du papier, il demanda de l’encre de musc noir dissous dans de l’eau et il écrivit une lettre semblable à un jardin plein de fleurs brillantes comme les joues d’une amie, une lettre remplie de promesses. d’engagements, de serments, de prières et de conseils et lorsque la suscription fut sèche, on y mit du musc noir pour le sceau et l’on posa dessus la bague avec le nom du roi Parviz.
Guerdouî, de son côté, écrivit une lettre contenant des conseils et bien des choses.
Il commença sa lettre par ce qu’avait fait Bahram, qui a donné un mauvais renom à 2H sa famille et à son pays ; que Dieu’ lui pardonne et qu’il n’ait pas à se repentir des querelles qu’il a fait naître !
Celui dont l’âme ne possède pas la sagesse ne réfléchit pas sur ce qu’il fait ; mais nous, qui devons, mourir de même qu’il est mort, con-fions-nous-en à la justice du;maître du monde.
Quand ma femme sera arrivée chez toi, elle éclairera ton jugement troublé ; ne te détourne d’aucune manière de ses paroles, car si tu les négligeais, notre fortune pâlirait. »
Il plaça dans cette lettre celle du roi et les enferma dans une enveloppe de satin ; sa femme, pleine de ressources, les prit, écouta ses paroles impérieuses et voyagea rapidement jusqu’à la forêt de Narwen.
La messagère arriva auprès de Gordieh, qui en devint joyeuse comme le gai printemps et tout son visage devint brillant de charmes et de beauté.
Elles parlèrent longuement de Bahram, elles firent couler des larmes de leurs cils.
Ensuite la femme de Guerdouî remit à Gordieh en secret la lettre de son mari, qui contenait celle du roi et la lui expliqua.
Quand cette lionne vit la lettre royale, on aurait dit qu’elle voyait la lune sur la terre.
Elle sourit, disant :
Cette affaire est facile pour quelqu’un qui a cinq amis. »
Elle lut la lettre du roi à cinq hommes, en la cachant à l’assemblée des grands ; puis elle prit la parole, conclut rapidement une convention avec eux et donna sa main à chacun
D’eux.
Elle fit entrer chez elle les cinq hommes et les plaça tout près de la chambre à coucher.
Lorsque la nuit fut profonde, elle éteignit les lumières et porta inopinément sa main sur la bouche de son mari ; quelques-uns de ces hommes vinrent à l’aide de Gordieh et coururent au chevet du chef illustre.
Elle lutta longtemps avec cet homme ivre, à la fin elle fit cesser les cris qu’il poussait.
C’est ainsi que le Sipehbed mourut dans l’obscurité et livra les nuits et les jours brillants à cette femme ambitieuse : Dans la ville s’élevèrent des cris et des clameurs, dans chaque rue naissaient un incendie et un orage et la femme intrépide revêtit une cuirasse roumie quand elle entendit ce tumulte ; pendant cette nuit sombre elle appela les Iraniens et parla longuement de l’homme qu’elle avait tué ; ensuite elle leur montra la lettre du roi et exalta leur courage et leur fierté et tous les grands acclamèrent Khosrou et répandirent des pierreries sur sa lettre.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021