Il se donna la forme d’un jeune homme à la parole facile, intelligent et pur de corps.
Il se présenta devant Zohak avec des paroles respectueuses, disant :
Puissé-je être agréable au roi !
Je suis un cuisinier pur et renommé.
Zohak l’écouta, le reçut bien, lui assigna un lieu pour son travail et les clefs de la cuisine du roi lui furent remises par un puissant Destour.
Les aliments étaient alors peu variés, car on ne se nourrissait pas de chair ; de tout ce que porte la terre, on ne mangeait que les végétaux.
Ahriman, aux desseins funestes, se consulta alors et se résolut à tuer des animaux.
Il voulait nourrir Zohak de toute espèce de viandes, tant d’oiseaux que de quadrupèdes et l’y amena par degrés.
Pour lui donner du courage, il le nourrissait de sang comme un lion ; il obéissait à la moindre de ses paroles ; il faisait son cœur esclave des ordres de Zohak.
Il commença par lui préparer du jaune d’œuf, ce qui lui donna une santé vigoureuse en peu de temps ; et le roi fortuné ayant mangé, rendit grâces à Ahriman et fit ses délices de cette nourriture.
Iblis le trompeur lui dit :
Puisse le roi qui porte haut la tête, vivre éternellement !
Je lui préparerai demain un mets qui le nourrira d’une nourriture parfaite.
Il s’en alla et médita toute la nuit quel plat merveilleux il pourrait préparer pour le lendemain.
Le lendemain, lorsque la coupole d’azur amena au monde le rubis rouge, il prépara un mets de perdrix et de faisans argentés et l’apporta le cœur plein d’espoir.
Le roi des Arabes se mit à en manger et abandonna son esprit imprudent à son penchant pour Iblis, qui, le troisième jour, servit sur sa table des oiseaux et de l’agneau mêlés ensemble.
Le quatrième jour, lorsqu’il mit la table, il avait assaisonné le dos d’un veau avec du safran, de l’eau de rose, du vin vieux et du musc pur.
Le roi y porta la main et en mangea ; il s’étonna de l’intelligence de cet homme et lui dit :
Cherche ce que tu pourrais désirer et demande-le-moi, ô homme de bien.
Le cuisinier lui répondit :
Ô roi, puisses-tu vivre content et puissant à jamais !
Mon cœur est plein d’amour pour toi et te voir est tout ce que mon âme désire.
Je n’ai qu’une chose à demander au roi, bien que cet honneur soit au-dessus de moi ; c’est qu’il veuille permettre que je baise le haut de ses épaules et que j’y applique mes yeux et ma face.
Zohak, en entendant ce discours, ne se douta pas de son intention secrète et lui dit :
Je t’accorde ta demande, il se peut qu’il en revienne quelque honneur à ton nom.
Il lui permit donc de le baiser sur les épaules, comme étant son ami.
Ahriman le baisa et disparut de la terre ; personne n’a jamais vu chose si étonnante.
Il sortit un serpent noir de chaque épaule de Zohak, qui en fut consterné et chercha de tous côtés un remède ; à la fin il les fit couper tous les deux de dessus ses épaules : mais (avec raison tu restes stupéfait) les deux serpents noirs poussèrent de nouveau comme deux branches d’arbre sur les épaules du roi.
De savants médecins s’assemblèrent ; chacun dit son avis à son tour et ils firent des enchantements de toute espèce, mais aucun ne sut remédier au mal.
Puis le rusé Iblis se présenta soudain devant Zohak sous la forme d’un savant médecin et lui dit :
C’était une chose inévitable.
Laisse les serpents et ne les coupe pas aussi longtemps qu’il y aura de la vie en eux.
Prépare-leur de la nourriture et fais-les manger pour les apaiser ; c’est le seul remède dont tu doives te servir.
Ne leur donne à manger que des cervelles d’homme, il se peut que cet aliment les fasse mourir.
Quel pouvait être le but du chef des féroces Divs dans cette confusion ?
Que voulait-il par ce conseil, si ce n’est de préparer en secret un moyen de dépeupler le monde ?
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021