A la fin le sort accabla tellement Guschtasp qu’il fut forcé de fuir.
Les Turcs le poursuivirent pendant deux stations, espérant le prendre; mais une montagne se trouva devant lui, couverte de verdure, et sur laquelle il y avait des sources qui pouvaient faire tourner des moulins.
Cette montagne, dans tout son pourtour, n’offrait qu’un seul chemin, et Guschtasp le connaissait.
Il monta dans la montagne, le cœur brisé, accompagné de ses troupes, et laissa une partie de ses héros campés sur ce chemin.
Lorsque Ardjasp arriva dans ces lieux avec son armée, il fit le tour de la montagne sans trouver un accès, et occupa alors tout le pays d’alentour, cherchant un moyen de réussite. Guschtasp, le roi au noble caractère, se voyait sans ressource;
On alluma des feux dans la montagne, et l’on y brûla des épines et des broussailles;
Chacun des grands tua un destrier pour s’en nourrir, et ils se mirent à méditer sur leur position sans issue.
Le roi, plein de grandeur d’âme, se voyant entouré par l’ennemi, prit, de désespoir, sa tête dans ses mains, appela le sage Djamasp, lui parla longuement des astres, et ajouta:
Dis-moi ce que tu sais de la rotation du ciel, hâte-toi de l’interroger: il faut absolument que tu me dises ce qui peut me sauver dans ce malheur.
Djamasp, à ces paroles, se leva et s’écria:
Ô roi plein de justice, si tu veux m’écouter, si tu veux avoir confiance dans la rotation des astres, je te dirai tout ce que je sais, pourvu que tu me regardes comme un homme véridique.
Le roi lui répondit:
Tout ce que tu sais des secrets du ciel, confie-le-moi, et ne me cache ce rien; car, quand même ma tête se heurterait contre les nuages, je ne pourrais échapper à la rotation du ciel.
Djamasp lui dit:
Ô roi, écoute ma parole et prête-moi l’oreille!
Je sais, ô roi, qu’Isfendiar use ses chaînes, plongé dans le malheur.
Si tu veux lui rendre la liberté, tu ne resteras pas enfermé dans ces hautes montagnes.
Guschtasp répliqua :
Ô homme véridique, ce que tu dis est la vérité, ce que tu demandes est le vrai.
J’avais chargé de chaînes, dans mon propre palais, mon fils innocent, sur les paroles d’un ennemi; depuis ce temps je m’en suis repenti, mon cœur était blessé et je cherchais un remède.
Si je vois Isfendiar paraître sur ce champ de bataille, je lui donnerai mon trône et ma couronne.
Mais qui osera se rendre auprès de mon noble fils, qui délivrera de ses liens cet homme innocent?
Djamasp lui répondit:
Ô roi, je vais partir, car c’est une affaire grave.
Le roi, maître du monde, dit à Djamasp:
Puisse la raison être toujours ta compagne!
Pars pendant la nuit sombre pour aller trouver cet ami, que nous avons affligé malgré son innocence;
Porte-lui mes bénédictions, sois bon pour lui, parle-lui bien, sois bon pour lui plus que jamais.
Dis-lui que l’homme qui a fait commettre cette injustice a quitté ce monde, la rage au cœur, et que moi, qui me suis prêté aux intentions de cet insensé, je me suis tordu de douleur après avoir été injuste, et que je suis prêt à faire le bien en expiation du mal.
S’il veut rejeter de son cœur toute pensée de vengeance, il abaissera dans la poussière la tête de nos ennemis;
Sinon, ce royaume et ce trône sont perdus, et cet arbre des Keïanides sera arraché avec ses racines;
S’il vient, je lui donnerai mon trône et mes trésors de tous genres que j’ai accumulés péniblement;
Dieu et Djamasp, qui est mon guide, sont témoins de cette parole.
Djamasp revêtit une armure touranienne, descendit de la montagne sans prendre un guide, et, arrivé dans la plaine, il traversa prudemment l’armée turque pendant la nuit; ensuite il fit courir son cheval rapidement comme le veut, jusqu’à ce qu’il fût arrivé auprès du fils du roi.
Une fois qu’il fut près du château de Gunbedan, il était hors des atteintes du sort et des mains des méchants.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021