Le lendemain matin, à l’heure où chante le coq, on entendit les timbales sous la porte du palais;
Isfendiar, fort comme un éléphant, monta à cheval et emmena son armée rapidement comme le vent.
Il continua à marcher jusqu’à ce qu’il trouvât devant lui deux routes; les éléphants et l’armée s’y arrêtèrent: une des routes conduisait à Gunbedan, l’autre à Kaboul.
Le chameau qui ouvrait la marche se coucha; tu aurais dit qu’il ne faisait qu’un avec la terre;
Le chamelier le frappa à la tête avec son bâton, mais la caravane ne put avancer.
Isfendiar dit:
Ceci est de mauvais augure!
Et il ordonna de couper au chameau la tête et les pieds, pour que le malheur retombât sur le chameau et ne ternît pas la splendeur divine qui entoure les rois.
Les hommes de guerre coupèrent la tête de l’animal, sur lequel retombait à l’instant son mauvais augure.
Isfendiar devint soucieux à cause de cette aventure du chameau; mais, ne voulant pas prendre au sérieux le mauvais présage, il dit:
Celui qui est victorieux et dont le trône illumine le monde doit recevoir avec des lèvres souriantes le bien et le mal, qui tous les deux viennent de Dieu.
De là il se rendit sur les bords du Hirmend, encore tremblant et craignant un malheur.
On établit l’enceinte de ses tentes selon la coutume, et les grands de l’armée choisirent la place de leur camp autour d’elle.
Isfendiar fit mettre le rideau et poser son trône, et tous ceux que la fortune favorisait se réunirent devant son trône; il fit apporter du vin et appeler des musiciens. Beschouten s’assit en face de lui, et les chants remplirent de joie le cœur du roi et délivrèrent de tout souci les âmes des nobles.
Les joues des grands et du vaillant roi s’épanouirent comme des roses sous l’influence du vieux vin, et Isfendiar dit à ses compagnons:
Je me suis écarté de la volonté du roi et me suis égaré de sa voie.
Il m’a ordonné de m’occuper de l’affaire de Rustem, de ne pas me relâcher du devoir de l’enchaîner et de l’humilier.
Je ne l’ai pas fait; je n’ai pas suivi la voie de mon père, car cet homme au cœur de lion et toujours prêt au combat épargne beaucoup de peine aux grands et a maintenu le monde en ordre avec sa lourde massue;
Tout le pays d’Iran ne vit que grâce à lui, depuis les rois jusqu’aux esclaves.
Il me faut maintenant un envoyé sachant écrire, prudent, sage et attentif, un cavalier glorieux et gracieux, un homme que Rustem ne puisse tromper.
Si Rustem voulait venir auprès de moi, il rendrait joyeuse mon âme sombre;
S’il voulait me livrer paisiblement sa main enchaînée, il enchaînerait par sa sagesse le mal que je devrais lui faire; car je ne lui veux que du bien, pourvu qu’il écarte tout mauvais vouloir envers moi.
Beschouten lui dit:
Tu es dans le vrai; continue ainsi et a fais-toi le conciliateur des braves.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021