Lorsque l’armée connut la maladie du roi, le monde devint noir devant les yeux des grands ; ils se dirigèrent vers le trône du pouvoir et le monde se remplit de bruits.
Iskender eut nouvelle de cette émotion de l’armée et il sentit que ses jours tiraient
Vers leur lin.
Il fit porter dehors son trône ; il le fit porter du palais des rois dans la plaine et l’armée fut atlligée de la maladie du roi, car ils virent que ses joues n’avaient plus de couleurs.
Toute la plaine fut remplie de leurs cris ; ils bouillonnaient comme sur un feu ardent et chacun s’écria :
Notre fortune est passée, car le roi disparaît du milieu des Roumis.
La rotation du ciel amène le jour néfaste qui fera dorénavant un désert du pays de Roum.
Nos ennemis ont obtenu l’objet de leurs vœux ; ils ont atteint le but vers lequel ils se bâtaient et c’est à ce nous que le monde va devenir amer et nous pousserons des cris de douleur ouvertement et en secret. »
Le Kaïsar dit d’une voix faible :
Aussi longtemps que vous vivrez, ayez la prudence et la pudeur de ne pas vous écarter un seul instant de mes dernières volontés, si vous voulez jouir de vos âmes et de vos corps.
Vous avez des devoirs à remplir quand je ne serai plus et votre fortune ne disparaîtra pas avec moi. »
Il dit et son âme quitta son corps :
roi, qui avait défait tant d’armées, n’était plus.
Des cris unanimes partirent de l’armée et elle déchira l’air avec le bruit des timbales.
Tous versèrent de la poussière sur leurs têtes et le sang de leur cœur s’égouttait à travers les cils de leurs yeux ; ils mirent le feu au palais qu’il avait habité et coupèrent la queue à mille chevaux ; ils placèrent les selles le haut en bas sur les chevaux ; on aurait dit que la terre elle-même poussait des cris ; ils portèrent le cercueil d’or dans la plaine et leurs lamentations percèrent le ciel ; un évêque lava le corps avec du musc et de l’eau de rose, répandit du camphre pur sur lui et lui fit un linceul de brocart tissé d’or et tout le peuple pleurait le roi ; on plongea le corps du roi illustre, cnveloppé de brocart de Chine, de la tête aux pieds dans le miel ; puis on assujettitlle couvercle du cercueil étroit et ce noble arbre, qui avait répandu au loin son ombre, disparut.
Tu ne resteras pas dans cette demeure passagère ; pourquoi doue étends-tu la main vers le trône, pourquoi Le vantes-tu de tes trésors ?
Lorsqu’on emporta le cercueil de la plaine et qu’on le fit paSSer de main en main, on entendit deux bruits de voix, l’un en roumi, l’autre en perse et des (liscours infinis sur ce cercueil.
Tous les Perses dirent :
ll ne faut l’enterrer nulle autre part qu’ici ; puisque la terre des rois est ici, pourquoi faire le tour du monde avec ce cercueil ? »
Un des chefs des Houmis répondit :
Je ne veux pas qu’il soit enterré ici.
Si vous trouvez juste ce que je dis, Iskender dont ï.- tourner à la terre dont il est sorti. »
Un Perse reprit la parole ainsi :
Tout ce que tu peux dire ne signifie rien.
Je vous montrerai une prairie qui date du temps de nos anciens rois et que les vieillards qui ont de l’expérience appellent Khurm.
On y trouve un bois et un réservoir d’eau et quand on y
prononce une question, il vient de la montagne une réponse dans une voix que toute la foule peut entendre.
Amenez-y un vieillard et portez-y le cercueil : le vieillard adressera la question et l’on vous répondra de la montagne et vous donnera un conseil qui portera bonheur. »
Lls partirent, en courant comme des argalis, pour cette prairie qui portait le nom de Khurm, firent leur question et reçurent cette réponse :
Pourquoi gardez-vous si longtemps un cercueil royal ?
La terre d’Iskender est à Iskenderieh, qu’il a fondée quand il était en vie. »
L’armée entendit cette voix et partit emportant en toute hâte de ce bois le cercueil du roi.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021