Keï Kaous

Afrasiab a un rêve et en est effrayé

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On couvrit toute la plaine de pavillons et tout le Soghd fut paré selon la manière des Chinois.

Les grands passèrent gaiement la journée et quand le soleil qui éclaire le monde eut disparu et que le besoin de repos et de sommeil se fit sentir, Afrasiab se jeta sur sa couche.

Lorsqu’une partie de la nuit sombre fut passée, on entendit dans l’appartement d’Afrasiab un bruit comme de quelqu’un qui parle dans la fièvre et ce lieu de repos et de sommeil en fut ébranlé.

Les serviteurs sautèrent vite sur leurs pieds et se mirent à crier et à se lamenter.

On avertit Guersiwez que le trône du roi des rois s’était obscurci ; il accourut au palais du roi et le vit par terre, dormant au milieu de la chambre.

Il le pressa contre son sein et lui dit :

Raconte à ton frère ce qui t’est arrivé. »

Le roi lui répondit :

Ne me fais pas de questions, ne m’adresse maintenant aucune parole ; et pour que je reprenne mes sens, presse-moi contre toi et tiens-moi ferme un moment. »

Quelques instants s’étant ainsi passés, le roi revint à lui et vit le monde rempli de lamentations et de cris.

On apporta des flambeaux et Afrasiab s’assit sur le trône, tremblant comme une branche d’arbre.

Guersiwez avide de gloire lui demanda d’ouvrir ses lèvres ét de raconter cette aventure étonnante.

Le glorieux Afrasiab répondit :

Jamais personne n’aura un rêve pareil, jamais jeunes ou vieux ne m’ont raconté une chose pareille à ce que j’ai vu dans cette nuit sombre.

J’ai vu en rêve une plaine remplie de serpents, la terre couverte de poussière, le ciel plein d’aigles.

La terre était une masse sèche ; tu aurais dit que le ciel, depuis que le monde existe, ne lui avait jamais montré sa face.

Ma tente était dressée vers les contins de la plaine et entourée d’une armée de braves ; un grand vent se leva, qui fit voler la poussière et qui jeta par terre mon étendard ; de tous côtés coulèrent des ruisseaux de sang qui renversaient mes tentes et leur enceinte ; je vis un nombre incalculable de mes braves dont les têtes étaient coupées et les corps jetés vilement par terre ; je vis une armée d’Iraniens qui se précipita comme un ouragan, les uns retenant en main des lances, les autres des flèches et des arcs.

Chacune de leurs lances portait une tête et chaque cavalier en portait une autre dans ses bras.

Cent mille Iraniens armés de lances et vêtus de noir se jetèrent sur mon trône, ils m’arrachèrent de mon siège, ils m’enlevèrent, les mains liées.

Je voyais autour de moi beaucoup d’hommes, mais aucun de mes serviteurs n’était auprès de moi.

Un Pehlewan renommé et plein de fierté me mena en courant devant Kaous ; je vis un trône semblable à la lune brillante, sur lequel se tenait le roi Kaous et auprès de lui était assis un jeune homme dont les joues ressemblaient à la lune.

Il n’avait pas plus de deux fois sept ans et quand il me vit enchaîné devant lui, il s’élança comme un lion furieux pour me couper en deux avec son épée.

Je poussais dans ma peur de longs cris et les cris et la peur m’ont réveillé. »

Guersiwez lui dit :

Ce rêve du roi ne présage que tout ce que ses amis désirent, il lui présage l’accomplissement de ses vœux, la commotion de sa couronne et de son trône, la destruction de la fortune de ses ennemis.

Il nous faut quelqu’un qui sache interpréter les rêves et qui se soit beaucoup occupé de cet art.

Nous appellerons les sages et les astrologues choisis parmi les Mobeds à l’esprit prudent. »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021