Keï Kaous

Kaous répond à la lettre de Siawusch

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Le roi fit caparaçonner un dromadaire et ordonna qu’on le tînt prêt à partir ; ensuite il appela son scribe, il lui assigna un siège devant son trône, et, plein de colère et de rage, la bouche remplie de paroles amères, les joues rouges comme la couleur du vin, il lui fit écrire une lettre.

Il la commença par les louanges du Créateur, maître de la paix et de la guerre, maître de Mars, de Saturne et de la lune, maître du bonheur et du malheur, de la gloire et du troue, à qui obéit le ciel qui tourne, lui qui répand de tous côtés la lumière du soleil.

Puissent, ô mon fils, la santé et la fortune, la couronne et le trône le rester à jamais, quand même ton cœur oublierait mes conseils, quand même ta tête serait troublée par le vertige de la jeunesse !

Tu as ouï raconter ce que l’ennemi a fait dans l’Iran, quand il a été victorieux au jour du combat : ne recherche donc pas follement son amitié, ne contribue pas à la gloire de sa cour ; ne livre pas étourdiment ta tête aux ruses des méchants, si tu ne veux pas que le ciel qui tourne te jette dans l’affliction.

Envoie à me cour les otages que tu tiens.

Personne n’a jamais vu d’alliance entre la main et le pied et si Afrasiab te trompe, il ne faut pas t’en étonner.

Je le juge d’après ce qui m’est arrivé avec lui ; car maintes fois il m’a détourné du combat par ses paroles mensongères.

Je n’ai jamais prononcé le mot de paix et tu n’as pas suivi mes ordres.

Tu as mené joyeuse vie avec de belles esclaves et tu as reculé devant le combat ; et Rustem n’est jamais rassasié de trésors amassés ni de présents.

L’espoir de me succéder sur ce vil trône impérial t’a fait perdre l’amour des combats.

Mais c’est avec l’épée qu’il faut ouvrir la porte des richesses et c’est par la conquête des provinces qu’un roi devient glorieux.

Quand le Sipehbed Thous sera arrivé auprès de toi, il réglera convenablement tout ce qui te regarde et tu placeras alors sur des ânes les otages que tu tiens lourdement enchaînés.

L’intention secrète des sphères puissantes est de mettre, par cette paix, ta vie en péril ; la nouvelle de ce malheur arrivera dans l’Iran et nos jours de bonheur en seront ternis.

Pars donc, prépare-toi à la vengeance et à l’invasion et ne fais pas de longs discours là-dessus.

Quand tu seras prêt pour la lutte et les surprises de nuit, quand tu auras soulevé une poussière noire grande comme le Djihoun, alors Afrasiab ne laissera pas aller sa tête au sommeil et il viendra te combattre.

Mais si tu portes affection à cet Ahriman, si tu ne veux pas qu’on t’appelle violateur de traités, cède le com- : mandement de l’armée à l’illustre Thous et reviens ici, car alors tu n’es pas un homme fait pour les luttes, la gloire et la guerre. »

On apposa le sceau du roi sur la lettre et le dromadaire prenant sa course déchira la route.

Lorsque Siawusch reçut la lettre et qu’il vit ces mauvaises paroles, il manda le messager, le questionna, s’enquit de ce qui s’était passé et en tira toute la vérité.

Le messager lui raconta ce que Kaous avait dit à Rustem et comment celui-ci s’était mis en colère contre le roi et contre Thous.

Siawusch écouta ce récit et fut mécontent de Rustem et de ce qu’il avait fait.

Son cœur s’inquiéla des actions de son père, du son des otages turcs et de l’issue de la guerre ; il se dit :

Voilà cent braves cavaliers. parents d’un roi si illustre, tous hommes de bien, tous innocents : si je les envoie auprès du roi de l’Iran, il ne leur adressera aucune question et sans hésiter un instant, les fera sur-le-champ attacher vivants au gibet.

Comment oserais-je en demander pardon à Dieu ?

Hélas !

Les actions de mon père attirent du malheur sur ma tête.

Si je fais la guerre au roi du Touran follement et sans qu’il ait commis de faute,

Dieu le maître du monde ne m’approuvera pas et le peuple élèvera sa voix contre moi ; et si je recteurne à la cour du roi, laissant à Thous le commandement de l’armée, il m’en arrivera également du mal.

Je ne vois que perdition à droite et à gauche et perdition devant moi.

Soudabeh ne sera aussi pour moi qu’une source de malheur et je ne sais quels destins Dieu me réserve. »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021