À l’aube du jour Guersiwez se présenta à la cour, revêtu d’un casque et d’une ceinture, comme c’est la coutume.
Il s’approcha de Siawusch, baisa la terre
Et bénit le roi.
Siawusch .lui demanda comment il avait passé la nuit au milieu de l’armée, des fêtes et du bruit.
Ensuite, il lui dit :
Nous avons délibéré sur ta proposition et sur tes paroles et nous voulons tous deux sincèrement bannir toute haine de notre cœur.
Rends à Afrasiab notre réponse et dis. lui :
Écarte de ton cœur tout désir de vengeance ; car quand on voit les suites du mal, on s’abstient de le faire.
Un cœur soumis à l’intelligence est semblable a un trésor rempli de choses précieuses ; et s’il n’y a sous le miel de tes paroles aucun poison caché, si ton cœur est libre de tout sentiment nible et haineux, si tu veux sérieusement faire un traité, il faut que tu m’envoies pour otages cent hommes liés à toi par le sang, des braves que Rustem connaît et dont il te lira les noms, pour qu’ils me soient garants de tes promesses.
Ensuite, il faut que tu évacues toutes les parties de l’Iran qui se trouvent en ton pouvoir, que tu retournes dans le Touran et que tu renonces pour longtemps à la guerre et aux combats.
Il faut qu’il n’y ait dans le monde que du bonheur et que nous n’armions pas un seul homme.
J’enverrai de mon côté une lettre au roi pour qu’il accepte la paix et rappelle son armée :
Guersiwez expédia sur-le-champ un cavalier rapide comme le vent et lui dit :
Ne laisse pas surprendre ta tête par le sommeil, va en toute hâte auprès d’Afrasiab ; dis-lui que nous avons fait diligence et que nous avons obtenu tout ce qu’il désirait, mais que Siawusch lui demande des otages si l’on veut qu’il renonce à la guerre. »
Le cavalier arriva auprès d’Afrasiab et s’acquitte du message de Siawusch et du glorieux Guersiwez.
Quand le roi eut entendu les paroles de l’envoyé, il se tordit longtemps et ne sut à quoi se résoudre.
Il se dit :
Si ma cour vient à perdre ces cent hommes qui sont tous mes parents, il y aura une grande lacune au jour de la bataille et il ne me restera aucun ami dans mon pays.
Mais si je dis à Siawusch : Ne me demande pas d’otages, il tiendra pour mensongères toutes mes paroles.
Il faut donc que je lui en envoie, puisqu’il ne veut pas faire la paix sans garantie.
J’espère qu’alors ces malheurs ne m’atteinriront pas et il vaut mieux agir comme un homme prudent que comme un insensé. »
Il désigna alors, suivant la liste de Rustem, près de cent de ses parents et les envoya auprès du roi de l’Iran, en leur donnant des robes d’honneur et beaucoup de présents.
Il fit sonner les trompettes et battre les timbales et leva son camp ; il évacua Bokhara, le Soghd, Samarkand, Djadj, Sipendjab et tout ce pays, ainsi que son trône d’ivoire et se retira avec son armée à Gang, sans chercher un prétexte pour rester et sans tarder.
Lorsque Rustem eut connaissance de son départ,
Il bannit ses soupçons ; il courut auprès de Siawusch rapidement comme la poussière qui vole et lui raconta tout ce qu’il avait entendu.
Il lui dit :
Maintenant que tout est accompli, il conviendrait de laisser partir Guersiwez. »
Siawusch fit préparer un présent et l’on choisit une armure, un casque, une ceinture, un cheval arabe au frein d’or et une épée indienne à fourreau d’or.
Quand Guersiwez vit ce présent du roi, tu aurais dit qu’il voyait la lune sur la terre.
Il partit en prononçant des bénédictions ; tu aurais dit qu’il enroulait la terre sous ses pas.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021