Isfendiar appela son scribe, et lui parla longuement des ruses qu’il avait employées et des combats qu’il avait livrés;
Le noble scribe s’assit sur un trône et demanda à un esclave un roseau et une pièce de soie chinoise;
Aussitôt que la pointe du roseau fut noircie, il commença par:
Les louanges du Maître de la lune, maître de Saturne, de l’étoile du matin et du soleil, du maître de l’éléphant et de la fourmi, du maître de la victoire et de la gloire, du maître du diadème royal, du maître de l’âme, du maître de l’intelligence, du bienfaiteur, du guide.
Puisse-t-il exaucer toujours les vœux de Guschtasp, puisse la terre briller dans la gloire de Lohrasp!
Je suis arrivé dans le pays de Touran par une route que je ne bénirai jamais;
Si je voulais décrire tout ce que j’ai souffert, la tête d’un jeune homme blanchirait de douleur.
Si le roi le permet, je lui raconterai mes stratagèmes et mes combats; je serai content et heureux de le revoir, et j’oublierai mes longues fatigues.
Les moyens que j’ai employés pour rassasier mon cœur de vengeance ont été tels qu’Ardjasp et Kehrem ont péri dans le château d’airain, et qu’il n’y est resté que des lamentations, des douleurs et la mort.
Je n’ai fait grâce de la vie à personne, et les herbes mêmes ont couché leurs têtes sur les plaines.
Les lions et les loups ont dévoré toutes les cervelles, et les léopards féroces n’ont plus voulu que des cœurs.
Puisse le ciel briller du reflet de la couronne de Guschtasp, puisse la terre devenir un jardin de roses par la grâce de Lohrasp!
On posa sur la lettre le sceau d’Isfendiar, et l’on choisit quelques cavaliers que le jeune roi fit partir pour l’Iran sur des dromadaires de course à la bouche écumante.
Il resta pour attendre la réponse et s’occupa à éteindre le feu de la rage de ses ennemis.
Il ne se passa pas longtemps avant qu’une réponse arrivât, une lettre qui contenait la clef des doutes qui l'enchaînaient.
Cette réponse commençait ainsi:
Puisse celui qui recherche le bien vivre à jamais!
L’homme de sens qui connaît Dieu apprend à l’adorer par le bien qu’il reçoit de lui.
Ensuite je demande à Dieu l’unique, le dispensateur de la justice, qu’il soit ton guide.
J’ai planté un arbre dans le jardin du paradis, plus glorieux qu’aucun de ceux que Feridoun a plantés; ses fruits sont devenus des rubis et de l’or, ses feuilles ont poussé majestueusement et selon mon désir.
Puisse cet arbre vivre toujours, puisse ton cœur être joyeux et ta fortune prospère!
Je vais parler d’abord sur ce que tu dis de la vengeance de ton grand-père, que tu as poursuivie par tous les moyens et avec acharnement, ensuite du sang que tu as versé et des combats que tu as livrés de ta personne.
Il faut que les rois respectent leur corps, et ce n’est pas par les luttes et les combats qu’ils acquièrent leur gloire;
Aie donc soin de ton âme et cultive ton intelligence, car c’est elle qui nourrit l’âme par la sagesse.
Ensuite tu dis que tu n’as fait grâce de la vie à personne parmi tant de cavaliers.
Mais ton cœur devrait être toujours clément et généreux, ton âme remplie de modestie et ta bouche pleine de paroles douces.
Ton occupation ne doit pas être de verser du sang ni de te battre étourdiment avec les grands.
Tu avais à venger trente-huit de tes frères, mais tu as versé du sang au delà de toute mesure.
Enfin ce vieillard, ton grand-père, avait éloigné de son cœur tout mauvais sentiment et toute haine, mais tu as versé du sang comme on avait versé le sien, tu t’es jeté dans la bataille comme un lion vaillant.
Puisses-tu rester toujours content et heureux, puisse l’intelligence te diriger toujours!
J’ai besoin de te revoir, toi dont l’âme constamment éveillée est pleine de vertus.
Quand tu auras lu cette lettre, fais monter à cheval ton armée et viens à ma cour avec tes grands.
Les dromadaires rapides repartirent, tout l’Iran se remplit de bruit, et quand les messagers furent de retour ils descendirent à la porte du héros.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021