Keï Kaous

Keï Khosrou passe le Djihoun

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Guiv dit au roi :

Si tu es Keï Khosrou, tu peux affronter cette eau sans péril.

Feridoun, qui passa le fleuve Arwend, s’empara du trône du pouvoir et tous les hommes lui obéirent, car il avait la majesté d’un roi et la grâce de Dieu reposait sur lui.

Comment peux-tu hésiter, si tu es le roi de l’Iran, si tu es l’asile des braves et des lions ?

Pourquoi l’eau le serait-elle hostile, à toi qui possèdes la ma-jesté, la puissance et la pompe du trône ?

Si nous étions noyés moi et ta mère, il ne faudrait pas trop t’en affliger.

Ta mère t’a mis au monde parce que le monde avait besoin de toi, car le trône du roi des rois était abaissé ; et moi je ne fus mis au monde par ma mère que pour toi.

N’hésite donc pas, car je ne doute pas qu’Afrasiab ne s’approche en toute hâte du bord du fleuve ; et s’il nousy trouve, il me suspendra vivant à un gibet en me couvrant d’opprobre et toi et Ferenguis il vous jettera dans le fleuve pour que les poissons vous dévorent, ou il vous fera fouler aux pieds des chevaux. »

Keï Khosrou lui répondit :

Cela suffit.

Je mets

A mon espoir en Dieu le secourable. »

Il descendit de son cheval rapide et se jeta le visage contre terre en gémissant et en disant :

Tu es mon soutien et mon asile, tu m’as guidé vers la justice, ce que j’éprouve de bonheur et de malheur vient de ta grâce, l’esprit et l’intelligence sont l’ombre de tes ailes. »

Il dit et remonta sur son cheval noir, le visage resplendissant comme l’étoile du matin.

Il poussa son cheval noir dans la rivière, la traversa comme une barque et atteignit le péage de la rive opposée.

Ferenguis et le vaillant Guiv le suivirent, car le lion ne craint pas le Djihoun et ses eaux et tous les trois arrivèrent sains et saufs à l’autre rive.

Khosrou, qui ambitionnait la possession du monde, se lava la tête et le corps et se mita prier, agenouillé dans les roseaux et à rendre grâces à Dieu.

Le batelier fut confondu en les voyant sortir du fleuve tous les trois.

Il dit à ses compagnons :

C’est une chose étonnante et l’on ne peut concevoir rien de plus hardi.

Ils ont trois chevaux, trois cuirasses et trois caparaçons, le Djihoun et ses eaux rapides sont enflés par les pluies du printemps et ils ont passé néanmoins ce fleuve profond ; un homme de sens ne peut. pas les prendre pour des hommes»

Il avait honte des paroles grossières dont il s’était servi et il vit qu’il avait manqué son but.

Il remplit alors sa barque de tout ce qu’il avait de précieux et le vent du ciel gonfla sa voile.

Il se présenta devant

le roi aussitôt qu’il eut touché la rive et lui demanda pardon en déposant à ses pieds des présents, un arc, un lacet et un casque ; mais Guiv s’écria :

Ô chien stupide !

Pourquoi nous as-tu dit que cette eau emportait les hommes ?

Quand le roi, qui possède assez de joyaux, t’a demandé ta barque, tu la lui as -refusée et maintenant il refuse tes présents.

Le jour de la vengeance viendra et alors tes jeun seront donnés au vent. »

’ Le batelier revint si épouvanté, qu’il désespérait de sa vie.

Au moment où il toucha le péage, l’armée des Touraniens y arriva et Afrasiab, en s’arrêtant au bord du fleuve, ne vit sur l’eau ni barque ni homme.

Il demanda au fermier, en poussant des cris de rage, comment ce Div avait passé l’eau.

Celui-ci répondit :

Ô roi, je suis fermier de ce péage et mon père l’a été avant moi, mais je n’ai jamais vu ni entendu dire que quelqu’un se soit fait une route de l’eau du Djihoun.

Dans ce moment il est enflé par les pluies du printemps et jette de fortes vagues et si tu y entres, tu ne pourras plus lui échapper.

Malgré cela, ces trois cavaliers l’ont passé : tu au-

rais dit que l’air les portait dans ses bras, ou qu’ils étaient les fils de l’orage et envoyés par Dieu auprès des hommes. »

Afrasiab l’écouta ; sa joue pâlit et dans son angoisse il soupira, ensuite il lui dit :

Hâte-toi de mettre ta barque à l’eau pour voir ou je pourrai trouver ces fugitifs ; regarde s’ils sont Il ? !

Partis ou s’ils se sont arrêtés pour dormir.

Ne perds pas de temps, amène ta barque et pars, afin que nous puissions les atteindre. »

Houman lui dit :

Ô roi, réfléchis et n’embrasse pas une flamme qui te dévorerait.

Veux-tu passer dans l’Iran avec ces cavaliers ?

Veux-tu te jeter dans la gueule et entre les griffes de lions comme Gou-’ derz et Rustem au corps d’éléphant, comme Thous et Gourguin le vainqueur des armées ?

Es-tu las de ton trône, pour venir ici te mettre sous les griffes du lion ?

Du bord de ce fleuve jusqu’à la Chine et au Madjin tout est à toi ; le soleil et la lune, Saturne et les Pléiades, te sont soumis.

Occupe-toi du Touran et de ton puissant trône ; tu n’as rien à craindre de l’Iran. »

Les Touraniens s’en retournè- rent tristes et le cœur gonflé de sang et un long temps se passa ainsi.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021