En quittant cette forêt, ils continuèrent leur route en toute hâte et arrivèrent auprès du roi.
L’envoyé entra avant le jeune homme, se présenta à l’instant devant le trône de Kesra et lui dit :
Ô roi Nouschirwan, pendant que tu dors, ta jeune fortune ce veille !
En quittant la cour je suis allé à Merv, couinant comme un francolin dans un jardin de roses.
J’ai trouvé parmi les savants un jeune homme;je l’ai emmené et me suis hâté de revenir. »
Puis, il raconta ce qu’il avait entendu de sa’bouche et le prodige du serpent noir qu’il avait’observé.
Kesra, le maître du monde, fit appeler Buzurdjmihr et lui parla longuement de son rêve.
Le jeune homme écouta Nouschirwan, sa tête se remplit de paroles, sa langue devint éloquente et il répondit :
Dans ton palais et parmi les idoles de l’appartement de les femmes, il y a un jeune homme qui s’est dé- !
Guisé en adoptant des vêtements de femme.
Fais partir de cette salle tous les étrangers pour qu’ils n’apprennent pas ce que nous voulons faire.
Ordonne à tes femmes de passer devant toi, en comptant les pas qu’elles font sur le sol et nous demanderons à cet intrus hardi comment il est arrivé jusqu’à la couche du lion. »
Le roi renvoya de la salle d’audience toits les étrangers et fit fermer la porte du palais impérial.
Les femmes du roi parurent dans toute leur beauté et ces belles créatures, exhalant un parfum de jasmin, fières et honteuses. passèrent doucement devant Kesra ;-mais de cette manière on ne vit pas d’homme parmi elles et Kesra se mit en colère comme un lion furieux.
L’interprète des songes dit :
Cela ne devrait pas cette ; mais il y a un jeune homme parmi ces femmes et si tuas bien vu ton songe, ô roi, il faut de toutes manières en trouver l’interprétation.
Fais-les repasser encore une fois le visage découvert et pénètre au fond de leur ruse. »
Le roi ordonna à l’eunuque de ramener à l’instant toutes ces idoles, à qui il dit :
Il faut passer de nouveau et montrer vos visages sans le voile de la pudeur. »
Elles passèrent donc encore une fois devant lui et toutes reconnurent la sagacité de l’interprète du songe, car il parut au milieu d’elles un jeune homme ayant la taille d’un cyprès et le visage d’un Keïanide ; son corps tremblait comme un saule et son cœur désespérait de la douce vie.
Il y avait dans ces appartements soixante et dix jeunes filles, chacune comparable à un noble cyprès.-L’une d’elles était la fille du chef de Djadj ; elle avait une taille de cyprès et des joues d’ivoire et un jeune homme au visage de jasmin et au parfum de musc l’avait aimée dans le palais de son père ; il se tenait devant elle comme un serviteur ; partout où elle allait il était avec elle.
Le roi lui demanda qui était ce jeune homme, qui était cet homme favori d’une esclave, apportant des calamités, hardi, jeune et se trouvant dans l’appartement des femmes de Nouschirwan.
La femme dit :
Il est mon frère cadet, il est jeune et de la même mère que moi.
Nous avons des pères différents, mais la même mère et il ne se passe rien de mal entre nous.
Il a pris ce vêtement parce que, par respect pour le roi, il n’ose pas le regarder en face. »
C’est ainsi que s’excusait cette fille au visage de lune, dans sa terreur d’un roi amoureux.
Elle savait que ce qu’elle disait était une fourberie, mais le feu du chagrin poussait son cœur au mensonge.
N ouschirwan fronça les sourcils ; il était confus de ce qu’avaient fait ces jeunes gens.
Sa colère éclata et il dit à l’exécuteur des hautes œuvres :
Il faut que la terre recouvre ces deux coupables. »
Le bourreau les traîna dehors, derrière le rideau de l’appartement des femmes du roi et les pendit dans cet appartement pour que d’autres ne commissent pas de péché.
Nouschirwan donna à l’interprète du songe une
-caisse remplie d’or et des chevaux et des vêtements à souhait.
Il était étonné de son savoir et ses paroles le faisaient réfléchir.
On inscrivit son nom sur les registres du roi, parmi les Mobeds, ses conseillers ; les affaires de Buzurdjmihr prospéraient et le ciel qui tourne lui montra sa face avec faveur.
Tous les jours sa fortune augmentait et le roi était très-heu-reux de le posséder. ’ Le cœur de Kesra était plein de justice, son âme et sa tête étaient ennoblies par la sagesse.
Il avait à sa cour des Mobeds ; il y retenait des savants versés dans toutes les sciences ; il y avait toujours soixante et dix hommes éloquents qui demeuraient et dînaient dans le palais.
Chaque fois qu’il était libre d’affaires à décider, d’œuvres de générosité à faire, de banquets à ordonner ou de batailles à livrer, il demandait à tous les Mobeds de nouveaux discours et ornait son esprit de nouvelles connaissances.
Dans ce temps, Buzurdjmihr était jeune, parlant bien, d’un esprit subtil et beau de visage et il arriva qu’il apprit bientôt de ces illustres Mobeds, de ces astrologues et de ces sages, leurs sciences et les dépassa et leva la tête plusnhaut que ces philosophes.
Personne ne connaissait les secrets des astres comme lui ; il n’était inférieur à personne dans l’art de la médecine et il ne cessait de faire de beaux discours sur le gouvernement et la conduite des affaires et de donner de bons conseils.
Dernière mise à jour : 7 sept. 2021