Arrivé près du Hirmend, Bahman choisit un noble messager, l’envoya auprès du Destan fils de Sam et le chargea de messages de toute espèce, disant :
La vie m’est devenue amère sur cette terre par la mort d’Isfendiar et par le meurtre de Nousch-Ader et de Nousch-Zad, deux nobles princes, deux hommes de glorieuse race que j’ai à venger.
Maintenant je vais délivrer mon cœur de cette longue colère et remplir de sang le lit du fleuve de Zaboul.
Le messager se rendit auprès de Zal et lui répéta ces paroles et la douleur et le chagrin devinrent les compagnons de l’âme de Zal.
Il répondit :
Si le roi veut réfléchir sur la mort d’Isfendiar, il reconnaîtra qu’elle fut l’œuvre du sort.
Mon âme en a été remplie d’angoisse.
Tu as été témoin de ce qui s’est passé de bien et de mal ; mais tu n’as éprouvé de moi que du bien et aucun mal.
Rustem ne s’est pas soustrait aux ordres d’Isfendiar, tu as vu que son âme était l’esclave de l’obéissance qu’il lui devait ; mais la fin de ton père, ce noble et puissant prince, approchait et c’est alors qu’il devint dur pour Rustem.
Les lions et les dragons vaillants dans les forêts n’échappent pas à la griffe du sort.
Sans doute tu as entendu raconter ce que Sam le cavalier a fait dans son temps par sa bravoure et qu’il a continué ainsi jusqu’au moment où Rustem put tirer son épée tranchante.
Les hauts faits de Rustem sur le champ de l’honneur et des combats se sont passés sous les yeux de tes ancêtres.
Il a en soin de toi comme la plus humble des nourrices, et, à l’armée, il était parmi les plus nobles de tes héros.
Maintenant Rustem a péri misérablement et tout le Zaboulistan en est rempli d’émoi.
Si tu veux renoncer au combat contre nous, si tu veux réfléchir gracieusement sur nos affaires, si tu veux venir ici, oublier toute cette colère et calmer ce pays par ta bonté, tous les riches trésors du Destan et de Sam, leurs ceintures d’or et leurs brides d’or, je les apporterai devant toi quand tu viendras ; car tu es le roi et les grands sont ton troupeau.
Zal donna au messager un cheval et de l’or, il-lui fit beaucoup de présents de toute espèce.
Le noble messager revint auprès du roi et lui rapporta ce qu’il avait vu et entendu chez le Destan ; le fortuné Bahman l’écouta, mais il n’accepta pas les excuses de Zal et se mit en grande colère.
Il envahit le pays, l’âme pleine de chagrin, la tête remplie du désir de la vengeance, le cœur poussant des soupirs.
Zal fils de Sam le cavalier alla à sa rencontre avec tout ce qu’il y avait d’illustre dans le Séistan.
Arrivé près de Bahman, il mit pied à terre et l’adora, disant :
C’est le moment de la grâce, c’est le jour où l’on doit purifier son cœur de la douleur et de la colère.
Voici le Destan fils de Sam le cavalier qui vient à toi humblement, un bâton à la main.
Je t’en conjure par les services que nous avons rendus, par les soins que nous avons pris de ton enfance, sois clément et ne parle pas du passé ; fais de grandes actions, mais ne cherche pas à te venger des morts.
Ces paroles excitèrent la colère de Bahman et c’est ainsi que fut manqué le but de Zal.
À l’instant le roi fit charger ses pieds de chaînes et refusa d’écouter les conseils de son destour et de son trésorier.
On emporta par charges de chameau, du palais du Destan fils de Sam le cavalier, de l’or monnayé, des perles non percées, des trônes, des tapis de toutes sortes, de la vaisselle d’or et des couronnes d’or, de la vaisselle d’argent, des boucles d’oreilles et des ceintures ; on prit des chevaux arabes avec des brides d’or, des épées indiennes aux fourreaux d’or, des vêtements et des caisses pleines d’argent, du musc et du camphre et tontes sortes de choses que Rustem avait accumulées avec peine, des trésors qu’il avait reçus des rois et des seigneurs.
Bahman livra au pillage tout le Zaboulistan et donna à tous les grands des caisses d’argent et des couronnes.
Dernière mise à jour : 19 déc. 2021