Zal marchait donc le premier, suivi des grands à la ceinture d’or ; et lorsque le fils de Sam vit Kaous assis sur le trône et joyeux dans son cœur, il s’avança, croisant les mains respectueusement et la tête baissée vers la terre, jusqu’auprès de son siège, en disant :
Ô roi du monde, qui portes plus haut la tête et es plus grand que tous les grands !
Jamais le trône n’a vu un maître, jamais la couronne n’a en un possesseur comme toi, jamais le ciel qui tourne n’a aperçu une fortune comme la tienne.
Puisse ta vie entière être heureuse et victorieuse !
Que ton cœur soit plein de sagesse, que ta tête soit pleine de justice !
Le roi illustre le reçut gracieusement, le fit asseoir à côté de lui sur le trône et s’informa des fatigues de sa longue route, des héros et de Rustem qui portait haut la tête.
Zal lui répondit :
Ô roi victorieux, puisses-tu vivre heureux !
Nous sommes tous dans le bonheur et dans la joie par l’effet de ta fortune ; nous portons haut la tête par la faveur de ton trône.
Puis, il commença à lui parler et ouvrit ainsi la porte des discours respectueux :
Ô roi du monde, tu es digne du trône et de la couronne de la puissance.
J’ai entendu une parole récente et de haute importance, c’est que le roi a formé des plans contre le Mazenderan.
Il y a eu des rois avant toi ; mais jamais ils ne sont entrés dans cette voie.
Beaucoup de jours se sont écoulés sur moi et le ciel a bien des fois, pendant ma vie, tourné au-dessus de la terre.
Minoutchehr qui a quitté ce monde immense, laissant après lui beaucoup de trésors et de palais ; Zew, Newder et Keïkobad et beaucoup d’autres héros dont j’ai souvenance, n’ont pas formé de plans contre le Mazenderan, malgré leurs grandes armées et leurs pesantes massues : car c’est la demeure des Divs habiles dans la magie, c’est un talisman qui est entièrement au pouvoir des enchanteurs.
Personne ne peut rompre ces liens magiques.
Ne donne donc pas au vent ta peine, ta puissance et tes trésors.
Il n’y a pas d’épée qui puisse briser ces liens, contre lesquels ne prévaudront ni la richesse ni le savoir.
Personne n’approuve le départ, ni même la délibération sur le départ.
Il ne faut pas conduire une armée dans ce pays, car aucun roi n’a jamais cru que ce fût une entreprise fortunée.
Quoique tous ces grands te soient inférieurs, ils sont les serviteurs de Dieu comme toi.
Ne fais pas sortir, pour ton agrandissement, du sang des grands un arbre dont le fruit et la croissance seront une malédiction et qui sera une déviation des voies des anciens rois.
Kaous répondit :
Je ne suis pas au-dessus du besoin de tes conseils et pourtant je suis plus grand que Feridoun et Djemschid en courage, en puissance et en richesses ; je suis plus grand que Minoutchehr et Keïkobad, qui n’ont pas osé parler du Mazenderan.
Mon armée, mon cœur et mon trésor sont plus grands et le monde est soumis à mon épée tranchante.
Quand tu as levé ton épée, le monde s’est soumis : pourquoi ne laisserions-nous plus voir le monde à nos épées ?
J’irai, je les amènerai tous dans mes lacets, je leur ferai la guerre selon la coutume des rois, je leur imposerai de lourds tributs et des redevances, ou je ne laisserai personne en vie dans le Mazenderan, tant sont vils et méprisables les Divs et les magiciens de cette race ; et ton oreille sera frappée de cette nouvelle, que la surface de la terre est délivrée d’eux.
Mais il faut maintenant que tu sois le maître du monde avec Rustem ; que tu sois le gardien infatigable de l’Iran.
Le Créateur est mon protecteur et la tête des Divs courageux est ma proie ; et puisque tu ne veux pas être mon soutien dans le combat, du moins ne me dis pas de rester oisivement sur le trône.
Quand Zal eut entendu ces paroles, il ne vit plus le commencement ni la fin de tout cela.
Il répondit :
Tu es le roi et nous sommes tes esclaves ; nous n’avons parlé que parce que nous sommes en peine pour toi.
Que tu ordonnes ce qui est juste ou ce qui est injuste, nous ne devons agir et respirer que selon ta volonté.
J’ai dit ce que j’avais sur le cœur, j’ai dit tout ce que je savais.
Personne ne peut arracher de son corps le germe de la mort, ni coudre avec une aiguille l’œil du destin, ni s’affranchir de ses besoins par l’abstinence ; le roi lui-même ne peut surmonter ces trois impossibilités.
Puisse ce monde lumineux te donner le bonheur !
Puisses-tu ne pas avoir à te rappeler mes conseils ni à te repentir de ton entreprise !
Puissent ton cœur, ta foi et ta loi briller toujours !
Aussitôt Zal prit congé du roi, le cœur plein de trouble et de soucis sur cette expédition.
Il s’éloigna de la présence de Kaous et le soleil et la lune s’obscurcirent devant ses yeux.
Les grands pleins de bravoure, tels que Thous et Gouderz, Bahram et Guiv, sortirent avec lui ; et ce dernier lui dit :
Je prie Dieu qu’il veuille le guider ; si Dieu ne lui accorde point son secours, je ne fonde sur lui aucun espoir.
Puissent les passions, la mort et le besoin rester loin de toi !
Qu’aucun ennemi ne puisse étendre sa main sur toi !
Partout où nous irons, partout où nous serons, nous n’entendrons dire de toi que des bénédictions.
Après Dieu le créateur du monde, c’est toi en qui le pays d’Iran place sa confiance ; toi qui as supporté tant de peines pour l’amour des braves, qui as fait une route si pénible pour les servir.
Tous pressèrent dans leurs bras Zal, qui partait pour le Seïstan.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021