Le roi de la terre, ayant terminé son discours, fit appeler Siyah-Pil et lui confia les deux guerriers chinois, en disant:
Emmène-les et conduis-les hors de l’Iran et au delà de nos frontières.
Les envoyés du Sipehdar de la Chine quittèrent le maître du monde, roi de la terre, humiliés, renvoyés et traités avec mépris par Guschtasp.
Ils se rendirent de la ville fortunée de Balkh à Khallakh, mais ils n’y furent pas fortunés.
Lorsqu’ils aperçurent de loin le palais du roi, sur lequel était planté le drapeau noir, ils descendirent de leurs montures bondissantes, le cœur brisé, les yeux aveuglés par les lames.
Ils allèrent ainsi à pied jusqu’auprès de lui, vêtus de noir et le visage pâle; ils lui remirent la lettre du roi que Zerir, le cavalier, avait écrite en réponse à Ardjasp.
Il fit convoquer ses scribes et les hommes jeunes et vieux du Touran, et ordonna aux scribes de lui lire d’abord toute la lettre du commencement à la fin.
Un scribe ouvrit la lettre et la lut à ce roi de race turque.
Voici ce qui se trouvait dans cette lettre du roi, du soutien de l’Iran, du vaillant cavalier, de Guschtasp fils de Lohrasp, du maître du monde, digne du trône:
Dieu a envoyé auprès de moi un prophète, devant lequel tous les grands se tiennent debout comme des esclaves, et qui te fait dire:
Ô homme vil et audacieux, dont le visage ressemble à celui des lions et des loups, tu t’es soustrait au vrai culte et à la religion sainte, et ton cœur s’est rempli de perversité et d’erreurs.
La lettre méprisable que tu as adressée au roi est arrivée, et nous avons entendu des paroles qui n’auraient pas dû venir de toi, des paroles que personne n’aurait dû ni écrire, ni montrer, ni lire, ni entendre.
Tu as dit que dans quelques mois tu conduiras une armée contre ce beau pays; mais il ne se passera ni beaucoup de mois ni beaucoup de jours avant que nous amenions nos lions de combat.
Dispense-toi de te donner beaucoup de peine, car nous-mêmes avons ouvert les portes du trésor, nous amènerons des milliers de milliers de braves, tous des hommes comme des lions, qui frappent avec leurs lances, tous de la race d’Iredj, tous des Perses, et non pas de la race d’Afrasiab, non pas des Turcs, tous au visage de lune, tous à figure de roi, tous des cyprès élancés, tous disant la vérité, tous dignes de la royauté et du trône, tous dignes de trésors, de couronnes et de commandements, tous tenant des lances et vainqueurs de lions, tous des ornements des armées et destructeurs des armées, tous ayant accepté la foi, tous hommes de sens, tous dignes de bracelets et de boucles d’oreilles, tous la lance au poing et montés sur des destriers, tous portant mon nom gravé surs leurs anneaux.
Quand ils sauront que j’ai placé les timbales sur mon éléphant, ils aplaniront les montagnes avec les sabots de leurs chevaux;
quand ils mettront leurs cuirasses au jour de la bataille, ils feront voler la poussière au delà de la voûte sublime du ciel;
assis sur leurs chevaux comme des rochers, ils briseront les rochers avec leurs épées.
Deux hommes choisis parmi eux, deux vaillants cavaliers, le Sipehdar Zerir et Isfendiar, quand ils revêtent leurs cottes de mailles de fer, n’hésitent pas à attaquer le ciel;
quand ils lèvent au-dessus de l’épaule leurs lourdes massues, il en jaillit de la gloire et de la puissance.
Lorsqu’ils viendront à la tête de l’armée, il faudra bien que tu fasses attention à eux;
ils ressemblent au soleil avec leurs couronnes et sur leur trône, et leur visage resplendit de majesté et de bonheur; ce sont des héros et des chefs choisis, des hommes loués par tous, agréables à tous et des Mobeds.
Ne comble pas le Djihoun de musc, car j’ouvrirai moi-même les portes de ton trésor avare, et, s’il plait à Dieu, je te combattrai au jour de la bataille et je jetterai ta tête sous mes pieds.
Le roi des Turcs, ayant lu cette lettre, descendit de son trône et resta un instant confondu, puis il ordonna à son Sipehbed d’appeler dès le lendemain de grand matin ses troupes de toutes les parties du royaume.
Les braves de l’armée, les champions choisis de la Chine se répandirent tous dans le pays de Touran, et réunirent ses armées et les chefs des frontières de son empire.
Il avait pour frères deux Ahrimans, dont l’un se nommait Kehrem, l’autre Endirman; on leur donna des timbales, des éléphants et des drapeaux rouges, jaunes et violets, et Ardjasp leur confia trois cent mille hommes choisis, tous des cavaliers vaillants.
Il ouvrit la porte de son trésor et distribua la solde;
il fit sonner les trompettes d’airain et préparer les bagages, ensuite il appela son frère Kehrem et lui donna le commandement d’une aile de l’armée;
il mit l’autre aile sous les ordres d’Endirman, et lui-même prit le centre.
Il y avait un Turc du nom de Gurgsar, un homme déjà vieux: on, aurait dit qu’il ne connaissait que le mal; Ardjasp lui donna le commandement en chef;
ensuite il remit à son frère Bidirefsch un drapeau avec une figure de loup.
Un autre Turc, appelé Khaschasch le vaillant, qu’un lion n’eût pas osé attaquer, fut nommé chef des éclaireurs et de l’avant-garde; il reçut d’Ardjasp un drapeau; c’était lui qui devait parler au nom du roi.
Ensuite le chef des Turcs envoya à un des siens, nommé Houschdiv, un message et lui fit dire:
Garde les derrières de l’armée, et si quelqu’un des nôtres s’en retourne, tue-le aussitôt que tu le rencontreras, et acquitte-toi de cette mission avec intelligence.
C’est ainsi qu’Ardjasp partit dans une colère terrible, le cœur gonflé de sang, les yeux pleins de larmes, dévastant tout, brûlant les maisons, détruisant les arbres, branches et racines.
C’est ainsi que le chef des mécréants conduisit son armée dans le pays d’Iran, le cœur rempli de haine.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021