Il écrivit au roi une lettre pleine d’orgueil ; il y parla de toutes choses, grandes et petites, de Parmoudeh et de l’armée de Saweh, de la bataille qu’il avait livrée avec ses troupes et de ce présent d’une coill’e de femme et de la boîte noire à fuseaux qu’il avait reçu du roi, puis il disait :
Jamais, même en rêve, tu ne me verras porter sous le bras du linge sortant de l’eau ; mais aussi longtemps que Khosrou, ton noble fils, le favori de la fortune, sera assis sur le trône, je convertirai, à son ordre, les montagnes en plaines et les plaines en torrents du sang de ses ennemis.
Quoique jeune encore, il est digne du trône, il sera loyal et non pas traître comme toi.
Je le reconnais pour le roi des rois et dorénavant je ne suis serviteur que de lui. »
Il voulait essayer de faire mettre à mort par le roi cet enfant innocent;car Bahram craignait avant tout Parviz, qui était attaché au roi de tout son cœur ; c’est pourquoi il disait tout cela dans la lettre.
Le messager partit pour Thisifoun et Bahram dit au inarchnnd :
Quand Hormuzd verra l’empreinte de ce coin sur les dirhems, il se tordra de douleur et quand Khosrou ne sera plus son ami ni son soutien, je lui préparerai un sort terrible.
Quand j’aurai répandu mes grâces sur le monde, j’arracherai jusqu’aux racines la race de Sasan.
Ce n’est pas pour elle que Dieu a créé le monde et le temps est venu où ses bénédictions cesseront. »
Le messager, dont les traces étaient heureuses, partit pour Bagbdad avec des notables de Haï et lorsque Hormuzd reçut la lettre, son visage devint pâle comme la fleur du fenugrec.
Ensuite, il apprit la nouvelle de l’empreinte des dirhems, ce qui ajouta un nouveau chagrin à l’ancien.
Il en trembla et conçut sur son fils des soupçons qu’il communiqua à l’instant à Ayîn Guschasp, disant :
Khosrou est devenu vaillant à ce point qu’il veut se rendre ine dépendant de moi.
Il a fait faire un coin pour frapper des dirhems ; on ne peut pas se conduire plus légèrement et aller plus loin. »
Ayïn Guschasp répondit :
Puissent le Me’îdan et ton cheval ne jamais être sans toi !
Parviz est ton fils ; mais pour ceci il mérite que tu le charges de fers. »
Hormuzd dit :
Je vais sans tarder faire disparaître du monde ce misérable. »
L’ambitieux courtisan ditau roi illustre :
Puisse personne ne voir prospérer ton fils quand tu n’y seras plus ! »
Ils appelèrent en secret un homme et le firent asseoir dans la nuit sombre devant le roi.
Hormuzd lui dit :
Obéis-moi, délivre la face de la terre de Khosrou. »
Cet homme répondit :
Je vais le faire ; je me débarrasserai par des incantations de toute tendresse pour lui.
Il faudrait maintenant que le roi fit venir de son trésor du poison et une nuit, quand Parviz sera ivre, je mettrai dans sa coupe du poison avec le vin ; cela vaut mieux que si tu trempais ta main dans son sang. »
Khosrou ne se doutait pas du danger qui le me. naçait ; il se tenait noblement dans son palais, ne s’occupait que de chants, de fêtes et de vin, passait deux jours de la semaine à la chasse, adorait les idoles qui charmaient son cœur et le vin agréable à boire et ne savait rien de ce qui se préparait.
Mais comme Dieu voulait que Khosrou élevât pendant bien des années son diadème au-dessus de la lune, son chambellan reçut avis de cette machination et en perdit l’appétit et le sommeil.
Il accourut auprès de ’ Khosrou et dit tout, dévoila tous les secrets.
Lorsque Khosrou eut compris que le roi du monde méditait de le faire tuer en secret, il partit au milieu de la nuit de Thisifoun (Ctésiphon) ; on aurait dit qu’il avait disparu du monde.
Il ne voulait pas livrer inutilement sa tête précieuse et il courut jhsqu’à Ader Abadghan.
Quand les grands qui étaient gardiens des frontières et à la tête des provinces apprirent que Khosrou avait à se plaindre du roi et était parti avec quelques cavaliers, ces hommes qui portaient haut la tête prirent des informations dans un lieu où l’on avait des nouvelles de ce jeune homme chéri de tous, juste comme Kesra, fort comme un éléphant et gé- [
5 néreux comme la mer et comme les flots du Nil.
Sam fils d’lsl’endiar vint de Schiraz ; Pirouz, le vaillant cavalier, accourut du Kirman ; les troupes et leurs chefs se dirigèrent de partout du côté de Khosrou, cherchant le prince.
Tous lui dirent :
Ô fils du roi !
C’est toi qui es digne de ce trône, de cette couronne, de ce diadème.
Il se réunira à toi autant d’hommes que tu voudras qui frappent de l’épée, autant de vaillants chefs de l’Iran et du désert des cavaliers armés de lances et ta gloire sera le guide de l’armée.
Ne crains pas le malheur, vis heureux, joyeux et respecté.
Tantôt nous lancerons nos chevaux à la chasse, tantôt nous nous présenterons en tremblant devant Aderguschasp, glorifiant Dieu comme les saints, priant comme les adorateurs du feu.
Et si dans l’Iran trois cent mille hommes montaient à cheval pour l’attaquer, nous nous laisserions tous tuer pour toi et nous célébrerions la mémoire de ceux qui tomberaient. »
Khosrou leur répondit :
Je suis rempli de crainte du roi et de sa cour, mais si les chefs veulent se présenter devant Aderguschasp et prêter un serment solennel, par lequel ils garantissent tous ensemble ma sécurité et promettant qu’ils me garderont dorénavant leur fidélité, je resterai avec confiance dans ce pays et ne craindrai plus le mal que a pourrait me faire Ahriman. »
Lorsque les héros eurent entendu ces paroles, ils allèrent. tous à Ader (gouachmp), prêtèrent les serments qu’il voulut et déclarèrent qu’ils le chérissaient comme leurs propres yeux.
Se voyant sûr des grands, il envoya en secret de tous côtés des agents pour apprendre ce que disait son père de sa fuite et s’il méditait un nouveau plan.
Quand Hormuzd apprit le départ de Khosrou, il envoya en toute hâte quelqu’un qui devait charger de chaînes Gustehem et Bendoui et jeter en prison ces malheureux ; qui étaient tous les deux des oncles maternels de Khosrou et des hommes Uniques dans le monde pour leur bravoure.
On traîna de même en prison tous les alliés de Khosrou, malgré les clameurs que cela excitait.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021