Le quatrième jour Kaous monta sur le trône des Keïanides, une massue à tête de bœuf à la main.
Il était en courroux et manda Soudabeh devant lui ; il lui reprocha tout ce qui s’était passé : Tu es une femme éhontée, tu as fait beaucoup de mal, tu as grandement affligé mon cœur.
Quel jeu as-tu donc et joué jusqu’à la fin, en conspirant contre la vie de mon fils, en le précipitant dans le feu et en pratiquant les arts magiques contre lui ?
Le repentir ne te servira plus ; il faut que tu renonces à la vie et que tu te prépares à la mort.
Tu ne peux pas rester sur la terre et ta récompense sera le gibet. »
Soudabeh répondit :
Ô roi !
Ne verse pas de feu sur ma tête.
S’il faut que tu me tranches la tête pour combler le malheur qui m’a accablée, ordonne !
J’y suis toute résignée et je ne désire pas que ton cœur reste plein de rancune.
Siawusch finira par dire la vérité sur cette affaire, il éteindra dans le cœur du roi le feu de sa colère.
Il a employé tous les arts magiques de Zal et le feu ardent ne l’a pas dévoré. »
Ensuite elle dit à Siawusch :
Jusqu’à présent tu as réussi par la sorcellerie, mais le dos de ton impudence ne sera-t-il jamais courbé ? »
Le roi demanda aux Iraniens :
Comment la pu-nirai-je du mal qu’elle a fait en secret ?
Comment le lui ferai-je expier ? »
Tous invoquèrent les grâces de Dieu sur le roi, disant :
Sa peine doit être la mort, il faut qu’elle se torde de douleur en punition de ses méfaits. »
Le roi dit alors au bourreau :
Attache-la au gibet sur la grande route et détourne d’elle la tête. »
Quand on emmena Soudabeh, toutes les femmes du palais poussèrent un cri de douleur.
Le cœur du roi était plein d’une amertume qu’il s’efforçait de cacher, mais ses joues devinrent blêmes.
Toute l’assemblée détourna la tête lorsqu’on fit partir Soudabeh ignominieusement. ’
Mais Siawusch se dit en lui-même :
Quand le roi aura fait exécuter Soudabeh, il finira par s’en repentir et verra en moi l’auteur de la souffrance qui le torture. »
Il s’adressa donc au roi et lui dit :
Que ton cœur ne s’afllige pas de ce qui se passe ; accorde-moi le pardon du crime de Soudabeh, elle suivra peut-être dorénavant de meilleurs conseils et rentrera dans la bonne voie. »
Le roi, qui ne demandait qu’un prétexte pour pardonner à Soudabeh toutes ses fautes passées, répondit à Siawusch :
Je lui ai pardonné dès que j’ai vu qu’elle versait des larmes de sang. »
Siawusch baisa le trône du roi, se leva et sortit de l’assemblée ; il ramena Soudabeh et sur l’ordre du roi, la rétablit dans son palais.
Toutes les femmes coururent à sa rencontre et l’une après l’autre lui offrirent leurs hommages.
Quelque temps se passa ainsi et le roi s’attacha à elle plus ardemment que jamais ; il fut tellement rempli d’amour pour elle, qu’il ne détournait pas les yeux de son visage et elle dirigea de nouveau en secret ses enchantements sur le roi, pour préparer des malheurs à Siawusch, comme on devait s’y attendre de sa vile nature.
Ses paroles excitèrent dans l’esprit du roi des soupçons contre son fils, mais il n’en laissa rien voir à personne.
La position de Kaous était telle qu’il lui aurait fallu du sens et de la sagesse, de la piété et de la justice ; car ce n’est que quand l’homme craint Dieu que toutes choses s’accomplissent selon les vœux de son cœur.
N’attends pas follement qu’il sorte une boisson saine de la coupe dans laquelle le sort a versé du poison.
Tu n’es pas content du monde ; mais au moins ne sois pas dur, si tu ne veux pas être protecteur.
Le ciel qui tourne agit de manière à ne te montrer jamais sa face.
Un sage a observé lit-dessus qu’il n’y a aucun amour plus grand que celui du sang ; quand donc tu as obtenu un fils digne de toi, arrache de ton cœur l’amour des femmes ; car leur langue ne dit pas ce que sent leur cœur et tu trouves le pied quand tu cherches la tête.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021